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Des riches toujours plus riches (Carlos Ghosn qui gagne 400 SMICs quand son prédécesseur n’en gagnait pas 20), une littérature abondante et à succès sur les inégalités (Thomas Piketty et son « Capital au 21ème siècle », Joseph Stiglitz). Le contexte devrait pousser les idées progressistes. Mais non…
Une vraie défaite électorale
Les deux dernières élections, européennes et départementales, représentent en effet un véritable camouflet pour les idées progressistes. Alors qu’en Grèce et en Espagne, c’est la gauche radicale, avec un agenda qui fait écho aux préoccupations des 99%, qui gagne, en France, c’est la droite et l’extrême-droite qui gagnent. Pire, depuis trois ans, le parti qui portait l’agenda le plus progressiste, le Front de Gauche a perdu la moitié de ses électeurs. Et encore pire, le PS, sur lequel on ne pouvait guère se faire d’illusion, a totalement oublié ses maigres accents progressistes (la taxe à 75%) et assume un discours économiquement de plus en plus digne de la droite la plus dogmatique selon Paul Krugman.
Les raisons de cette défaite sont multiples. D’abord, concernant le FG, on peut y voir les conséquences du transfert de l’ouvrier à l’immigré comme héros moderne pour une partie de la gauche, pour reprendre Jean-Claude Michéa, comme l’illustrait l’affaire Léonarda, à rebours du sentiment populaire. On peut aussi y voir les conséquences de la mauvaise diversion de la campagne pour une nouvelle république alors même que les Français comprennent sans doute que nos institutions ne sont pas responsables de la crise actuelle. Ensuite, le PS a abandonné les classes populaires en FN en renonçant à tout agenda social et en défendant la mondialisation, devenant le porte-parole de ceux qui s’en tirent.
A quand le sursaut progressiste ?
C’est ce qu’explique remarquablement bien Jacques Généreux dans « La dissociété » : tout le paradoxe des politiques néolibérales est qu’elles arrivent souvent à pousser les victimes de leurs conséquences à soutenir les causes même des problèmes qu’ils affrontent. Il est tout de même effarant que la révélation du salaire de Carlos Ghosn n’ait pas provoqué un débat plus vif. Le peuple semble un peu résigné, comme s’il ne pensait pas possible de changer. Le néolibéralisme a tellement perturbé le débat qu’un parti dit socialiste baisse le prix du travail au nom de la compétitivité, refuse d’augmenter le SMIC et dit aux entreprises de ne pas monter les salaires, ou libéralise le travail du dimanche.
La période est si difficile, complexe et tourbillonnante en même temps qu’il semble difficile de s’extraire du flux d’actualité pour prendre du recul. Malheureusement, on peut craindre une nouvelle poussée néolibérale dans les années à venir, une majorité cherchant à défendre ses intérêts et le discours sur la dette poussant à un recul de l’Etat. C’est ce que je regrette d’avoir anticipé début 2009 et qui se réalise. Il faut croire qu’il faudra un nouveau krach, démontrant à nouveau toutes les failles de notre système, pour que la société puisse enfin produire une remise en question plus égalitaire et équilibré de notre modèle de société. Reste à savoir combien de temps cela prendra, quelques années ou plus.
Dans son dernier livre, très intéressant, François Lenglet affirmait que nous allions rentré dans un nouveau cycle plus égalitaire. Il semblerait malheureusement que le cycle libéral ne soit pas terminé et que nous allons en reprendre encore pour quelques années. Espérons que cela sera court.
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