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image et réalité, incidence de l’immigration, marché du travail, migrations, ncompréhension et l’ignorance
Les migrants suscitent de nombreux débats émotionnels. Mais leur nombre est souvent très largement surévalué.
La faiblesse des migrations à l’échelle mondiale et l’importance des écarts de salaires entre les pays d’origine et d’accueil laissent penser que les marchés du travail nationaux sont relativement fermés et que les migrations ont un effet minimal sur les salaires. Mais ce n’est pas ce que ressentent les populations. Dans les pays à revenu élevé de l’OCDE, beaucoup considèrent l’immigration comme le plus grave problème actuel et rendent les immigrés responsables de la baisse des salaires et de la montée du chômage.
Le débat sur les migrations est dominé par l’incompréhension et l’ignorance. Quelques chiffres: selon les enquêtes d’opinion, les Britanniques pensent que les immigrés représentent 24% de la population, alors que le chiffre réel est 13%. L’écart est encore plus grand aux Etats-Unis (32% contre 13%), en France (28% contre 10%) et en Espagne (24% contre 12%). De 1960 à 2010, le nombre de migrants est passé de 90 à 215 millions, soit un pourcentage inchangé de quelque 3% de la population mondiale. Les deux tiers de l’augmentation s’expliquent par les migrations vers l’Europe occidentale et les Etats-Unis.
Le développement des migrations Sud-Nord est le trait dominant depuis 50 ans. Le débat relatif aux liens entre migration et marché du travail se concentre sur les pays de l’OCDE. Il y avait 113 millions d’immigrés dans l’OCDE en 2010, 38% de plus qu’en 2000, soit 11% de la population de cette région, chiffre nettement supérieur à la moyenne mondiale, ce qui peut expliquer l’inquiétude de ces pays.
L’incidence de l’immigration sur le marché du travail est surtout déterminée par le degré de qualification. Dans les pays de l’OCDE, les immigrés se divisent à peu près également en trois niveaux d’éducation: tertiaire (30%), secondaire (36%) et primaire (34%). Les chiffres varient énormément selon les pays. En Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Suisse, les immigrés comptent pour plus de 25% de la population, alors que le pourcentage est insignifiant au Japon (1%).
Les migrations créent-elles ou détruisent-elles des emplois? Une majorité d’Européens et d’Américains pensent que les immigrés prennent des emplois aux nationaux. Les chiffres révèlent toutefois que l’incidence de l’immigration sur les marchés du travail et les salaires est minime. Il s’agit, il est vrai, de moyennes qui risquent d’occulter les effets hétérogènes sur la société. La plupart des travaux sur ces questions sont globaux et ignorent les différences sectorielles. L’immigration crée des emplois, notamment par complémentarité entre nationaux et immigrés. Les immigrés prennent des emplois que les nationaux ne peuvent pas ou ne veulent pas exercer.
Les marchés du travail sont complexes. L’immigration réagit le plus souvent à l’offre et à la demande, mais la manière dont les immigrés influent sur le marché du travail en augmente encore la complexité.
Aucun pays ne devrait contingenter l’immigration de personnes très qualifiées. Presque toutes les études passent sous silence le plus grand avantage des migrations: des produits moins chers pour le consommateur. L’incidence de l’immigration sur nos achats quotidiens n’est pas observable et les économistes ne peuvent pas les calculer facilement. Mais ces avantages sont réels et dépassent tout autre effet.
La gestion de l’immigration est souvent confiée au ministère de l’intérieur ou de la sécurité nationale. Résidence, permis de travail et nationalité sont accordés selon des principes juridiques ou politiques sans que l’on tienne compte de la situation économique des requérants. En intégrant un minimum de critères économiques aux procédures, les systèmes en vigueur en Australie, au Canada et à Singapour sont devenus immédiatement très efficaces. Les Etats-Unis et l’Europe seraient bien inspirés d’en faire autant. Ils auraient en tout cas beaucoup à en apprendre.
* Université de Genève