La fondation Abbé-Pierre a présenté, jeudi dernier à Brest, son rapport sur l’état du logement en Bretagne (B4). Il en ressort que tous les voyants sont au rouge, et notamment concernant la précarité énergétique des ménages. Si le système de protection sociale permet de contenir l’explosion de la pauvreté, ce dernier bat de l’aile et pourrait imploser dans le futur.

Les principaux chiffres à retenir pour la Bretagne (B4) : il y aurait, selon la fondation, 7 000 SDF en Bretagne. 26 campements sauvages ont été recensé, notamment en région rennaise. L’hébergement d’urgence est d’ailleurs saturé dans ce secteur (+40% d’augmentation des demandes), ce qui n’empêche pas les pouvoirs publics de mettre en place une politique d’accueil des mineurs isolés étrangers très coûteuse.
Autre fait qui inquiète la fondation : 200 000 ménages vivent en précarité énergétique (mauvaise isolation, humidité, perte d’énergie), la Bretagne étant une des premières régions de France touchée (15% des ménages de la région, jusqu’à 30% dans des zones sinistrées du Centre-Bretagne).
La Bretagne compterait 78 000 logements privés jugés indignes ou pouvant porter atteinte à la santé et à la dignité des occupants (eau, chauffage ou sanitaires qui font défaut) avec là encore, une concentration dans le Centre-Bretagne.

Enfin, concernant la loi SRU sur les logements sociaux, la Bretagne fait figure de bon élève, puisque seulement 85 communes ne respectent pas les 20% de logements sociaux obligatoires, et parmi celles-ci, 63 sont en train d’y procéder.

Nous avons interrogé Stéphane Martin, directeur régional de la fondation Abbé-Pierre, à la suite de la conférence, pour qu’il nous détaille quelques points.

Breizh-info.com : quelle est la situation du logement en Bretagne ?

Stéphane Martin : Comme ailleurs, elle est préoccupante. La production régionale de logement neuf est en baisse. 22 700 logements ont été autorisés en 2013. La baisse est de 14 % par rapport à l’année 2012.
19 600 logements ont été commencés en 2013, c’est le plus bas niveau depuis 1997. On assiste aussi à des annulations de permis de construire (2700 en 2013), cela traduit selon les services de l’Etat la difficulté des ménages à mettre en place les projets de financement.

En ce qui concerne les logements sociaux, il faut déplorer que les logements sociaux neufs soient trop chers même pour des ménages très modestes.

La Fondation Abbé Pierre dénonce aussi la situation de communes qui ne respectent pas les obligations d’avoir 20 % de logements sociaux sur leur territoire. Si toutes les obligations étaient remplies, ce serait 17 100 logements sociaux de plus dans la région Bretagne !

Il faut donc que les préfets soient plus coercitifs vis-à-vis des communes récalcitrantes.

Breizh-info.com : Y a t-il une fracture entre villes et campagnes ?

Stéphane Martin : Ce n’est plus une fracture mais une faille. Les territoires ruraux apparaissent délaissés des enjeux habitat. Malgré des actions de rénovation de logements initiées par les collectivités locales par le biais d’aides publiques, les besoins sont colossaux. Une petite partie de la question est traitée.

Logements indignes, logements énergivores se concentrent principalement en secteur ruraux et principalement en centre Bretagne. On ne construit plus beaucoup de logements sociaux sur le secteur alors qu’une demande de logement individuel HLM existe.

Breizh-info.com :  quelles seraient les mesures à mettre en place ?

Stéphane Martin : Une question est d’importance, l’urbanisme rural doit aussi évoluer vers un retour vers les centre bourg pour éviter que les personnes vieillissantes soient isolées dans les hameaux ou les lotissements, loin de tous les services.
Sur ces territoires ruraux, il faut « aller vers » les ménages pour faire connaître les possibilités de rénovation en privilégiant les filières locales.
Il est aussi important d’aller chez les personnes et d’accompagner les plus fragiles sur le long terme même après la réalisation de travaux.
Des associations, des bénévoles, des élus et des « pairs » peuvent jouer un rôle important pour faciliter la réussite des projets.

Breizh-info.com :  La Bretagne peut-t-elle continuer à accueillir de nouvelles populations alors que la crise du logement fait rage ?

Stéphane Martin : La Bretagne accueille beaucoup de nouveaux ménages, environ 25 000 habitants par an notamment dans l’est de la région. Le besoin de logement est important et se caractérise aussi par le fait que la région a besoin de plus de petits logements. La question  principale est le coût du logement pour les propriétaires (emprunt et charges) et locataires (loyers et chauffage)  au regard des ressources des ménages. Les Bretons sont étranglés par la question du logement.

 Par contre, depuis 3 ans la région accueille une importante population migrante de demandeurs d’asile qui sont dirigés vers les centres d’hébergements notamment à Rennes. Les dispositifs sont à saturation et cela crée de fortes tensions entres les différents publics demandeurs, les associations et les financeurs de ces structures.

http://www.breizh-info.com