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Dans les coulisses des institutions bruxelloises, la remarque revient souvent pour qualifier la manière dont l’ancien Premier ministre exerce sa nouvelle fonction, six mois après son installation dans la capitale de l’UE.

Donald Tusk, lors du Conseil européen des 19 et 20 marsDonald Tusk, lors du Conseil européen des 19 et 20 mars © Conseil européen

En Pologne, Donald Tusk est un symbole. Celui d’un pays qui réussit et acquiert, progressivement, le statut de “grand” État au sein de l’UE. Sa nomination, à la fin de l’été 2014, comme deuxième président du Conseil européen, a été applaudie.

Chef du gouvernement polonais pendant sept ans, ce libéral est un habitué de l’institution où siègent les dirigeants européens. Le successeur du Belge Herman Van Rompuy peine pourtant à prendre ses marques à la tête de ce cénacle. Cinq mois après son arrivée dans la capitale européenne, nombreux sont les acteurs bruxellois qui lui reprochent son incapacité à se débarrasser de son précédent costume de Premier ministre.

Paris et Berlin mécontents

La gestion du dossier ukrainien et des problèmes qui en découlent a été l’un des premiers gros sujets de crispation.

Lors de la préparation du sommet européen des 19 et 20 mars dédié à l’union de l’énergie, la première version des conclusions est vivement critiquée au sein du comité des représentants permanents des États. Celles qui suivent sont donc largement amendées.

“Sur huit points, quatre étaient dédiés à la sécurité énergétique, et donc indirectement reliés à la Russie, on aurait dit un texte écrit par Varsovie”, lâche un diplomate.

Son action guidée par la défense des intérêts de l’Europe centrale se ressent aussi dans ses invitations répétées du président ukrainien aux sommets européens.

La venue de Petro Porochenko à Bruxelles, le 12 février,  irrite également Paris et Berlin. Cette visite est organisée pour évoquer le bilan de négociations, pourtant encore en cours à Minsk entre Ukrainiens, Russes et rebelles. Mais le communiqué qui l’annonce ne fait, à aucun moment, mention de l’action du président français et de la chancelière allemande alors présents en Biélorussie…

Le voyage de Donald Tusk à Kiev fin février, pour l’anniversaire des événements de la place Maïdan, est aussi perçu comme un signe de plus de son opposition à Moscou.

En privé, l’Allemagne et la France ne manquent pas de faire savoir leur mécontentement à l’intéressé.

“Donald Tusk a aussi commencé à comprendre que, sur la Russie, le Conseil est divisé”, commente un haut responsable européen.

Bourdes diplomatiques

Nouveau couac lors du Conseil européen du 19 mars. À quelques heures de l’arrivée des chefs d’État et de gouvernement, les Belges apprennent que le Polonais a validé l’organisation d’une rencontre entre le Premier ministre grec, d’un côté, et Angela Merkel et François Hollande, de l’autre.

Furieux de ne pas être convié, le Premier ministre belge dénonce un mini-sommet “entre Grands” mettant à mal l’égalité entre les pays de la zone euro. Pour donner plus de poids à ses protestations, Charles Michel va chercher le soutien de ses partenaires du Benelux.

Donald Tusk est alors coincé entre la nécessité de faire avancer les discussions sur l’aide accordée à la Grèce, les craintes de la Commission de voir les négociations sur les réformes échouer, et les sensibilités nationales.

Ses conseillers font tout pour désamorcer les critiques : ils descendent en salle de presse afin d’expliquer le but de l’entreprise de médiation de leur patron pour renouer le dialogue avec Athènes.

Sans grand succès. Personne ne comprend pourquoi cette réunion a été formalisée. Ni pourquoi une simple rencontre bilatérale, très fréquente avant les sommets – son prédécesseur Herman Van Rompuy utilisait beaucoup ce procédé – n’a pas été annoncée.

La comparaison entre les deux hommes est d’ailleurs dans tous les esprits. Le Belge avait l’habitude de rencontrer les ambassadeurs des États, en petit comité, pour prendre le pouls des capitales. Une pratique que Donald Tusk n’a pas encore mise en place.

Il prend le temps de perfectionner son anglais avant de se jeter dans le bain, explique une source européenne haut placée.

“Il se veut plus politique dans son attitude”,  analyse pour sa part un diplomate européen.

“Mais, dans le même temps, son champ d’action est plus restreint puisqu’il doit faire face au retour en force de la Commission sur les questions liées à l’euro. Jean-Claude Juncker veut récupérer l’influence perdue à l’époque de José Manuel Barroso. ”

Le test du sommet de juin

La jeunesse des institutions européennes les rend sensibles aux changements de personnalités à leur tête.

La Pologne n’appartient pas à la zone euro, et son ancien Premier ministre manque d’expérience sur la politique monétaire. Autant de failles qui laissent le champ libre au nouveau président de la Commission européenne. La montée en puissance du président de l’eurogroupe, le Néerlandais, Jeroem Dijsselbloem, est aussi à prendre en compte.

Les chefs d’État et de gouvernement ont confié à Herman Van Rompuy, en 2012, la rédaction d’une analyse sur l’avenir de la zone euro. La Commission européenne devait se contenter d’un soutien technique.

Aujourd’hui, les rôles sont inversés. C’est le cabinet de Jean-Claude Juncker qui planche sur le rapport sur l’approfondissement de l’union économique et monétaire.

Le résultat final doit être remis lors du traditionnel Conseil européen de juin, qui est d’ailleurs un rendez-vous clé pour Donald Tusk.

Cette rencontre entre dirigeants, avant l’été, est connue pour avoir toujours un agenda chargé, l’ordre du jour s’allongeant tout au long du printemps. Celle des 25 et 26 juin 2015 n’échappera pas à la règle : marché unique du numérique, gouvernance de l’UE, éventuellement la situation de la Grèce, devraient être discutés, entre autres.

“Jusqu’à présent, Donald Tusk n’a pas eu à gérer de réunion très difficile, ni très longue. Celle de la fin juin sera son vrai test”, estime le même diplomate européen.

La fin de sa période d’essai en quelque sorte.

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