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Entretien avec Aymeric Pourbaix ,rédacteur en chef de Famille chrétienne.

Vous vous êtes demandés, lors de ce pèlerinage, si la liberté d’expression était un absolu. Pourquoi ?

Après les attentats de janvier, on nous a présenté la « liberté d’expression » comme le dernier rempart pour défendre notre culture et notre spécificité, mais nous nous sommes rapidement rendu compte que cette liberté d’expression n’était qu’un slogan pour beaucoup. Il était donc légitime de se demander ce que recouvre cette liberté d’expression.

Lors de ce pèlerinage des médias, Mgr Castet nous a rappelé que la liberté d’expression devait être soumise à la responsabilité du journaliste. Elle n’est pas un but en soi, elle n’est qu’un moyen.

François-Xavier Bellamy a eu, ensuite, une réflexion très intéressante : le problème est que la liberté d’expression repose aujourd’hui sur un fond de relativisme. Elle est, par conséquent, vide de sens puisqu’elle ne vaut que pour ceux qui affirment qu’il n’y a pas de vérité.

La minorité qui veut faire l’opinion peut la revendiquer ; ceux qui affirment, en revanche, qu’il existe une vérité n’ont que rarement voix au chapitre.

Il est parfois difficile de déceler la différence entre « liberté d’expression » et « insultes » chez Charlie

La liberté d’expression ne signifie pas qu’il est permis de tout dire sans assumer la responsabilité de ses propos.

C’est un peu l’objet de la réponse du pape François qui expliquait à un journaliste que si quelqu’un insultait sa mère, il lui mettrait son poing dans la figure.

Rien ne justifie les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo, et cette réponse du pape mérite un développement. Mais il faut également reconnaître, et j’emprunte ici les mots de Mgr Castet, que la liberté d’expression défendue aujourd’hui relève parfois du « viol » des consciences.

Il est dangereux de prétendre que l’on peut dire n’importe quoi.

La liberté d’expression a donc des limites… Lesquelles, pour un journaliste chrétien ?

Comme pour tout journaliste, la liberté d’expression est limitée par la loi ainsi que par la responsabilité de chacun.

Mais le journaliste chrétien va plus loin : c’est la recherche de la vérité qui doit constamment déterminer ses paroles, ses écrits et les images qu’il choisit de diffuser.

Le pape Benoît XVI a très bien décrit notre mission en parlant de « coopérateurs de la vérité ».

Ce n’est, d’ailleurs, pas spécifique au journaliste, ce doit être une préoccupation pour tous les métiers de la communication, de la parole, de la culture…

Les chrétiens doivent réinvestir ces domaines pour rendre possibles les conditions de la vérité.

La vérité a besoin de nous. Si personne ne la proclame, elle reste enfouie, il n’y a ni débat ni dialogue, et beaucoup de gens n’y ont pas accès.

C’est donc la différence entre un journaliste et un journaliste chrétien ?

On pourra répondre qu’il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour rechercher la vérité.

Le chrétien a le devoir de la chercher et de la dire, mais il a également la difficile mission de ne pas porter un regard désespéré sur le monde.

Il ne faut surtout pas enfiler des lunettes roses et nier la réalité : notre pays va mal et nous devons le dire. Mais il faut également prendre le temps de mettre en valeur des choses qui construisent.

Il existe de très bonnes écoles, des familles qui maintiennent la transmission (y compris celle de la foi) et il est important de valoriser ces engagements, d’autant qu’ils nécessitent bien souvent de grands sacrifices.

Il est évident que le journaliste qui cherche aujourd’hui la vérité est discriminé puisqu’il n’y a de place que pour ceux qui répètent tous la même chose.

Les chrétiens peuvent puiser force et courage dans les sacrements, c’est absolument indispensable pour trouver les mots qui vont construire le bien, le beau et le vrai dans notre société.

Car il y a un juste milieu entre un regard Bisounours sur un monde blessé et la spirale dépressive que nous proposent un grand nombre de médias aujourd’hui.

La réalité est parfois belle et il n’est pas normal que les journalistes aient du mal à en faire une information !

Cette « liberté d’expression » dont on nous parle sans cesse peut donc s’avérer violente elle-même ?

La « liberté d’expression » est parfois un prétexte utilisé pour cacher la réalité : il est devenu presque impossible de penser autrement que ce qu’impose la pensée dominante.

Que les mêmes qui refusent ce débat nous parlent sans cesse de liberté d’expression est d’ailleurs assez significatif…

Le relativisme est lui-même violent, à terme, puisque arrive un moment où il faut l’imposer par la force, en niant toute vérité d’une part mais également toute opposition populaire…

Donc, oui, il existe une conception de la liberté d’expression destructrice de la liberté et même, in fine, de la démocratie.

Grâce à Dieu, il reste des espaces de liberté que nous avons le devoir d’investir. Il faut être en première ligne pour défendre cette conception responsable de la liberté, et sauver le pluralisme en France.

Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas