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Christelle Bertrand,

Alors que la réforme du collège défendue par la ministre de l’Education doit faire face à un flot de critiques de la part de l’opposition comme de la majorité, le Premier ministre a du rappeler le devoir de solidarité. Un blocage qui s’explique en grande partie par la faiblesse de son élaboration et de sa présentation.

Tempête sur la réforme du collège : comment Najat Vallaud-Belkacem et le gouvernement se sont eux-mêmes piégés en ratant la préparation de la loi

La polémique autour des projets de loi deNajatVallaudBelkacem tourne à la foire d’empoigne. La ministre n’a-t-elle pas su défendre ses textes ? La bataille de lacom a-t-elle été perdue par manque de conviction ?

Il faut dire que ça ne lui déplait pas de jouer ainsi le surveillant général, celui qui ramène l’ordre dans le dortoir par un grand coup de gueule. A vos ordres… Rompez. De là à ce que cela devienne un mode de gouvernance, il n’y a qu’un pas. Comme ce fut le cas pour la loi Macron, Manuel Valls a dû montrer les dents, tonitruer et menacer sa majorité des foudres de l’enfer pour qu’elle soutienne le projet de loi sur la réforme des collèges. Et comme ce fut le cas pour la loi Macron, François Hollande a dû lui aussi mouiller la chemise pour défendre la ministre et son texte et rappeler les membres du gouvernement à leur devoir de solidarité.

Il faut dire que ces derniers jours, le débat a pris une bien drôle de tournure. Après la droite, ce sont des poids lourds socialistes et même des membres du gouvernement comme Ségolène Royal qui ont fait part de leur doute à haute voix. La ministre de l’environnement expliquant sur I-Télé: « il faut savoir écouter. Il faut que la majorité soit vigilante à ce qui est dit par de grandes voix d’intellectuels, d’historiens, de scientifiques ».  Même Jack Lang y est allé de son coup de griffe en parlant des classes européennes: « C’est un grand succès. Pourquoi les décapiter ? Il faut les sauver. Les filières d’excellence ne sont pas réservées aux élites, elles existent aussi dans des quartiers difficiles. » Il aurait lui-même entrepris de convaincre Najat Vallaud-Belkacem de revoir certains points contestés de sa réforme. Il dit avoir été confronté au « dogmatisme » de la ministre.

La majorité serait-elle en train de se fissurer durablement ? Cette fois l’affaire semble différente. La loi Macron opposait deux visions de la politique économique. Cette fois, le texte de Najat Vallaud Belkacem n’oppose pas les socialistes entre eux sur des questions philosophiques. « On a vraiment le sentiment que c’est encore un problème de com », râle-t-on au gouvernement. Il n’était, en effet, peut-être pas judicieux de présenter les deux textes en même temps, la loi sur la réforme des collèges et la réformes des programmes.

D’autre part, la ministre ne semble pas avoir fait le travail d’explication nécessaire. « Qu’est-ce qui justifiait que l’on touche aux classes bi-langue, au grec et au latin, la ministre ne nous l’a pas expliqué lorsqu’on l’a auditionné le 24 mars, jure Annie Genevard, député UMP et secrétaire de la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui avait alors réclamé un débat.

« Le problème, reconnait un conseiller ministériel, c’est que la ministre est entouré de trop nombreux technos qui n’ont pas conscience qu’un texte, pour exister, doit être voté et donc approuvé par une majorité. Ils n’ont pas cette culture du débat public ».

Ils n’ont donc pas  incité la ministre à s’expliquer en amont. Les deux textes ont été médiatisés par la voix de l’opposition, Najat Vallaud Belkacem n’intervenant qu’à postériori. Cette absence d’information précise a donc permis aux réseaux sociaux de véhiculer de fausses informations. Ce fut déjà le cas en janvier 2014 au sujet de l’ABCD de l’égalité. Ce programme de lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre avait été lancé par Najat Vallaud Belkacem lorsqu’elle était ministre du droit des femmes.

Sur les réseaux sociaux avaient alors été relayé une fausse information selon laquelle il s’agissait de « cours d’éducation sexuelle avec démonstration dès la maternelle ». La ministre a donc été prise au même piège que par le passé. Pas d’explications suffisantes en amont et bien peu de convaincantes en aval au point que Manuel Valls a dû voler à son secours.

« Le problème c’est que le gouvernement reste encore très hermétique aux codes du marketing, explique un conseiller, la gauche ne sait pas faire. Najat aurait dû commencer par dire : On va s’occuper de tout le monde. Ça se serait sans doute mieux passé. Et puis, pourquoi n’a-t-on pas dit que monsieur Fillon, qui y est allé de son lot de critiques, a placé ses enfants en école privée ? ».

Il faut aussi reconnaitre que la ministre a été victime d’une course de vitesse à droite entre Bruno le maire et Nicolas Sarkozy. Le premier ayant lancé une pétition contre le texte et le second, ne voulant pas se laisser doubler par son concurrent, se montrant d’une virulence extrême en affirmant lors d’un meeting « dans le combat effréné pour la médiocrité, Christiane Taubira est en passe d’être dépassée par Najat Vallaud-Belkacem ».

Reste à savoir de quelle manière va se terminer ce débat. Par un 49.3 comme la loi Macron ? François Hollande et Manuel Valls ne peuvent pas se le permettre. « Elle va reculer, affirme Annie Genevard, car on ne va pas la lâcher ». Julien Dray, quant à lui, s’adressait mardi, directement à François Hollande : « Si tu ne recules pas sur la réforme des collèges, il y aura, à la rentrée prochaine, un million de personnes dans la rue mobilisées par la droite qui n’attend que cette occasion ».

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