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Congrès du PS, fantasme d’un Manuel Valls, les dépenses publiques, pacte de responsabilité
Le congrès du PS à Poitiers dresse une espèce de portrait en réduction de la faillite politique française, avec, en plus, il est vrai, quelques moments croquignolets de haine entre ennemis politiques pourtant membres du même parti.
Les décisions publiques au gré d’une nomenklatura opaque
Premier élément de la faillite: les orientations du gouvernement sont liées au contenu d’une motion que personne n’a lue, elle-même produit d’une combinazione totalement opaque entre de vieux chevaux de retour. Rappelons que Cambadélis a obtenu un score confortable (plus de 70% des voix) à l’élection à la tête du parti grâce à une alliance contre nature avec Martine Aubry. Celle-ci a négocié une réorientation du pacte de responsabilité en faveur des PME et des TPE en échange de son soutien au gouvernement.
Certes, il faut prendre un peu de distance avec cette négociation de derrière les fagots, puisque, comme chacun le sait les promesses n’engagent que ceux qui les entendent. Sur le fond, d’ailleurs, cette réorientation ne me paraît pas spécialement choquante.
Mais, la méthode pose question: l’action publique dépend d’un parti, de ses relations de force interne, alors que les militants le désertent et que ses hiérarques monopolisent la machine depuis des années. Comment peut-on croire à la démocratie quand les décisions se prennent de cette façon?
On retrouve ici toute l’obsolescence de la constitution de la Vè République qui fonde la démocratie sur les partis politiques, sans avoir imposé des principes démocratiques à la vie de ces partis.
Le fantasme d’un Manuel Valls libéral
Une grande partie du congrès du PS est occupée par la « digestion » du prétendu libéralisme de Manuel Valls. Cette faction a même désormais un nom: les sociaux libéraux!
C’est un superbe tour de force, de la part de Manuel Valls, d’être parvenu à faire croire que sa politique était libérale. Quelques chiffres le rappelleront: outre la création de 100.000 emplois aidés annoncés par François Rebsamen après les mauvais chiffres de chômage (c’est bien la première fois que le libéralisme de signale par la subvention publique à l’emploi…), l’examen de la situation budgétaire de l’Etat suffit à mesurer l’ampleur des dégâts réels derrière les postures officielles.
Certes, Manuel Valls a lutté contre la folie de 2012, qui avait consisté à doper de façon fulgurante les dépenses publiques. La loi de finances initiale de 2012 (préparée par l’équipe Sarkozy) avait prévu 366 milliards de dépenses pour l’Etat. En 2013, cette somme a grimpé de 10 milliards pour atteindre 376 milliards (en exécution). La loi de finances initiale pour 2014 avait projeté une dépense de 383 milliards, soit près de 20 milliards de plus qu’avant l’arrivée de la gauche. Valls a finalement imposé une limitation à cette hausse, et a même proposé de revenir à 371 milliards de dépenses pour 2015.
Si ce chiffre était confirmé, il placerait la dépense 2015 légèrement au-dessous de la dépense réelle de 2014 qui s’est élevée à 377 milliards, soit une baisse d’environ 1,5%. Le problème est que cette politique « libérale » ne se traduit pas dans les faits. Selon la dernière situation mensuelle du budget de l’Etat, à fin mars 2015, les dépenses n’ont baissé que de 150 millions par rapport à l’an dernier à la même époque.
Concrètement, le gouvernement se montre donc incapable de diminuer réellement les dépenses publiques. Sous les apparences libérales, en réalité, l’étatisme résiste…
La folie des socialistes frondeurs
Face au pseudo-libéralisme de la motion A, l’idéologie la plus folle triomphe. Je reprends ici les termes d’Emmanuel Maurel, frondeur acclamé au congrès de Poitiers. Ces phrases sont issues d’une tribune qu’il a publiée dans la presse le 30 avril 2014:
L’enjeu est celui de la démocratie économique, aussi bien au sein de la nation que de l’entreprise. Pour y parvenir, le contrôle du capital par l’Etat est essentiel. [sic! vous avez bien lu!] (…)
Il était temps, en effet, de s’apercevoir qu’une politique industrielle pour un pays comme la France, ne consiste pas seulement à réglementer “l’environnement” fiscal, social, des entreprises. La propriété du capital, c’est le pouvoir. Veiller sur la propriété du capital, c’est préserver la capacité d’établir des stratégies autonomes, d’anticiper, c’est, en un mot, l’avenir des industries françaises et de nos emplois. (…)
Surtout, les nationalisations temporaires, comme celle d’Alstom en 2004, tellement nécessaires pour défendre les entreprises françaises en cas de crise temporaire, ou de raids de prédateurs boursiers ou de fonds de réserve souverains étrangers, restent en pratique presqu’impossibles à mettre en œuvre. M. Macron n’a cessé de lutter contre cette innovation, au nom de la peur et des réticences qu’elle pourrait inspirer aux investisseurs étrangers. Mais de nombreux autres États y ont d’ores et déjà recours. (…)
Aussi, nous n’attendons pas du ministre de l’Économie d’un gouvernement socialiste, qu’il “retrouve l’esprit du capitalisme”; car nous savons que “l’esprit du capitalisme” si bien décrit par Max Weber, ne concourt qu’à l’accumulation et n’a que la richesse comme but final, supérieur à la consommation elle-même. Il est vecteur d’inégalités, et ne prospère que parce que les principes démocratiques n’ont pas encore pénétré l’économie et le travail. Nous voulons, tout au contraire, retrouver le message politique essentiel du socialisme – la lutte pour compléter la démocratie politique, par la conquête de la démocratie économique, au sein de la nation comme au sein de l’entreprise. Et la démocratie économique, c’est la maîtrise du capital.
On le voit, face aux « sociaux libéraux » incarnés par Manuel Valls, les étatistes restent bien vivaces, défenseurs d’un mensonge hallucinant. Dans la vision bornée et fausse d’Emmanuel Maurel (qui n’a jamais mis les pieds dans une entreprise pour y travailler), les investisseurs privés sont forcément des court-termistes, et l’Etat, c’est forcément le capitalisme à long terme.
Cette équation est grotesque, et seuls les hiérarques socialistes pouponnés par le secteur public depuis leur adolescence l’ignorent. Dans son rapport sur le sujet, la Cour des Comptes a par exemple utilement montré que l’Etat impose aux entreprises dont il est actionnaires des distributions de dividendes totalement exorbitantes, qu’aucun méchant capitaliste n’oserait imaginer, puisque, à titre d’exemple Engie a distribué des dividendes alors qu’elle accusait de lourdes pertes .
C’est probablement le drame du parti socialiste: entre incapacité à agir et à changer le réel, et nostalgie pour un pouvoir étatiste dont les méfaits sont aveuglément niés, ce parti ne parvient plus à se réinventer un avenir. Et pourtant, il gouverne…