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Ingrid Feuerstein
Bercy a finalement réussi à imposer les droits de vote double chez Renault, à l’issue d’un bras de fer avec le président de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn. – SIPA
La résolution visant à déroger de la « loi Florange » a été retoquée ce jeudi en assemblée générale. Elle n’a reçu que 60% des votes exprimés, alors qu’elle devait recueillir les deux tiers du quorum pour être adoptée.
Etat français 1 – Ghosn 0. Bercy a finalement réussi à imposer les droits de vote double chez Renault, à l’issue d’un bras de fer avec le président de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn . Comme attendu, la résolution visant à déroger de la « loi Florange » a été retoquée ce jeudi en assemblée générale. La mesure n’a reçu que 60,53% des votes exprimés, alors qu’elle devait recueillir les deux tiers du quorum pour être adoptée. Peu avant l’AG, l’Etat s’était assuré une minorité de blocage en achetant temporairement 4,5% du capital, faisant grimper sa part à 19,7% du capital et 23% des droits de vote. Compte-tenu du quorum de 72% lors de l’assemblée générale, cette participation s’est avérée suffisante pour rejeter la résolution contournant les droits de vote double.
Nissan ne détient pas de droits de vote
Si la « loi Florange » est aussi controversée chez le constructeur, c’est qu’elle bouleverse pour Renault l’équilibre de l’alliance avec Nissan établie depuis plus de quinze ans. Nissan, actionnaire à 15% de Renault, ne détient pas de droits de vote dans son partenaire français, car celui-ci est lui-même actionnaire à 43,5% du groupe japonais. Selon le code de commerce, les deux groupes seraient en situation d’autocontrôle dans le cas où Nissan exercerait des droits de vote.
Maintenir « l’équilibre entre les deux principaux actionnaires de l’Etat »
Après le rejet de cette résolution, les droits de vote de l’Etat devraient monter à 28% (contre 17,8% aujourd’hui), tandis que ceux de Nissan resteront à zéro. Un renforcement qui est mal perçu par l’allié nippon. Depuis 1999, le groupe japonais a apporté 15 milliards d’euros de bénéfices et 4 milliards de dividendes à Renault. Ces dernières semaines, Carlos Ghosn a fait monter la pression en réunissant en urgence les conseils d’administration de Renault et de Nissan . Réuni juste avant l’assemblée générale, le conseil de Renault a une nouvelle fois demandé que « l’équilibre entre les deux principaux actionnaires de l’Etat soit maintenu ». Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a réagi mardi en défendant la démarche de l’Etat dans un courrier adressé à Carlos Ghosn , ainsi qu’aux administrateurs. Il s’est d’ailleurs félicité jeudi soir du rejet « à 40 % [de] cette résolution qui visait à déroger à une loi selon une philosophie qu’on ne partageait pas ». Selon le ministre, il s’agit d’une décision « cohérente avec notre volonté de défendre un capitalisme de long terme qui favorise les actionnaires qui sont durablement installés et qui accompagnent les entreprises dans les transitions ».
Egalement controversée, la rémunération de Carlos Ghosn a recueilli seulement 58 % de votes positifs en assemblée générale. L’an dernier, elle avait reçu un score déjà particulièrement faible de 64%. Au titre de 2014, ses émoluments ont été valorisés à plus de 7 millions d’euros, dont 5 millions d’euros au titre des actions de performance. A cette somme s’ajoute sa rémunération chez Nissan, évaluée à 7,6 millions d’euros. Par ailleurs, 37% des actionnaires ont rejeté la clause de non concurrence de Carlos Ghosn. En échange de deux ans de salaire, celui-ci s’engage à ne pas aller à la concurrence. Enfin, l’âge limite pour exercer les fonctions de président a été repoussé au-delà de 65 ans, une résolution adoptée à 98 %.