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besoins de l’économie, conjonction d’éléments favorables, la contradiction, l’emploi, les compétences et les attentes
Après les soupirs de soulagement poussés à l’annonce d’une croissance de 0,6 % au premier trimestre 2015, les doutes sont de nouveau au rendez-vous avec les chiffres du chômage d’avril. Nous sommes désormais à près de 3,6 millions de chômeurs. Cette poursuite de la détérioration de l’emploi jette le doute sur la réalité de la reprise.
Cette reprise est en fait bien réelle, mais dans sa composante cyclique. L’indicateur le plus encourageant en la matière est l’évolution de l’investissement des entreprises, qui est orienté à la hausse (2 % en 2014 et 0,2 % au premier trimestre 2015).
Pour expliquer cette embellie économique, on parle « d’alignement des planètes », c’est-à-dire d’une conjonction d’éléments favorables à la croissance. Cet alignement reposerait sur la baisse des taux d’intérêt, celle de l’euro et celle du prix du pétrole. Parler de cet « alignement » est conforme à une interprétation conjoncturelle de la reprise mais réclame que l’on aille au-delà.
Un premier constat est la contradiction entre les divers éléments supposés favorables. La baisse de l’euro réduit en effet l’impact positif du contre-choc pétrolier. Et c’est bel et bien celui-ci qui explique en tout premier lieu l’évolution de la croissance. Le déficit énergétique de la France est passé de 66 milliards d’euros en 2013 à 55 milliards d’euros en 2014. C’est autant de pouvoir d’achat qui a été transféré des pays producteurs de pétrole vers la France. Grâce à ce transfert, en 2014, le pouvoir d’achat des ménages a augmenté de 1,1 % alors que le PIB n’a augmenté que de 0,2 %.
Or, simultanément, le déficit commercial hors pétrole se creuse. Au premier trimestre 2015, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été négative. En 2014, le volume des exportations a augmenté de 2,4 % et celui des importations de 3,9 %. Cela signifie que la France est de moins en moins la bénéficiaire des contre-chocs pétroliers pour en devenir de plus en plus un point de passage. Le pouvoir d’achat récupéré grâce à la réduction de la rente pétrolière est recyclé par le consommateur français sous forme d’achats de biens étrangers. En fait, l’appareil productif français a du mal à répondre à un surcroît de demande. Et ce pour deux raisons. D’abord parce que, par manque d’investissement, le capital utilisable est déjà quasiment saturé. Surtout parce que, à en croire les entreprises, celles-ci, malgré un chômage élevé, ont du mal à recruter (en avril, l’indicateur sur les difficultés de recrutement était déjà au niveau correspondant normalement au plein emploi…)
Le problème de la France est un problème de chômage lié moins au coût du travail qu’à l’inadéquation entre les besoins de l’économie d’une part et les compétences et les attentes de la population d’autre part. Pourtant, il est à craindre que, surfant sur le retournement conjoncturel, le gouvernement s’exonère de toute réforme du marché du travail et de la formation, et se contente d’une amplification du traitement social du chômage.