Autrefois, il est arrivé à la gauche de montrer quelques faiblesses vis-à-vis de régimes autocratiques. On dira que c’était l’époque. Qu’Octobre rouge, ça avait un peu de gueule. Que la révolution maoïste n’en manquait pas non plus. Et puis Castro… la révolution est toujours un peu moins pénible au soleil : le rhum, la musique et, surtout, les filles cambrées au bon endroit.
Bien sûr, tout cela chargeait son lot d’effluves totalitaires ; remarquez, à l’époque, la démocratie libérale n’était jamais rien d’autre qu’un « vice bourgeois », pour reprendre le vocable d’alors. À droite, voire même encore plus loin de ce bord de l’échiquier politique, on en pinçait rétroactivement pour d’autres potentats, généralement assez méditerranéens. La Phalange espagnole avait des airs de fête du slip. Quant au fascisme, si délicieusement looké pour amateurs de néo-futurisme, top de coolitude, surtout quand Romano Mussolini, fils de qui vous devinez, laissait courir ses doigts sur le clavier de son piano, dans le sublime et très psychédélique Kriminal (artusfilms.com), l’extase politique n’était pas loin.
Pour en revenir aux temps qui nous occupent, force est d’avouer que la donne a un peu changé. La preuve par Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen, qui vient de s’en prendre au Qatar, évoquant « une dictature islamiste sous forme d’émirat gazier », tout en insistant sur ses « relations coupables avec le terrorisme islamiste ». Tout cela est sûrement un peu exagéré, quoique… Il est un fait que ni les Émirats et encore moins l’Arabie saoudite ne sont connus pour leur participation au génie humain. Citez le nom d’un poète, d’un musicien, d’un peintre, d’un cinéaste, d’un scientifique issu de ce pays dont les actuelles élites sont directement tombées du chameau dans le 4×4 Porsche ? Nada. Walou. Peau de zob.
Quant aux rapports entretenus par ces principautés de carnaval et l’État islamique, il y aurait effectivement beaucoup à dire. Et nombre d’États et de chancelleries en disent d’ailleurs beaucoup ; hormis en France, semble-t-il. Du coup, Doha vient de porter plainte contre Florian Philippot. Lequel se régale à l’avance en excipant de son immunité parlementaire : « S’ils veulent poursuivre, ils devront demander la levée de cette immunité, qui doit se traduire par un vote en séance plénière au Parlement européen. »
En nos contrées, on aurait pu attendre une sorte d’union sacrée, ou au moins espérer un plus de solidarité nationale ; après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un de nos élus se voit menacé d’être traîné en justice par une nation dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’elle n’est pas exactement progressiste. Eh bien, non.
L’une des premières à monter au créneau, le maire de Paris, Anne Hidalgo. Laquelle s’insurge en ces termes : « Je les remercie [les Qataris] de soutenir des choses qui m’importaient beaucoup, je pense au football féminin, à la lute contre l’homophobie et le racisme dans les stades. »
De quoi laisser le champ libre au Philippot en question, qui s’est fait un plaisir de s’adresser directement au président François Hollande : « Je prends la liberté de vous demander une audience pour que vous m’indiquiez comment vous comptez vous opposer à ces attaques contre la liberté d’opinion, en France, de despotes étrangers. » Inutile de préciser que la réponse se fait toujours attendre. Une grève de la Poste, à n’en point douter.