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«Ed the Red», le leader travailliste, a considérablement gagné en crédibilité. (Andy Buchanan/AFP)

Jour «J» outre-Manche: les Britanniques se rendent ce jeudi aux urnes pour élire leurs députés à Westminster. Pour les médias, le leader des travaillistes sort grandi de la campagne, les railleries sont derrière lui: il est désormais «premier ministrable»
«L’ascension d’un résilient», résume bien Le Monde. Il y a encore quelques semaines, peu de gens auraient parié sur Ed Miliband, le leader des travaillistes britanniques, qui affronte aujourd’hui le premier ministre sortant, le conservateur David Cameron. De fait, il a remporté ses galons de «premier ministrable». Ce, malgré la frénésie de ses adversaires et d’une majorité de la presse, qui s’est fait un malin plaisir à le dénigrer. Ces attaques «rappellent que les Tories [conservateurs] restent un parti venimeux et qu’Ed représente une autre façon de faire de la politique», assure Stewart Wood, ami et principal stratège du chef des travaillistes.
Et comme depuis un mois, les deux forces politiques principales sont au coude-à-coude, le Financial Times, cité et traduit par Eurotopics, prévoyait déjà que les deux partis devraient «fournir davantage d’efforts afin de gagner à leur cause les partisans du camp adverse». Et que «si, toutefois, l’un d’eux avait le courage de quitter le confort de son cocon idéologique, il pourrait effectuer un sursaut tardif mais décisif»: cela se vérifie, même si ce n’est encore gagné ni pour l’un ni pour l’autre. Mais Miliband a au moins pris la précaution de bien vilipender les années Blair de la troisième voie.
Un «intouchable»
Au final, il apparaît toutefois que «quels que soient l’acharnement et la violence de ses ennemis dans leurs efforts pour l’abattre», Miliband «s’en sort toujours bien. Les attaques personnelles sont inutiles.» Il est «intouchable», estime d’ailleurs The Guardian – plutôt à gauche – qui a fini par lui apporter un soutien clair, mais cette semaine seulement. Dans cette dernière ligne droite, la presse conservatrice, elle, très largement dominante dans le pays, n’a pas cessé de sortir les griffes contre «Ed the Red», promettant une irrépressible fuite des capitaux s’il venait à l’emporter.
Ce mercredi encore, «les journaux britanniques ont rivalisé de «unes» plus ou moins subtiles pour afficher leur soutien à droite», remarque Le Huffington Post. Seulement voilà, les bookmakers et les sondages l’envisagent sérieusement, une victoire des travaillistes, qui ont désormais tout autant de chances que leurs adversaires de droite. Ce n’est pas seulement une question d’alternance ou de mécontentement contre les Tories. Non, aux yeux du public, Ed Miliband (voir ici son compte Twitter de campagne) est vraiment devenu «cool».
«Le charisme d’un pudding»
En témoignent les comptes @Cooledmiliband ou les diverses variations du hashtag #milifandom. Lequel a été créé, à la base, par des adolescentes suprêmement irritées de voir cet assez bel homme caricaturé, grandes dents en avant, l’air idiot. «Avec une voix nasillarde et le charisme d’un pudding», ajoute France Info. Comparé «à Forrest Gump, à Mr Bean, ou même Wallace, le maître de Gromit», à cause de ces fameuses dents. L’homme s’est donc métamorphosé: «Il s’est mieux habillé, mieux coiffé. Il a travaillé sa voix, son élocution et son discours.»
https://twitter.com/_emilyemu/status/593356229516382208Il faut dire que cette grâce soudaine, inattendue, Edward Samuel Miliband, 45 ans, la doit à un travail acharné sur son image. Il s’est montré tenace, détendu, loin du geek maladroit et coincé qui lui collait à la peau depuis 2010. Surtout face à son frère David, qui avait les faveurs de l’establishment. Une lutte fratricide que les conservateurs ont tenté d’instrumentaliser, sans guère de succès. Quant au message, il est simple et clair: Miliband veut un Royaume-Uni socialement plus juste dans un contexte économique de croissance insolente, mais où de terribles inégalités demeurent.
«La vie de l’esprit»
Ce «fils d’un intellectuel marxiste d’origine juive polonaise […] a toujours revendiqué les idées de lutte sociale, de liberté, de justice», expliquent Les Inrocks. Mais il pâtit tout de même «d’une image d’intello un peu dans le vague et coincé», comme le rapportait récemment le magazine en ligne Slate dans un passionnant article qui raconte la saga des Miliband. Alors, «inconséquent», cet homme un peu dandy? «Pas vraiment. Juste une insouciance d’intellectuel qui plane. De ceux qui vivent «la vie de l’esprit». De ceux qui sont trop occupés à lire et à penser pour s’arrêter aux considérations matérielles.»
En conclusion, «loin de le déstabiliser», les innombrables railleries dont il a été l’objet ont semblé glisser sur Ed comme sur les plumes de ce canard qui n’est vraiment plus ni vilain ni petit. A quelques du dénouement de cette élection historique en Grande-Bretagne, «Edward Samuel Miliband sait qu’il n’a jamais été aussi près du 10 Downing Street»: c’est Le Figaro qui l’écrit, c’est dire.