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Jack Dion,
Son voyage en Arabie saoudite le confirme : François Hollande est un adepte de la realpolitik la plus cynique qui soit. Car si en France, le président est « Charlie », face au roi Salman, il aura remisé les principes et valeurs des Lumières au rangs des bibeloteries.
CHRISTOPHE ENA-POOL/SIPA

Le président de la République exemplaire aime les chefs d’Etats qui le sont. Le roi Salman d’Arabie saoudite, par exemple. Ce dernier est venu accueillir François Hollande à l’aéroport, en compagnie de son neveu, Mohammed Ben Nayef, nouveau prince héritier, et de son fils, le prince Mohammed Ben Salman, second dans l’ordre de succession. Bref, la clique des Saoud au grand complet.

A peine arrivé en ces lieux, le président de la République a tenu à souligner la « fiabilité » de la France. S’il s’agit d’évoquer le sens des affaires et la vente des Rafale au Qatar ou à l’Egypte, cela ne fait aucun doute. S’il est question des valeurs que l’on prétend défendre à Paris ou promouvoir sous d’autres cieux, le propos est assez déplacé. La laïcité et les droits de l’homme (sans parler de ceux de la femme), on peut en parler partout, à Pékin ou à Moscou, mais pas à Ryad. Donc, on n’en parle pas.

En France, François Hollande est Charlie jusqu’au bout des ongles. En Arabie saoudite, il n’est plus rien du tout. Pas question de froisser un roi qui régente l’un des pays les plus archaïques de la planète, un pays adepte du wahhabisme, cette école de pensée religieuse prônant un fondamentalisme intégral et une interprétation littéraliste du Coran. Comme le rappelle Nabil Mouline, chargé de recherche au CNRS dans La Croix : « Tous ceux qui n’adhèrent pas à ce dogme sont des hypocrites, des égarés, des hérétiques, voire des mécréants ». Le choix est sympathique.

On ne saurait déranger un royaume se prétendant adversaire de l’EI alors qu’il finance les intégristes à travers le monde . Mais dès lors qu’il s’agit de l’Arabie saoudite, les valeurs universelles n’existent plus. La bibeloterie des Lumières est soudain remisée au vestiaire. On ne saurait déranger en quoi que ce soit un royaume se prétendant adversaire déclaré de l’Etat islamique alors qu’il finance les intégristes à travers le monde, tout en mettant en œuvre certains de leurs préceptes au nom d’une application de la charia aussi stricte qu’un coup de sabre destiné à trancher la tête du condamné.

Car telle est la réalité. A Ryad, règne un obscurantisme érigé en système d’Etat. A Ryad, toute autre religion que l’islam est prohibée. A Ryad, l’apostasie est punie de la peine capitale. A Ryad, une femme ne peut toujours pas conduire seule une voiture. A Ryad, on coupe la main du voleur. A Ryad, veille une « police de la prévention du vice et de la promotion de la vertu » (sic) qui est aux mœurs ce que la Tcheka était à la vie politique de l’URSS. A Ryad, les femmes violées sont passibles du fouet. A Ryad, le blogueur Raif Badawi a été condamné à la flagellation pour avoir osé critiquer l’islam et si son supplice a été interrompu, il est toujours derrière les barreaux. Or à Ryad, François Hollande s’est bien gardé de prononcer son nom.

Le jour de l’arrivée du président de la République en Arabie saoudite, cinq condamnés à mort ont été sabrés, au sens littéral du terme. On en est ainsi à 78 têtes coupées depuis le début de l’année, soit presque autant qu’en 2014 (80), ce qui place le royaume sur l’une des plus hautes marches du podium de la honte. C’était une sorte de cadeau de bienvenue adressé à François Hollande. Notre ami le roi a toujours su recevoir ses hôtes avec faste.

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