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François Schaller

La nomination de Tidjane Thiam à la tête de l’opérationnel de Credit Suisse  est tout de suite apparue hier matin comme une sorte de symbole humain de la globalisation déjà ancienne de l’économie suisse. Un signe particulier d’ouverture également: par rapport aux critères de la correction politique la plus standard, il y a certainement moins d’Africains que de femmes ou d’homosexuels dans ce genre de fonction s’agissant de groupes industriels ou de services basés dans le monde développé. «Tidjane Thiam, ce banquier que la France regrette d’avoir laissé partir», titrait hier le site du quotidien Le Monde.

Il n’est pas encore acquis que Tidjane Thiam soit la bonne personne pour assurer le développement de Credit Suisse ces prochaines années, mais personne ne pense à ce stade que le risque d’erreur de casting soit particulier, culturel ou lié à des questions de nationalité. Cet événement vient surtout rappeler que les équipes de management des entreprises suisses, les grandes en particulier, sont les plus internationalisées du monde. Les dirigeants suisses d’entreprises cotées sur le Swiss Exchange ne sont-ils pas minoritaires? Rien de plus normal au fond dans la mesure où l’industrie et les services développés et gérés depuis la Suisse sont très surproportionnés par rapport au bassin de population. Trouver sur place des dirigeants à la hauteur n’est pas aisé. A considérer les performances globales, on peut dire que cette contrainte pénalisante au départ a simplement été transformée en avantage.

Il a beaucoup été question ces derniers mois d’un probable retournement de tendance à la suite de l’article constitutionnel contre l’immigration de masse adopté il y a un peu plus d’un an en vote populaire (9 février). Les ressources humaines basées en Suisse vont-elles devenir moins internationales, les équipes moins multiculturelles? Au-delà du climat politique actuel, encore très perturbé par l’émotion, il y a fort peu de chances que ce mauvais scénario se réalise: à l’époque des quotas d’immigration (jusqu’en 2005), les plafonds n’étaient jamais atteints. Ils fonctionnaient comme des sauvegardes.

Formalités mises à part (et ce n’est pas une fatalité), l’économie pouvait recruter librement ses cadres en Europe et dans le monde. Commencé dans les années 1980 (Helmut Maucher à la tête de Nestlé en 1990), le processus d’internationalisation n’a pas été ralenti. Et pendant les dix ans de libre circulation des personnes avec l’Union européenne, à peine 20% de l’immigration concernait les entreprises.

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