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« Le discours de vérité ne peut pas avoir la majorité (…) les peuples aiment qu’on les fasse rêver » : voilà ce qu’a dit Daniel Cohn Bendit mardi matin sur Europe 1 au sujet de la Grèce et des promesses de Syriza lors de la campagne de début d’année. Un jugement révélateur à plusieurs titres.

Un aristocrate xénophobe

Daniel Cohn Bendit est une personne que beaucoup trouvent sympathique, même quand ils ne sont pas d’accord avec lui. Pourtant, voici un jugement d’une suffisance toute aristocratie, dont il est difficile de ne pas sentir une forme de mépris pour le peuple, implicitement trop stupide et manipulable par les démagogues pour saisir ce qu’il faudrait faire. Car dans le jugement de Daniel Cohn-Bendit, il y a un profond sentiment de supériorité, pas même bourgeois, mais bien plus digne des nobliaux et des aristocrates du Moyen-Age qui se croyaient infiniment supérieurs au petit peuple. Il n’est pas peu ironique de constater l’évolution idéologique de celui qui portait la révolte de 1968 et qui dit implicitement que ce qu’il pense, comme le reste des élites, a plus de valeur que ce que ressent le bas peuple.

En fait, on peut même distinguer une forme de racisme de classe, ce qui n’est pas peu ironique non plus de la part d’une personne toujours aussi prompte à dénoncer la xénophobie réelle ou supposée de quiconque critique des étrangers ou des immigrés, ou, encore pire, semble conserver le moindre attachement à cette notion qu’il ne semble plus saisir, la nation. Par cette phrase, Daniel Cohn-Bendit est dans la même logique que Jean-Marie Le Pen quand il dérape sur les noirs, les juifs ou les étrangers. Quelle serait sa réaction si le président du FN affirmait que les noirs étaient moins intelligents ? Mais ici, personne ne va s’émouvoir du fait que Daniel Cohn-Bendit juge le peuple un peu stupide…

La fin de la démocratie ?

Mais la déclaration du chroniqueur d’Europe 1 pose un autre problème, au moins aussi important. En effet, comment ne pas voir à quel point dire que « le discours de vérité ne peut avoir la majorité » peut pousser à une remise en question de la démocratie même. D’abord, il est déjà inquiétant, et fondamentalement anti-démocratique de partir du principe qu’il y aurait un discours de vérité. La politique n’est pas une science exacte, c’est un choix d’organisation de la société, qui peut varier dans le temps, comme d’une société à une autre. Il n’y a pas de vérité absolue. Et le prétendre ne peut conduire qu’à une pente très inquiétante, surtout quand on part du principe que le peuple ne pourrait pas la saisir.

En effet, c’est bien le problème que pose ce raisonnement, qui fait un sinistre écho au remarquable livre d’Emmanuel Todd « Après la démocratie ». Il y a bien une tentation anti-démocratique dans une partie des élites, exprimée mardi par Daniel Cohn-Bendit, qui pense que le peuple est trop bête, trop xénophobe, pour que l’on prenne toujours en compte son avis. C’est ce raisonnement qui a poussé à la sortie du cadre démocratique des banques centrales européennes (pour éviter que les politiques monétaires ne soient soumises aux humeurs du peuple), dans un raisonnement dont on se demande pourquoi il ne pourrait pas être appliqué au budget demain, voir au reste du gouvernement.

Bas les masques Daniel Cohn-Bendit ! En jugeant que le « discours de vérité ne peut pas avoir la majorité », vous faites preuve d’une morgue aristocratique et xénophobe. Et pire encore, vous remettez en cause une démocratie dont on se demande si vous y croyez encore.

 

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