Les échanges commerciaux mondiaux devraient croître de 3,3 % cette année. La relance du cycle de Doha nécessite une accélération des négociations.
Quelles sont vos prévisions sur l’évolution du commerce mondial ?
Par le passé, le commerce mondial progressait deux fois plus vite que la croissance. Mais depuis plusieurs années, leur évolution est désormais similaire. La croissance mondiale est même un peu décevante. Ces tendances sont-elles réversibles ? On ne voit nulle part une reprise robuste de la croissance, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Chine. Il y a bien quelques pays dynamiques, comme l’Inde, mais pas de quoi tirer l’activité mondiale. On ne peut donc pas s’attendre à un rebond significatif de la croissance à moyen terme. Le ralentissement du commerce par rapport à la croissance est lié à des pays comme la Chine, dont la croissance est davantage tirée par la consommation et moins par les exportations.
Allez-vous dès lors réviser vos anticipations ?
Pour l’instant, nous prévoyons toujours une hausse du commerce mondial de 3,3 % cette année, après 2,8 % en 2014. Il est fort probable que les échanges évoluent également moins vite que prévu. Favoriser un nouvel essor du commerce mondial devrait être une piste à creuser pour améliorer la croissance.
Justement, l’accord pour faciliter les échanges commerciaux a été conclu l’an passé. Où en est-on de ce dossier ?
L’accord sur la facilitation des échanges requiert la ratification des deux tiers de nos membres pour être mis en œuvre. À ce jour, avec la ratification la semaine passée de l’Australie, sept pays membres dont les États-Unis sont déjà prêts. Ce processus législatif va s’étaler tout au long de l’année. Et j’espère que nous atteindrons le seuil des deux tiers à la réunion ministérielle de Nairobi en décembre. Je suis confiant au regard de mes discussions récentes avec les membres.
Quel en sera l’impact sur le commerce mondial ?
Nous attendons une baisse significative des coûts du commerce liés notamment aux procédures douanières. Par exemple, dans les pays en développement, le coût de passage à la frontière des biens et services s‘élève parfois à 15 %, voire plus. Une baisse ne pourra que bénéficier au commerce mondial. Cet accord pourrait injecter 1.000 milliards de dollars par an dans l’économie mondiale et créer 21 millions d’emplois dont 18 millions dans les pays en développement. Je suis convaincu que le commerce jouera un rôle de plus en plus grand dans les capacités productives d’un pays. L’économie mondiale n’en sera que plus efficiente.
En vue de la ministérielle de Nairobi, vous devez établir un cadre de travail, d’ici juillet, pour relancer les négociations du cycle de Doha. Quel est l’état des discussions ?
Si nous maintenons le rythme actuel, nous n’y parviendrons pas. Mais l’expérience m’a montré que les négociations ne se déroulent jamais de façon linéaire. Nous procédons par bonds. Nous attendons ce bond de géant pour être au rendez-vous en juillet. Si nous effectuons plusieurs avancées significatives sur certains sujets délicats des négociations, nous pourrons être confiants.
Parmi ces sujets délicats figure la question des subventions agricoles. Washington conteste les chiffres des dépenses de soutien chinoises. Comment concilier leur point de vue ?
La question des subventions agricoles est l’un des grands sujets de discussion. Soit nous développons des disciplines pour réformer en profondeur les politiques agricoles des grands pays producteurs, soit nous n’avançons que modestement dans la libéralisation du marché des produits agricoles. Seuls le dialogue et les négociations permettront d’obtenir des résultats.
Etes-vous confiant sur les chances de parvenir à un accord à Nairobi ?
J’ai toujours dit que nous pouvions parvenir à un accord. Mais cet objectif est lié à la volonté politique de nos membres. À ce jour, ils sont clairement engagés dans cette voie.
Deux accords de partenariats – transpacifique et transatlantique – sont actuellement négociés. Est-ce une menace ou un complément pour l’OMC ?
L’histoire nous a montré qu’ils sont complémentaires. Pour parvenir à un accord multilatéral de grande envergure, il est naturel de tester certaines disciplines et mesures à l’échelle régionale avant de les étendre à l’ensemble du monde commercial. C’est une dynamique usuelle lorsque l’on établit de nouvelles règles. L’accès au marché, présent dans de nombreux accords bilatéraux, en est un exemple. Le TPP et le TTIP sont ancrés dans cette dynamique.
Sur ces deux accords, vous attendez vous à des avancées majeures prochainement ?
Les négociations n’avanceront pas aussi rapidement que l’on avait pu le penser au début. Les discussions commerciales ont toujours été difficiles. Mais l’octroi au président Obama de la Trade Promotion Authority par le Congrès américain devrait accélérer le processus.