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L’armée irakienne se retire de Ramadi, la capitale de la province d’Al-Anbar. (Keystone)

L’armée irakienne se retire de Ramadi, la capitale de la province d’Al-Anbar. (Keystone)

En quelques jours, les djihadistes se sont emparés de la grande ville de Ramadi. Bagdad menace de contre-attaquer en recourant aux milices chiites

Moribond, l’Etat islamique? Après avoir subi 3900 attaques aériennes de la part de la coalition menée par les Etats-Unis contre lui, Daech (selon l’acronyme du groupe en arabe) a infligé un démenti cinglant à ceux qui voyaient approcher son éclatement imminent.

«Nous croyons que Daech est en train de perdre et qu’il reste sur la défensive», disait encore vendredi dernier Thomas Weidley, le chef de l’opération alliée en Syrie et en Irak. Mal lui en a pris: en l’espace de deux jours, les djihadistes ont pris le contrôle complet de la ville de Ramadi, la capitale de la province d’Al-Anbar, la plus vaste d’Irak.

L’issue des combats a été aussi humiliante que lourde: tandis que les soldats irakiens fuyaient la ville accrochés par grappes à leurs véhicules, un porte-parole du gouverneur de la ville reconnaissait la mort «d’au moins 500 personnes». Des témoignages recueillis par des médias arabes évoquent des exécutions sommaires et des corps, de militaires et de civils, jetés dans les eaux de l’Euphrate, qui traverse la ville.

Voilà, en réalité, plusieurs semaines que les Américains avaient intensifié leurs opérations autour de la ville, où Daech préparait son offensive. L’échec de ces bombardements de la dernière heure redonne des arguments aux critiques qui estiment improbable la possibilité d’une victoire de la stratégie américaine face à des cellules de Daech extrêmement mobiles dans le désert, qui bénéficient d’un soutien assez répandu parmi la population sunnite, et dont le nombre de combattants (environ 20 000, assure la CIA), serait en outre largement sous-évalué.

Signe inquiétant pour Wa­shing­ton: dans les rues de Ramadi, où les djihadistes régnaient en maîtres, des commandos semblaient fouiller lundi maison par maison à la recherche des policiers et des «traîtres» dont les noms figuraient sur leurs listes. La preuve, sans doute, de leurs innombrables complicités à l’intérieur de ce bastion sunnite.

Plus grave encore: afin de défendre Ramadi, les Américains auraient étroitement collaboré avec le gouvernement de Bagdad afin d’armer les tribus sunnites locales, pour qu’elles servent de barrage aux djihadistes. Aujourd’hui, cet arsenal serait en grande partie tombé aux mains de Daech, comme semblent le montrer des images prises par les djihadistes eux-mêmes. Ce sont les membres de ces tribus sunnites qu’il s’agit désormais d’exécuter.

Face à un pouvoir à Bagdad et à une armée irakienne détenus par les chiites, cette démonstration de force vise notamment, de la part de Daech, à durcir encore les camps. Elle pourrait se révéler d’autant plus efficace que l’organisation djihadiste a accompagné son offensive éclair d’une vaste campagne de propagande, largement diffusée à Ramadi, visant à démoraliser l’adversaire et les «traîtres» éventuels. De surcroît, des cellules de Daech auraient aussi multiplié les actions dans l’est de la Syrie, cherchant une éventuelle jonction, et comme pour démontrer que le «califat» proclamé par le chef de l’organisation, Abou Bakr al-Bagdadi, représente bien une réalité par-dessus la frontière irako-syrienne.

La presse américaine croit savoir que, jusqu’ici, les Etats-Unis avaient empêché les autorités de Bagdad de faire recours aux milices chiites (diversement armées et contrôlées par l’Iran) pour défendre Ramadi. Mais les autorités locales, désormais réfugiées dans la capitale irakienne, ont demandé à Bagdad de passer outre la méfiance américaine.

Ces milices chiites ont été à l’œuvre à Tikrit, il y a quelques semaines, où elles ont repris la ville à l’Etat islamique, au prix de pillages et de nombreuses autres exactions commises contre les sunnites et dénoncées par les ONG.

«Le sectarisme régional, tout comme le désordre ambiant, cimente la survie de l’Etat islamique», explique Jessica Lewis McFate, auteur d’un rapport de l’Institute For the Study of War, qui met en garde les autorités américaines: «Une stratégie de défense n’est pas le signe d’une faiblesse de l’organisation.»

Aujourd’hui, la présence de forces dirigées par l’Iran est l’argument ultime utilisé par les combattants de Daech. Et ce d’autant plus que, sur le terrain, ces forces apparaissent alliées à l’ennemi américain, même si les Etats-Unis s’en défendent. «Il y aura des jours meilleurs que d’autres. Nous avons toujours dit que ce combat serait long», affirmait à Washington Jeff Rathke, porte-parole du Département d’Etat.

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