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François Fillon, Jean-Pierre Jouyet, Justice, Nicolas Sarkozy
par Chine Labbé
PARIS (Reuters) – François Fillon a déclaré jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris refuser la « salissure » selon laquelle il aurait demandé au plus proche collaborateur de François Hollande d’accélérer les procédures judiciaires visant Nicolas Sarkozy.
L’ancien Premier ministre UMP, qui poursuit le secrétaire général de l’Élysée et deux journalistes du Monde pour diffamation, a ajouté avoir la « conviction » que Jean-Pierre Jouyet était « en service commandé » quand il a fait état d’une telle démarche, qui aurait eu lieu au cours d’un déjeuner.
« Je n’accepte pas une telle salissure dont je ne conçois que trop les motifs », a dit François Fillon, qui lisait une déclaration écrite au tribunal.
« Je n’ai jamais, comme parlementaire, comme membre du gouvernement ou comme Premier ministre, fait pression, tenté de faire pression, envisagé même de faire pression sur le système judiciaire », a-t-il ajouté.
« J’aurais été remettre mon destin et mon honneur entre les mains de mes adversaires politiques ? Ça n’a aucun sens », a poursuivi l’ancien Premier ministre, assurant qu’il n’assisterait « pas en spectateur à la victoire du mensonge et du calcul. »
Dans leur livre « Sarko s’est tuer », les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme -présents jeudi à l’audience- affirment que lors d’un déjeuner, le 24 juin 2014, François Fillon a demandé à Jean-Pierre Jouyet de « taper vite » sur Nicolas Sarkozy pour ne pas le « laisser revenir » en politique.
Après un démenti, le secrétaire général de l’Elysée, dont le témoignage a été enregistré en septembre par les journalistes du Monde, est revenu en partie sur ses dires, disant avoir effectivement parlé, lors de ce déjeuner, de certaines affaires pouvant éclabousser l’ancien chef de l’Etat.
« SEMER LA ZIZANIE »
Interrogée par la présidente du tribunal sur ce revirement, de la part d’un homme avec lequel il avait une « relation de confiance » selon ses propres termes, François Fillon a indiqué avoir la conviction « qu’il était en service commandé » dans le cadre d’une « opération » visant à le « décrédibiliser » et à « semer la zizanie » dans sa famille politique.
Pendant ce déjeuner, « nous avons parlé de l’Europe, nous avons parlé de la nomination de Jacques Toubon au poste de défenseur des Droits, nous avons parlé de la situation économique », a-t-il dit.
« A aucun moment nous n’avons évoqué des affaires ».
Un troisième participant au déjeuner controversé, Antoine Gosset-Grainville, qui fut successivement directeur adjoint de cabinet de François Fillon à Matignon et bras droit de Jean-Pierre Jouyet à la Caisse des dépôts, a soutenu la version du député UMP.
« Il n’y a pas eu de demande d’intervention, et le sujet des affaires n’a pas été évoqué », a-t-il dit à l’audience, où il était entendu comme témoin.
Jean-Pierre Jouyet n’était pas présent au tribunal, et l’Elysée s’est refusé jeudi à tout commentaire sur ce dossier.
Les journalistes du Monde, qui disent avoir eu écho de cette conversation entre les deux hommes par le biais d’une source à l’UMP, maintiennent leur version des faits.
Une partie de leur conversation avec Jean-Pierre Jouyet -dont François Fillon a tenté en vain de récupérer l’enregistrement via une procédure d’urgence- doit être diffusée ce jeudi à l’audience.
(avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)