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Mohammad Farrokh

Les hésitations à Lausanne autour de l’accord avec l’Iran sur son programme nucléaire reflètent un point d’équilibre entre des forces contradictoires. Il y a autant de raisons de ne pas aller de l’avant que de conclure. A première vue, l’arrangement semble s’imposer en raison de la nécessité de lutter contre l’Etat islamique (Daech). Mais si le concours militaire de l’Iran est effectivement indispensable, il ne dépend nullement d’un accord. Chiites, les Iraniens sont déterminés à lutter contre Daech, que cela plaise aux Occidentaux ou non.

Autant dire dans l’autre sens que les Américains et leurs alliés peuvent très bien se passer de faire alliance avec l’Iran pour obtenir son aide, de toute façon acquise. En revanche, l’alliance américaine avec les Arabes sunnites serait encore fragilisée. Elle n’est déjà pas solide: ces Etats sont pour l’Occident des alliés hautement douteux qui pourraient se retourner contre lui. Conclure un accord avec Téhéran pourrait dans ces circonstances finir par faire éclater au grand jour l’hostilité des Etats arabes. Cette solution serait de nature à rendre intolérables les contradictions de la politique d’Etats tels que la France et les Etats-Unis.

Avec un accord, l’Iran ferait aussi l’objet de lourdes pressions de la part de ses nouveaux amis pour abandonner à leur sort Assad et les 2,5 millions d’Alaouites de Syrie (et le million de chrétiens syriens), tous menacés de massacre par les djihadistes. Cette perspective déshonorante est insupportable pour beaucoup d’Iraniens qui n’accepteront à aucun prix de sacrifier ces fidèles amis sur l’autel des bonnes relations avec l’Amérique. Autre ami de l’Iran, plus récent mais non moins précieux, la Russie paraît tiraillée entre la volonté de bien faire et la défense de ses intérêts. Il n’est pas certain qu’un Iran proche des Etats-Unis reste un allié stratégique de Moscou. C’est peut-être bien pour cela que la Russie a annoncé il y a quelques semaines son intention de livrer à l’Iran les fameux missiles S 300 qui pourraient lui permettre de faire face à toute agression extérieure. Avec cette annonce, la Russie a renforcé la position des négociateurs iraniens.

Dans ces circonstances, on peut se demander ce qui plaide en faveur d’un accord. La fascination paradoxale des Iraniens pour les Etats-Unis peut-être, pays vers lequel la classe moyenne rêve toujours d’envoyer se former ses enfants (bien plus qu’en Europe)? Les Iraniens des villes ne sont pas seuls à n’attendre qu’un signal pour consommer américain et laisser libre cours à une américanophilie qui ne les a jamais vraiment quittés malgré la Révolution islamique.

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