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Manuel Valls, Michel Onfray, Philippe Bilger, spectacles, totalitarisme pédagogique, un clapotis
Par Philippe BILGER
Quelle sera la légitimité politique de Manuel Valls, aujourd’hui et demain, avec un passif faisant douter de sa rectitude et de son honnêteté ?
Ce n’est pas la première fois que Manuel Valls manifeste, comme des accès qui le saisiraient à intervalles réguliers, un extrémisme démocratique dangereux pour la liberté d’expression et l’autonomie des citoyens.
Intrusif à l’égard d’une société qui n’a pas besoin d’être houspillée en permanence par les injonctions, prétendues républicaines, d’un totalitarisme pédagogique prescrivant à chacun ce qu’il a le droit de voir, de regarder, de lire, comment il doit réfléchir et ce qu’il peut se permettre de dire, sur qui et à qui.
L’affaire Dieudonné, sa gestion administrative et préventive, l’incandescence parfaitement artificielle développée autour de ses spectacles, de leurs dérives et de ce vrai humoriste dégradé en triste personnage, avaient déjà révélé à quel point Manuel Valls ne faisait pas dans la demi-mesure. Mais force est de reconnaître que les effets de ce combat en l’occurrence ont été positifs, apparemment.
Mais pour Michel Onfray, de quoi s’est-il mêlé ? Etait-il vraiment nécessaire qu’il perde son crédit – alors qu’il reprochait au philosophe de « perdre les repères » – en s’opposant à cette évidence intellectuelle et démocratique proférée par Michel Onfray qui soutenait « préférer une analyse juste d’Alain de Benoist à une analyse injuste de Minc, Attali ou BHL » et, bien sûr, précisait-il, un propos pertinent de BHL à une absurdité d’Alain de Benoist.
Où est donc le problème sinon dans l’immixtion scandaleuse d’un homme de pouvoir dans une sphère qui ne le regarde pas, où l’esprit a le devoir d’être libre et l’intelligence éclairée ?
Où est le malaise sinon dans le fait qu’un Premier ministre, sans se cacher et avec bonne conscience, prétende gouverner les opinions d’un philosophe, selon lui, « connu, apprécié par beaucoup de Français » en le blâmant parce qu’il place la vérité au-dessus de la gauche, l’équité avant le clientélisme, la pertinence avant la connivence ?
Quelle sera la légitimité politique de Manuel Valls, aujourd’hui et demain, avec un passif faisant douter de sa rectitude et de son honnêteté ? Avec un culte tellement ostensible de l’affichage idéologique et de l’étiquette « de gauche » que ces données devraient l’emporter sur tout, et d’abord sur la justesse et la sincérité ?
Le fait qu’Alain de Benoist, à une certaine époque, ait pu théoriser pour le pire, selon Manuel Valls, rend-il inconcevable qu’aujourd’hui, dans d’autres registres, il puisse avoir ponctuellement raison ? Lorsqu’il affirme être « plus à gauche » que le Premier ministre, sa boutade n’est pas dénuée de sens quand on considère son parcours atypique, en rupture.
Avec l’opprobre qui s’attacherait à vie et sans rémission à la pensée ancienne, on serait donc maudit, pestiféré pour toujours ? On n’aurait jamais droit à la moindre adhésion ? Quelle étouffante conception de la vie intellectuelle et culturelle que celle de Manuel Valls !
[…] À l’exception de la réplique décisive de Michel Onfray à cette attaque (Figaro Vox) – en synthèse, Valls est « un crétin » -, je suis frappé de voir le peu d’écho que suscite cette controverse pourtant tellement signifiante sur le rapport du socialisme directif avec les intellectuels et le souci trop rare de liberté éprouvé par ceux-ci. Ils n’auraient pour vocation ultime que d’être enchaînés au char de l’État et gare à ceux qui emprunteraient plutôt les chemins de la vérité que ceux de la gauche !
Imaginons un Premier ministre de droite s’étant abandonné à de telles dérives offensant à la fois le bon sens et l’obligation de demeurer dans sa sphère de compétence : la polémique aurait duré. Il aurait été vilipendé sur les plans politique et médiatique.
Avec Manuel Valls, à peine un clapotis.
Pourtant, ce n’est pas rien, que de préférer la gauche à la vérité.
Extrait de : Manuel Valls : je préfère la gauche à la vérité !