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La guerre aux trafiquants de migrants s’organise. Les ministres européens des Affaires étrangères et ceux de la Défense ont donné leur accord à une action militaire en Méditerranée

Un accord politique est désormais acquis pour lancer l’opération navale militaire européenne contre les trafiquants de migrants dans la Méditerranée. Objectif: saisir et détruire les bateaux des passeurs, dans la mesure du possible, avant même le départ à destination de l’Europe. Réunis à Bruxelles lundi, les ministres européens des Affaires étrangères et ceux de la Défense ont donné leur feu vert. Restent maintenant à obtenir l’aval de l’ONU ainsi qu’un accord des autorités libyennes pour s’assurer de la légalité de l’opération. Le feu vert définitif pourrait être donné lors du sommet européen prévu les 25 et 26 juin prochains.

«C’est exceptionnel qu’une décision soit mise en œuvre aussi rapidement au sein de l’UE», s’est félicitée Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne, qui chapeaute l’opération EU Navfor Med. Réunis d’urgence le 23 avril, les dirigeants européens avaient réclamé une action urgente à la suite du drame survenu dans la nuit du 18 au 19 avril. Près de 800 personnes enfermées dans les cales d’un chalutier avaient péri lorsque celui-ci a chaviré en pleine mer. Quelque 1400 migrants sont morts noyés dans la Méditerranée depuis le début de l’année.

Plusieurs pays, dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Pologne et la Slovénie, ont déjà promis de mettre à disposition des navires de guerre, des avions ou des hélicoptères. La force navale fonctionnerait en amont de Triton et Poséidon, deux opérations de surveillance et de sauvetage menées sous les auspices de Frontex, l’agence européenne chargée des frontières extérieures. L’Italie, pays qui est en première ligne de la crise des migrants, hébergera le quartier général de l’opération. Le contre-amiral italien Enrico Credendino prendrait la tête du commandement.

Infiltrations djihadistes

L’opération militaire a déjà obtenu la bénédiction de l’OTAN dont 22 sur 28 Etats européens sont membres. Lors d’un sommet de l’organisation mercredi et jeudi derniers à Antalya, en Turquie, les ministres ont appelé à renforcer la coordination entre l’UE et l’OTAN. «Des terroristes et des djihadistes peuvent se mêler aux migrants qui tentent de traverser la Méditerranée», a mis en garde Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, hier à son arrivée à Bruxelles.

La décision des Vingt-Huit requiert une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Celle-ci est nécessaire, car les stratèges européens entendent aussi opérer dans les eaux libyennes. Au départ, il était même question de mener des actions sporadiques à terre pour aller détruire des bateaux. Mais Federica Mogherini a exclu hier toute action terrestre. L’opposition à une résolution pourrait venir de l’un des membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie en occurrence. Le Kremlin a déjà fait savoir qu’il n’opposerait pas de veto si les frappes aériennes sont exclues. En 2011, les forces occidentales, y compris l’OTAN, avaient outrepassé le mandat des Nations unies en Libye visant à protéger les civils à Benghazi face à l’armée du colonel Kadhafi.

Le consentement de la Libye est incontournable. Or ce pays, où deux gouvernements revendiquent le pouvoir, est en plein chaos. Basé à Tobrouk, le premier est élu et reconnu par la communauté internationale. L’autre contrôle, avec le soutien des milices islamistes, la capitale Tripoli. «Juridiquement, le feu vert du premier serait suffisant, a déclaré Federica Mogherini. Mais nous voulons parler à tout le monde.»

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