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Les réformes ont permis de sortir de la crise de l’euro. Mais n’ont semble-t-il pas réglé les problèmes de fond.

Andreas Höfert,  Chef économiste    

A moins d’un «Grexit» ou d’un «Graccident», 2015 pourrait être l’année qui verra la zone euro sortir enfin de la crise. La faiblesse de l’euro et des cours du pétrole, des indicateurs de crédit positifs et le réveil du colosse allemand sont autant de facteurs qui devraient soutenir la croissance européenne. Pourtant, au-delà du risque politique et celui d’une déflation, il convient de ne pas s’enthousiasmer trop vite.

Il est vrai que les prévisions du consensus des économistes se situent à présent aux alentours de 1,5% pour 2015, et même de 2% pour 2016. Cependant, il ne faut pas oublier que, lors des cinq dernières années, la zone euro a eu tendance à tromper les économistes en leur faisant miroiter une reprise qui, à l’arrivée, n’a jamais été à la hauteur de leurs espérances.

De plus, les perspectives de croissance européennes sont loin d’être uniformes. Le moteur de la zone euro, l’Allemagne, devrait tourner plutôt bien avec une croissance supérieure à 2%. L’Espagne et l’Irlande, qui restera sans doute la championne de la croissance en Europe, surperformeront aisément la zone euro dans son ensemble.

Certains voisins de l’Allemagne (l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas) ainsi que le Portugal devraient plus ou moins s’inscrire dans la moyenne tandis que l’Italie et la France devraient encore décevoir. Enfin, la situation politique en Grèce est trop confuse pour permettre de formuler une quelconque prévision sérieuse.

Les cas de l’Espagne et de l’Irlande laissent penser que la crise de l’euro est derrière nous et que, n’en déplaise à leurs détracteurs, ceux qui prônaient des réformes radicales et de l’austérité ont fini par avoir raison.

Mais cette analyse est-elle vraiment pertinente? Après sept années de vaches maigres, un nouveau jour est-il enfin en train de se lever à la périphérie de l’Europe? A mon avis, la réponse doit être plus nuancée qu’un simple oui ou non.

Certes, les réformes semblent avoir été bénéfiques. Pourtant, il existe des facteurs inexpliqués lorsqu’on analyse le succès (ou non) des pays dit «périphériques». Si l’on met de côté le cas particulier de la Grèce, on observe une nette divergence entre les pays qui connaissent une expansion soutenue comme l’Espagne et l’Irlande et ceux aux prises avec une croissance moyenne, voire faible comme le Portugal et l’Italie.

La sous-performance de l’Italie (cela vaut aussi pour la France, qui ne fait pourtant pas partie de la «périphérie») est pour part imputable à une absence concrète de réformes. Prenons les coûts unitaires du travail comme indicateur statistique du terme «réforme».

Selon l’OCDE, ils ont baissé de 10% en Irlande par rapport à ceux observés en Allemagne entre 2009 et 2014, de 13% dans le cas de l’Espagne et du Portugal, mais de seulement 4% en Italie et de 2% en France.

Toutefois, si l’on prend ce même indicateur et que l’on compare là 2014 avec 1999, on découvre que les coûts unitaires du travail de tous les pays examinés ont augmenté par rapport à l’Allemagne.

L’Italie est le pays où ils ont le plus augmenté relativement (+21%), ce qui explique une nouvelle fois pourquoi ce pays reste englué dans une croissance médiocre au regard de celle observée dans le cœur de l’Europe.

L’augmentation est plus modeste en Irlande (+17%) et en Espagne (+11%). On remarque tout de suite que, dans le cas irlandais, cela ne suffit pas à expliquer son écart de croissance considérable par rapport à l’Italie.

Le chiffre le plus frappant est celui du Portugal. Par rapport à 1999, ses coûts unitaires du travail y ont progressé de seulement 2% par rapport à ceux observés en Allemagne. Et pourtant, le Portugal connaît une expansion nettement moins forte que l’Espagne et l’Irlande.

A mon avis, les réformes ou l’absence de réformes ne peuvent expliquer à elles seules pourquoi certains pays de la «périphérie» se portent mieux que d’autres. Une piste d’analyse réside dans la question déterminant pourquoi certains pays se sont retrouvés englués dans la crise de l’euro.

Pour l’Irlande et l’Espagne, ce fut le fruit d’une hausse des coûts unitaires du travail (synonyme d’une perte de compétitivité) conjuguée à une bulle de l’immobilier et du crédit engendrée par des taux d’intérêt trop faibles.

Dans le cas du Portugal et de l’Italie, seul le facteur de compétitivité est entré en jeu. Dans leur période faste, l’Irlande et l’Espagne étaient surnommées les tigres «celtique» et «ibérique».

En revanche, le Portugal et l’Italie n’ont jamais vraiment profité de l’euro. Le PIB réel de ces deux pays demeure équivalent, voire inférieur, à ce qu’il était en 2000. Autrement dit, ils sont en panne de croissance depuis quinze ans.

A titre de comparaison, même après de sévères récessions, le PIB espagnol est aujourd’hui supérieur de 21% à ce qu’il était en 2000 et ce chiffre monte à 37% dans le cas de l’Irlande.

Les réformes ont, semble-t-il, résolu les problèmes les plus pressants auxquels les pays de la périphérie étaient confrontés, leur permettant ainsi de sortir enfin de la crise de l’euro.

Toutefois, on peut estimer qu’ils n’ont pas réglé les problèmes de fond. Alors que l’Espagne et l’Irlande ré-accélèrent, le Portugal, malgré les réformes, et l’Italie, sans vraies réformes, ont toujours le pied sur le frein.

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