Omar Khadr. Une autre Vie Détruite par la Guerre Mondiale contre la tTrreur.

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Par Jules Dufour

La guerre mondiale contre la terreur livrée par les États-Unis depuis 2001 aurait causé la mort de 1,3 million de personnes selon un rapport intitulé «  Body Count : Casualty Figures after 10 years of the ’War on Terror’», publié par les organisations Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW, prix Nobel de la paix en 1985), Physicians for Social Responsibility et Physicians for Global Survival. Ce rapport affirme, en se basant sur diverses sources, y compris gouvernementales, que ce bilan de 1,3 million de morts est «  une estimation basse  » et ne tient pas compte d’autres pays en conflit (Yémen, Somalie, Libye, Syrie).  500 morts par jour en Irak.

Selon ses auteurs, c’est l’Irak, envahi en 2003 par les États-Unis sous le prétexte que le régime du dictateur Saddam Hussein détenait des «  armes de destruction massive  », qui a payé le plus lourd tribut à la guerre contre le terrorisme lancée par l’administration du président George W. Bush, avec environ un million de morts – contre 111.000 selon les médias américains. Suivent l’Afghanistan (220.000 morts) et le Pakistan (80.000, pour beaucoup victimes d’attaques de drones américains, dont des enfants) (Mondialisation.ca).

Le chiffre de plus de 600.000 Irakiens morts de façon violente après l’intervention américano-britannique – soit 500 morts par jour après le début de l’opération « Iraqi Freedom » – avait déjà été cité en octobre 2006 par la célèbre revue médicale britannique ’The Lancet’, qui avait souligné que ce chiffre équivalait à 2,5 % de la population. Dans leur rapport, les trois associations évoquent un «  crime contre l’humanité proche du génocide  » (lesoir.be).

khadr enfantOmar Khader enfant

Ce bilan horrifiant est une statistique qui fait frémir. La guerre contre la terreur a fait aussi des millions de victimes de civils qui ont été déplacées et d’autres (combattants ou civils) qui ont été incarcérées un peu partout dans le monde dans des prisons clandestines dans des pays qui ont accepté de collaborer à cette œuvre de destruction apparentée à un véritable carnage. Mais, c’est vers le centre carcéral de Guantánamo que s’est tournée l’attention de tous les regards et avec raison (mondialisation.ca). Des centaines de prisonniers vivant dans ce campement dans des conditions pénibles et subissant la torture ont passé des années sans pouvoir compter sur une aide juridique. L’un d’entre eux a été Omar Kadhr, un citoyen canadien d’origine égypto-palestinienne qui a vécu, entre 2002 et 2012, dans cette geôle subissant, pendant des années, des traitements inhumains et même de la torture et ce en complète violation du droit international. Ce citoyen, Omar Khadr, a été incarcéré à l’âge de 15 ans accusé d’avoir assassiné un soldat des Special Forces, crime qu’il a dû avouer en 2010 afin de voir sa condamnation à la prison à vie commuée en une peine moins sévère de dix-huit ans d’emprisonnement. Après des années de tractations et de représentations devant les tribunaux la juge June Ross de la Cour du Banc de la Reine en Alberta vient tout juste de décider de sa libération sous caution en attendant le résultat de son appel pour sa condamnation pour crimes de guerre aux États-Unis. Omar Khader est libre maintenant, mais cette liberté a été acquise envers et contre tous ceux qui ont appuyé le Canada dans son acharnement à ne pas le reconnaître comme un véritable citoyen canadien et à le condamner sans procès. La justice a triomphé ici avec grande peine. Aujourd’hui, c’est un grand jour pour tous, mais aussi un jour rempli d’amertume vis-à-vis du comportement servile du Canada face aux actes perpétrés à l’encontre du droit international par les États-Unis.

Nous relevons, dans ce bref essai, les péripéties de cette saga qui marquera les annales judiciaires du pays pendant longtemps et qui s’avérera une référence lorsque les droits fondamentaux seront réprimés dans le cadre de l’application des lois de lutte contre la terreur, ce qui risque encore de se produire avec le régime politique qui a été instauré au cours des dernières années (voir les principales dispositions de la lutte antiterroriste au Canada depuis 2001 en annexe).

I.La brutalité des faits fait frémir

Arrêté en Afghanistan en 2002, puis jugé par une commission militaire américaine pour crimes de guerre, M. Khadr a été emprisonné en 2002 à Guantánamo, puis rapatrié au Canada en 2012, où  il a continué de purger sa peine de huit ans. Il est bien difficile de penser qu’on ait laissé un enfant croupir dans un état ignominieux et abject pendant si longtemps et ce dans un centre de tortures condamné sur toutes les tribunes de la scène internationale.

Source de l’image : http://freeomar.ca

En bref, le traitement qui a été infligé à Omar Kadhr est une bien triste histoire, car les demandes de rapatriement de M. Khadr sont restées vaines pendant toute la durée de son incarcération, et ce, en dépit de tous les jugements qui ont démontré comment le Canada avait bafoué les droits de son propre citoyen. Alors que se négociait en 2010 une entente à l’amiable entre les avocats de M. Khadr et les Américains, on se désolait alors de voir ce dossier cheminer dans l’indifférence politique (mondialisation.ca).

II. Le jugement de la juge de la Cour d’Appel de l’Alberta du banc de la reine de l’Alberta

Un enième jugement a permis, enfin, à Omar Kadhr de retrouver sa liberté. Selon les propos de Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale, « Bienvenu dans un monde ou la justice sera enfin plus forte que les jeux politiques qui se sont construits sur votre personne. Encore une autre juge au Canada qui vous donne raison. En fait, il devient difficile de les compter. Cour suprême du Canada deux fois, Cour d’Appel fédérale, cours fédérales de nombreuses fois, Cour d’appel de l’Alberta et Cour du banc de la reine de l’Alberta » (Le Devoir, 8 mai 2015). La juge a estimé jeudi qu’Ottawa n’avait pas démontré que la libération de M. Khadr constituerait une menace à la sécurité publique ou nuirait aux bonnes relations du Canada avec les autres pays (droit-inc.com).

C’est alors que l’on apprécie la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, car autrement il serait très difficile de faire entendre la raison au gouvernement actuel. En effet, celui-ci continue de s’obstiner et il entend faire appel de cette libération devant la Cour d’appel de l’Alberta et il est prévu qu’il sera entendu au cours de l’automne prochain (ici.radio-canada.ca).

Conclusion

C’est dans un contexte mondial d’érosion des droits et des libertés fondamentales causée par la guerre contre la terreur que s’inscrit le drame vécu par Omar Kadhr. Le droit peut alors difficilement avoir préséance sur les guerres et sur la violence exercée contre des peuples tout entiers. Ce sont les règles de la barbarie définies par les grandes puissances appuyées par leurs serviteurs les plus fidèles qui triomphent. Il est bien difficile, avec les machines de propagande à l’œuvre, de faire valoir les règles du droit international dans les nombreux conflits qui assaillent l’humanité toute entière et dans l’administration de la justice. Le combat pour la justice livré par une foule d’intervenants et d’organisations nous permet d’espérer le retour d’un autre monde, un monde animé par l’esprit de coopération et de solidarité. Espérons qu’Omar Kadhr pourra vivre désormais sa vie d’adulte dans ce monde avec sérénité, tranquillité et paix. Ce drame nous interpelle tous et nous invite à être vigilants, car la dérive des pouvoirs centraux peut faire triompher la loi du plus fort au détriment de l’esprit des Chartes et des Conventions internationales dont le contenu doit guider l’ensemble des dispositions légales concernant le respect de la personne, celui des institutions et celui des sociétés.

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