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Dans les grandes écoles, on apprend tout, hormis la vie.
Nicolas Gauthier,Journaliste, écrivain

Aléxis Tsípras, Premier ministre grec, en visite en Allemagne – il fallait bien que la chose se fasse tôt ou tard –, a rencontré son homologue Angela Merkel. L’occasion, semble-t-il, de « dépasser les stéréotypes ». Soit le « Grec paresseux » et l’« Allemand industrieux ». En filigrane, quelques vieilles querelles historiques, dont les réparations de guerre dues par l’Allemagne à la Grèce pour avoir un peu ravagé ce dernier pays lors du dernier conflit mondial en date.

Là, sans aller jusqu’à la « reductio ad Hitlerum », Aléxis Tsípras joue sur du velours. Sans compter qu’il peut encore rappeler qu’en 1953, la dette allemande fut quasiment effacée du jour au lendemain, au nom d’intérêts géostratégiques supérieurs ; bref, la guerre froide dictait sa loi.

La Grèce… C’est le président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, qui tint à la faire entrer aux forceps dans cette Europe qui s’appelait naguère « Communauté » et non point « Union ». Il estimait, non sans raison, qu’il était impossible de fonder l’Europe en faisant l’économie d’un pays ayant vu à la fois naître Périclès, Aristote et Platon.

S’il avait un peu plus voyagé ailleurs que dans son crâne, chauve à l’extérieur comme à l’intérieur, au moins aurait-il compris ceci : après quatre siècles d’occupation ottomane, les Grecs sont des Turcs qui s’ignorent, tandis que leurs voisins turcs vivent comme des Grecs, même s’ils ont une sainte horreur qu’on le leur rappelle. Comme quoi, dans les grandes écoles, on apprend tout, hormis la vie.

On n’apprend pas, non plus, que le peuple grec est, par essence, nationaliste ; comme les Turcs, CQFD. Durant et après-guerre, le Parti communiste était l’un des rares à n’avoir jamais obéi à Moscou. La junte des colonels ? Ce n’est pas son autoritarisme et sa corruption que le peuple lui reprochait, mais seulement le fait d’avoir été installée au pouvoir par la CIA. Tout comme, quelques années auparavant, après le départ des Ottomans, la mise en place du roi Othon Ier sur le trône de Grèce ne fut que modérément apprécié par les populations concernées. Logique, pour un monarque qui devait son poste à l’étranger ; et qui, pour tout arranger, venait de Bavière, d’où évidente incompatibilité entre choucroute et moussaka.

En revanche, le grand homme local, qui a même donné son nom au cognac local, c’est Ioánnis Metaxás, autocrate fasciste, de 1936 à 1941, demeuré aimé du peuple pour avoir dit « non » à un de ses homologues, Benito Mussolini, lequel lui avait simplement demandé la permission que ses troupes puissent servir de base arrière pour ses très hasardeuses équipées militaires dans les Balkans. Metaxás, donc, lui opposa un « non » formel. Et aujourd’hui encore, pour quiconque ayant un peu pérégriné en terre hellénique et fraternisé avec l’indigène, il reste le grand homme, que ce soit pour les trotskistes locaux ou les militants de l’Aube dorée.

C’est donc à cette aune qu’il faut analyser le succès électoral de SYRIZA, le parti d’Aléxis Tsípras. Certes, il s’agit d’un mouvement « d’extrême gauche », mais surtout d’un parti nationaliste. Qui a beaucoup promis au peuple, sans être certain de pouvoir tenir tous ses engagements. Et surtout conscient du fait que, s’il ne réussit pas, le troisième parti politique national, l’Aube dorée, pourrait bien un jour prendre sa place.

Des nationalistes d’extrême droite qui remplaceraient des nationalistes d’extrême gauche ? Du jamais vu ? Mais ce peuple magnifique en a néanmoins vu tant, de choses étonnantes…

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas