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Le parti dont hérite Nicolas Sarkozy n’est pas seulement profondément divisé, il est malade et affaibli, comme son symétrique socialiste, et pour les mêmes raisons.
Dominique Jamet
Il tient le parti, dont ses adversaires désunis lui ont bon gré mal gré abandonné la direction. Il contrôle l’appareil, il nomme aux postes-clés, il a celle du coffre, il décide des investitures, les militants sont toujours derrière lui. Le nouveau nom de baptême de la vieille maison, discuté, critiqué, chansonné, et même attaqué en justice, a été adopté par 80 % des votants. Il ne se privera pas, en décembre prochain, d’attribuer à la refondation de l’UMP, donc de s’attribuer le mérite des bons résultats escomptés. Producteur, réalisateur, metteur en scène et en ondes du grand show de samedi au Paris Event Center (sic), il y a distribué les temps de parole et les thèmes des interventions, se réservant naturellement le premier rôle et la part du lion avec le discours de clôture. Il est de nouveau le patron.

Le bonheur de Nicolas Sarkozy serait-il sans mélange ? L’ancien président de la République, aujourd’hui président des Républicains, est-il enfin sur la fameuse autoroute où il pourra passer la cinquième et filer vers sa destination sans être ralenti, encore moins arrêté par les feux de circulation et autres obstacles dressés en travers de son chemin ? Il s’en faut.

S’il n’a pas été démesurément attristé par les bordées de sifflets qui ont accueilli Alain Juppé et François Fillon (à supposer qu’il ne les ait ni prévus ni voulus), il n’a pas échappé au vétéran de la politique qu’est Nicolas Sarkozy que ces manifestations entachaient l’image de rassemblement et d’unité qu’il souhaitait donner à son Congrès refondateur. La première représentation des Républicains s’est déroulée sous le signe fatal de la division et des affrontements personnels et idéologiques dont l’UMP donne depuis si longtemps le spectacle permanent. Aucun des nombreux concurrents et challengers qui comptent disputer la primauté à celui qui entend rester le mâle dominant n’a capitulé ou même plié devant lui, aucun n’a dissimulé que la grand-messe signifiait peut-être la fin d’un cycle, mais certainement pas celle des rivalités et qu’elle marquait dans leur esprit le début de la campagne des primaires.

Le « meilleur d’entre nous », que l’on ne savait pas si pugnace, a décoché sa flèche empoisonnée : « Il tient le parti. J’ai l’opinion. » L’ancien Premier ministre de l’ex-chef de l’État, que l’on ne connaissait pas si teigneux, a réaffirmé sa détermination. Bruno Le Maire a pris date. Xavier Bertrand n’a pas renoncé. Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet se tâtent. Le marigot déborde.

Il fut un temps, le temps des Sanguinetti, des Pasqua et de leurs continuateurs où qui tenait la boutique post-gaulliste faisait les élections internes. Cette époque est révolue. S’il dispose de réels leviers d’influence, le chef du parti n’est plus en mesure de bourrer les urnes. Les primaires auront bien lieu, et elles seront plutôt ouvertes que fermées. Dans ces conditions, une victoire du leader bien-aimé dès le premier tour est loin d’être acquise. Pour l’emporter au second, il lui faudra composer, ses rivaux du premier tour seront les faiseurs de roi – de roi républicain – et s’ils ne font pas l’union contre lui, ils lui feront chèrement payer leur soutien. Dès à présent, il doit journellement composer avec les innombrables petits chefs qui l’entourent et s’il leur montre les dents, c’est pour sourire quand l’envie le démange de les mordre.

Le parti dont hérite Nicolas Sarkozy n’est pas seulement profondément divisé, il est malade et affaibli, comme son symétrique socialiste, et pour les mêmes raisons. S’enorgueillirait-il du « oui » des 79.120 militants qui ont plébiscité la nouvelle marque, le Petit Timonier est le dernier à ignorer qu’ils ne représentent que 37 % des électeurs potentiels. Sarkozy demandait un vote de confiance. Il récolte d’abord une abstention massive. Il détient la clé du coffre, mais le coffre est vide, et plus précisément vidé par ses prodigalités. La justice, comme on sait, s’en mêle, et les nombreux dossiers dans lesquels le nom de l’ancien Président est cité sont autant d’épées de Damoclès qui jalonnent son parcours.

Dernier obstacle, et pas le moindre, à supposer qu’il surmonte tous les autres : le suffrage universel. Les Français seront-ils assez poires pour donner une deuxième chance à un homme qui, pour les persuader de passer un nouveau bail avec lui, se garde bien de dire qu’il n’a pas changé mais affirme, au contraire, à qui veut l’entendre qu’il n’est plus le même ? Étrange argument.

Il est pourtant visible que M. Sarkozy a changé, mais c’est malgré lui. Il a vieilli et, du coup, ce retour du cap Nègre n’est pas sans évoquer un certain retour de l’île d’Elbe. L’empereur déchu et restauré s’était, lui aussi, métamorphosé en monarque républicain. L’aventure avait duré cent jours.

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas