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Il paraît que « La France se vide ». De quoi ? De tout. C’est Jacques Attali, homme ayant pignon sur rue médiatique, qui l’annonce dans sa chronique de L’Express. S’il l’écrit, c’est que ça doit être vrai. Un penseur de cette importance — ex-conseiller de François Mitterrand ayant eu ses entrées à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy et qui continue d’être écouté de François Hollande — un penseur pareil, donc, que le monde entier nous envie, ne peut pas se tromper.
Que dit donc notre Pythie des beaux quartiers? Que les riches s’en vont gagner plus ailleurs ; que les chercheurs ne cherchent plus en France ; que les retraités vont se la couler douce sous d’autres cieux ; que « tous les entrepreneurs français, en particulier les plus jeunes » s’installent à l’étranger ; que bientôt « il n’y aura plus d’entreprises à aider » car il n’y aura plus d’entreprise du tout ; que les firmes étrangères boudent la France, et que même les touristes étrangers ne font plus que passer à Paris pour filer au Sud (sans doute parce que les magasins ne sont pas ouverts le dimanche).
Conclusion de l’oracle des temps modernes : « La France mourra du départ de ses forces vives » car elle ne s’attaque pas à « ses rentes » — étant entendu que pour l’essayiste, les rentiers ne sont pas ceux qui encaissent des dividendes mais les salariés qui refusent de passer sous les fourches caudines des privilégiés de l’argent.
En préalable à ce tableau apocalyptique, Jacques Attali avait tenu à préciser ceci : « De ce qui suit, il n’existe aucune statistique fiable ». Ce n’est pas tout à fait vrai. Il existe sur tous ces sujets des statistiques extrêmement fiables. Sauf qu’elles ne confirment en rien le diagnostic asséné avec un marteau pilon par le chantre de l’élite mondialisée.
Certes, les exilés fiscaux et les fuites de capitaux ne sont pas une vue de l’esprit, de même que les entreprises vendues à des groupes étrangers qui, en l’occurrence, apprécient beaucoup le charme hexagonal. Mais tout le reste n’est que rumeur de bistrot germanopratin, où l’on boit un verre en vomissant sur le modèle social français et en fantasmant sur ces pays où le néolibéralisme impose sa loi sans barguigner. C’est une vision défaitiste consistant à noircir à dessein la réalité nationale afin de faire accepter par le peuple une purge encore plus indigeste que celle qui est administrée.
Raymond Queneau disait : « L’erreur la plus grave est que de croire savoir ce qu’on ne sait pas ». Jacques Attali fait pire : il fait croire qu’il ne sait pas ce qu’il sait.
