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PSQuoiqu’il compte moins de 200.000 adhérents, le PS est plus que jamais le pivot de la politique gouvernementale. Cette situation aberrante fragilise fortement le pays et témoigne une fois de plus de l’épuisement de la vie politique en France.

Le gouvernement perdu en plein désert

Alors que la France n’a plus rien à cirer du Parti Socialiste, et que le congrès de Poitiers constitue un non-événement collectif, c’est pourtant sa préparation qui scande le rythme de l’action gouvernementale. On a du mal à y croire, et pourtant c’est vrai…

Manuel Valls avait par exemple, en mars, annoncé une série de réformes plutôt libérales: loi Macron 2, réforme du contrat de travail, tout cela dans la foulée du pacte de responsabilité. Et puis… patatras… la semaine dernière la détermination vallsienne branle dans le manche et les déclarations contradictoires s’enchaînent. Non, il n’y aura pas de loi Macron 2, non le contrat de travail ne sera pas réformé (à ce stade, même si rien n’exclut que le sujet soit remis sur le tapis après le Congrès), et puis on est plus très sûr de faire le pacte de responsabilité jusqu’au bout.

Entretemps, Hollande aura sorti de derrière les fagots des annonces imprévues sur une aide de 500 millions d’euros aux PME, sur l’encouragement à l’investissement (par le biais d’une mesure comptable sur l’amortissement), sur l’intervention de la BPI, etc. Pierre Gattaz a de son côté alerté sur les risques d’un renoncement au pacte de responsabilité. Certaines rumeurs laissent en effet entendre que les mesures à destination des entreprises seraient finalement ciblées sur celles qui en ont le plus besoin.

L’arbitrage de Martine Aubry au centre du jeu

Pourquoi tous ces atermoiements? Parce que Martine Aubry monnaie chèrement son soutien à la motion Cambadélis présentée au congrès du PS. Oui, oui, vous avez bien lu! la cinquième puissance économique du monde, deuxième puissance militaire d’Occident, donneuse de leçons à la terre entière, suspend ses décisions internes à la signature ou non, au bas d’une motion du Parti Socialiste, d’une élue de province de soixante-cinq ans qui est entrée en politique dans les années 70, et qui exige que ses recettes éculées soient prises en compte par le pouvoir… sans quoi elle fait basculer le parti du côté des frondeurs.

Heureusement que Michel Rocard yoyotte de la touffe et ne peut plus aligner deux phrases compréhensibles, que Lionel Jospin s’est retiré de la vie politique et que Jean Poperen est mort, parce qu’on imagine facilement que tout ce petit monde demanderait à Valls de baigner son programme dans le formol en échange de son soutien.

Tous les vices de la Vè République rassemblés sur le même malade

Personnellement, le fait que le pacte de responsabilité soit amendé ou que la politique du gouvernement soit battue en brèche ne me choque pas. Ce qui me scandalise, ce sont les (très) mauvaises raisons pour lesquelles ces changements sont pratiqués. On nous dirait que, réflexion faite, le gouvernement veut améliorer l’efficacité économique de ces mesures, ou qu’il tire les leçons des élections en lançant un « je vous ai compris » aux Français ne me gênerait pas. Mais que ces changements soient décidés pour faire plaisir à une élue déclinante qui est la clé d’une majorité au sein d’un parti à l’agonie est tout simplement hallucinant.

Forcément, on ne peut s’empêcher ici d’énumérer toutes les tares du système. François Hollande, entré en politique à l’époque du Sinclair ZX-80 et avant l’invention d’Internet, veut être réélu dans un monde dont il ne comprend pas les règles technologiques et économiques. Pour y parvenir, il a besoin du soutien d’un parti qui a reçu moins de 5 millions de voix aux dernières élections, soit environ 10% des électeurs. Ce soutien dépend d’une majorité qu’il obtiendra au congrès grâce au courant aubryste.

Evidemment, dans une France où le Président ne pourrait être réélu, ou la carrière politique ne pourrait durer plus de quinze ou vingt ans, où la proportionnelle casserait l’hégémonie des deux grandes machines électorales que sont le PS et l’UMP, bref, dans une République qui ne serait pas la Vè, la politique économique du pays ne dépendrait pas de la signature de Martine Aubry au bas d’un texte que personne ne lira jamais.

Autrement dit, si l’on veut relever ce pays, il faut changer ses institutions.

http://www.eric-verhaeghe.fr