Étiquettes

, , , ,

David Barroux

La France serait-elle devenue une puissance industrielle de second rang ? A l’image de l’Italie ou de la Belgique, va-t-elle devoir se résigner à voir ses ex-joyaux de l’industrie et des services passer les uns après les autres sous le contrôle d’actionnaires étrangers ? General Electric a mis la main sur la branche énergie d’Alstom, Solvay a repris Rhodia, des Chinois sont entrés au capital de PSA et ont racheté le Club Med, le mariage Holcim-Lafarge semble plus en faveur du suisse que du français, et voilà que Nokia s’apprête à prendre le contrôle d’Alcatel-Lucent. Notre héritage change de passeport et, dans le même temps, les start-up – de Meetic à PriceMinister, en passant par Aufeminin.com -, qui forment notre avenir, sont elles aussi régulièrement acquises par des étrangers. Une tendance qui, avec la baisse de l’euro face au dollar, pourrait s’accélérer tant les cibles françaises sont aujourd’hui moins chères qu’hier ! A l’heure de la mondialisation, l’économie a, il est vrai, changé d’échelle. Rares sont les secteurs dans lesquels un acteur de taille nationale ou régionale peut durablement croître. Pour se développer, il faut se mondialiser et les Français, qui restent adossés à un marché domestique forcément limité, ne sont pas les mieux placés pour réussir cette internationalisation. En dépit de ce désavantage compétitif naturel, nos champions du CAC 40 réussissent en fait bien sur la scène mondiale. Et, avant de voir nos entreprises comme des proies, il conviendrait de se rappeler qu’elles ont plus souvent été prédatrices. D’Air France-KLM à Renault-Nissan, en passant par Vivendi Universal, L’Oréal, LVMH, Pernod Ricard, nos grands groupes ont multiplié les « mégadeals » comme les opérations tactiques. Le bleu-blanc-rouge ne peut cependant pas l’emporter à chaque fois et il convient de faire preuve aussi de pragmatisme. Dans les télécoms, les politiques européens ont préféré jouer la carte de la baisse des prix en faveur des consommateurs plutôt que celle de l’investissement, qui aurait favorisé les industriels. Un choix respectable, mais qui a incontestablement fragilisé le tissu industriel du continent. Dans ces conditions, pour survivre, les équipementiers n’ont pas d’autre choix que de s’unir pour atteindre la taille critique et être ainsi capables de résister au rouleau compresseur chinois, qui a bien l’intention de fixer les futures normes sur le marché des télécoms. Alcatel avait déjà perdu une partie de son identité française en fusionnant avec l’américain Lucent. Le mariage qui se dessine avec Nokia sera forcément difficile et potentiellement douloureux, mais il est sans doute inéluctable. Le dernier plan de restructuration permet à Alcatel d’aborder ce projet en étant moins faible qu’il y a deux ans, et mieux vaut tenter une sortie par le haut qu’un lent déclin qui résulterait d’une volonté de vouloir rester à tout prix franco-français.

http://www.lesechos.fr