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Apprentissage, on a plutôt envie de pleurer, production bureaucratique, réforme du collège
La ministre écrit aux enseignants pour vanter deux textes officiels qui ressemblent à de grossières caricatures de la production bureaucratique.
Vendredi 17 avril, Najat Vallaud-Belkacem a adressé une lettre aux professeurs de collège. Elle y vante les mérites de sa réforme tout juste validée par le Conseil supérieur de l’éducation. Elle y déploie cette novlangue qui décrit non pas la réalité mais le monde idéal qu’elle appelle de ses voeux, dans lequel l’euphémisme est roi. Elle vante ainsi l’apprentissage précoce des langues vivantes. Encore que le mot « apprentissage », sûrement considéré comme réactionnaire, est écarté au profit de « véritable diversité linguistique qui commence dès l’école ».
Son projet s’appuie sur deux textes officiels. Le premier, le « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », publié au JO du 2 avril, évoque avant tout les « compétences », un mot-valise qui veut tout dire donc ne rien dire. Il décrit une sorte d’élève idéal qui comprend, analyse, argumente, se projette, gère, planifie, s’engage dans un dialogue constructif… Oui, tous ces verbes, tous ces termes sont employés comme autant d’incantations. Mais ce n’est rien en comparaison avec le projet de programmes du collège dont la ministre chante les louanges.
Vous adorerez le « duel médié par une balle ou un volant ».
En ce qui concerne le contenu « cycle 4 », qui va de la cinquième à la troisième, le Conseil supérieur des programmes semble inspiré par les doctrines les plus fumeuses du haut clergé pédagogiste. « L’élève, peut-on lire en page 3, oeuvre à la construction de ses compétences. » Et voici revenue une vieille rengaine que l’on espérait passée de mode ! L’objectif des langues vivantes ? « Se familiariser avec des mobilités virtuelles, se préparer à des mobilités physiques. »
Chaque discipline est ainsi décrite dans un jargon où la vacuité le dispute à la cuistrerie. Le sommet est atteint pour l’éducation physique. Le badminton ou le tennis ne sont jamais nommés, mais on croit les reconnaître derrière l’appellation « duel médié par une balle ou un volant ». Dans cet univers délirant, la piscine devient un « milieu aquatique profond standardisé », et l’acrobatie la « construction du projet expressif ». Il y a quelques années, l’emploi de « référentiel bondissant » pour désigner un ballon avait provoqué l’hilarité. Cette fois, on a plutôt envie de pleurer.