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Le cinéma est une grande famille, on le sait, mais dans laquelle il n’est pas interdit de se tirer la bourre, fût-ce de la manière la plus bourrue.
De fait, une certaine Amandine Gay, qui grenouille vaguement entre téloche et ciné – en tant que scénariste-documentariste, à en croire Le Figaro de ce dimanche dernier ; voilà qui ne doit pas surcharger ses journées –, a-t-elle mis le feu aux réseaux sociaux, à propos d’une simple annonce de casting mise en ligne sur le site Cinéaste.org. Annonce qui a d’ailleurs depuis été retirée, au vu de l’ampleur du scandale médiatique qui, malheureusement, nous occupe.
De quoi s’agit-il ? De racisme, bien sûr. Et voilà l’Armageddon qui survient. Extraits choisis : « Pour les besoins d’un film français et pour jouer aux côtés de grandes stars françaises, nous recherchons […] Le personnage de Henri, un homme de 25-30 ans, caucasien (blanc très clair) sachant parler et se comporter comme une racaille du ghetto noir (cf Joey Starr) et parler bourgeois blanc (être né dans le 16e est un plus. » Le reste est à l’avenant. Pour le « Mamadou », censé être « agressif, comique sachant danser et faire des blagues de type Afrique centrale »… Et n’oublions surtout pas le « Rachid », programmé pour être « très vif, mince et un fin voleur, il doit savoir courir très vite et savoir parler avec un accent arabe, de type maghrébin, des traits arabes »…
Après avoir massacré à la fois ponctuation et bon usage de la langue française, ces deux questions :
La première consiste à savoir comment des directeurs ou directrices de casting peuvent se montrer aussi nigauds ; eux qui, issus d’une profession de longue tradition « antiraciste », devraient savoir à quel point leur propre terrain est de plus en plus « glissant ». La seconde se résume à comprendre pourquoi tant de journalistes – large spectre allant du Figaro aux Inrockuptibles – peuvent encore relayer de tels émerveillements enfantins.
Car oui, c’est ainsi, les règles du casting obéissent à une autre loi, que l’on pourrait ranger dans celles de l’ordre naturel. Quand, en 2001, Michael Mann prépare son remarquable « biopic » sur Cassius Clay, devenu plus tard Muhammad Ali, c’est à Will Smith qu’il fait appel plutôt qu’à Jean-Pierre Marielle. De même que quand, dans Le Prophète de Jacques Audiard, fils du Michel que vous devinez, nous touchons du doigt la triste réalité du monde carcéral, ce sont des parrains corses que nous voyons et une large majorité de détenus plus ou moins français, mais à l’évidence d’ascendance africaine, Afrique du Nord et subsaharienne confondues. Une telle réalité est certainement déplorable, mais c’est ainsi que va la vie.
Au fait, quand sera éventuellement mis en chantier un possible autre « biopic » consacré à Marilyn Monroe, Amandine Gay, dont l’épiderme a des surplus de mélamine à revendre, renversera-t-elle la table après avoir été écartée du casting, ayant été jugée peu plausible dans le rôle en question ?
Au lieu de piauler, la donzelle en question ferait mieux de se féliciter de la montée en force d’acteurs, pas tout à fait « gaulois », mais qui ont tout de même fait leur pelote dans le septième art français. Jamel Debbouze en « Lucien » dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, ça avait tout de même de la gueule. Sans compter tous les autres, d’Omar Sy à Tahar Rahim, qui peuvent jouer, tour à tour, « gentils » et « méchants », « flics » ou « voyous » en n’ayant rien demandé à personne, et surtout pas à notre chère Amandine.
Et surtout pas à ce public qui, à la fin des fins, a, seul, le pouvoir de faire et défaire ces rois d’un moment.