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Par Christian Combaz, écrivain et essayiste

Christian Combaz trouve que la journée de la langue française est une initiative louable, mais qui vient malheureusement après des années d’abandon de la langue française.

Pour avoir dirigé, il y a dix ans, un établissement culturel ayant pour mission de répandre et d’entretenir l’usage du français enLombardie, j’ai souvent reçu des consignes idiotes mais j’en ai gardé une en me disant qu’un jour ou l’autre, les Français seraient contents de savoir comment le gouvernement diffuse leur langue à l’étranger . Le contexte est simple à résumer, nous sommes en 2010 dans un pays européen, l’Italie, qui aime et lit nos auteurs classiques. Mais le ministère des Affaires étrangères a décidé de faire découvrir de force lefrançais nouvelle manière. Extrait d’une note de service:- Il faut promouvoir le français comme langue en liberté: langue des banlieues, sms, blogs (contre la «police» de la langue, le repli)

– Il faut encourager le français comme étant à la pointe d’une movida: slam, cultures urbaines, mangas (contre la culture «patrimoniale»):

– Il faut encourager le français comme langue de l’excellence sportive (contre «une langue féminine, formelle et chic»)

La philosophie n’a guère changé depuis Nicolas Sarkozy. On peut d’ailleurs dire que Nicolas Sarkozy n’aurait rien pu faire pour la changer car le personnel qui diffuse ce genre de textes partout, dans l’administration de la culture, dans l’Education nationale, est immuable depuis trente ans. Il a été formé par les années Jack Lang. Il pense que la pratique de la langue châtiée est bourgeoise et qu’elle représente une offense aux «quartiers», aux derniers arrivés , un peu comme l’histoire de France est censée commencer à la guerre de 14, parce que le château de Fontainebleau, les murailles de Vauban, la Maintenon, la princesse Palatine, c’est «stigmatisant». Aujourd’hui le gouvernement s’aperçoit que l’intégration passait par la langue avant toute chose. Mais il est trop tard. La moitié de ses membres, formée à l’école nouvelle, est incapable, quand elle ouvre la bouche, de ne pas rebuter les gens qui savent écrire et parler. Donc elle n’inspire, aux autres, aucune envie de faire un effort. Quand les conférences de presse présidentielles ressemblent à des micro-trottoirs sans syntaxe, sans précision, sans cohérence, sans la moindre tentative de s’élever au-dessus du babillage, les jeunes ne voient pas où est l’intérêt d’apprendre un langage plus raffiné. Le pouvoir hollandien entretient avec les mots un rapport tellement conflictuel, tellement douloureux qu’il a du mal à convaincre qu’il contrôle le reste. Et de fait, plus personne ne le croit.

On me dira, comme toujours, que son prédécesseur ne brillait pas par l’expression. Mais on sentait chez lui une espèce de haussement d’épaules qui voulait dire: désolé, je m’exprime de façon familière mais je suis sincère. Tandis que nos gouvernants actuels ne sont désolés de rien. Il n’ont honte de rien dans ce domaine.

Alors, organiser une journée de la langue française une fois l’an dans ces conditions, c’est comme se mettre à l’eau de Vichy pendant une journée quand on boit de l’alcool depuis quarante ans: cela ne sert à rien mais cela met une ambiance détestable au comptoir.

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