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émissions de gaz à effet de serre, enjeux financiers, réchauffement climatique, un défi macroéconomique
Inverser rapidement la courbe de la hausse des émissions de gaz à effet de serre implique de créer un nouveau modèle économique mondial.
La conférence internationale de Copenhague (2009) a fixé l’objectif de long terme dans la lutte contre le réchauffement climatique: limiter l’accroissement de la température à 2° C à la fin de ce siècle. Atteindre cet objectif représente un défi macroéconomique car, depuis le début de l’ère industrielle, le PIB mondial a été multiplié par 100, avec à la clé plus de 30 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an liées aux activités énergétiques.
Inverser rapidement cette courbe suppose d’inventer un nouveau modèle économique mondial. C’est-à-dire parvenir à créer des richesses pour les 9 à 10 milliards d’humains qui peupleront la planète en 2050, sans que ce processus n’alimente le cercle vicieux des événements climatiques extrêmes (sécheresses, déforestations, migrations forcées). Une telle transformation nécessitera des investissements considérables dans les années à venir. Une contribution des secteurs publics et privés sera indispensable. Or, force est de constater que les flux de capitaux sont encore majoritairement orientés vers des investissements à fort contenu carboné et que les volumes consacrés aux transitions énergétiques restent largement insuffisants. La recherche sur l’économie et la finance climatique a significativement progressé depuis quelques années, mais ces progrès n’ont pas nécessairement été traduits opérationnellement par les praticiens du secteur financier.
Quels sont, à quelques mois de la conférence de Paris (2015), les principaux enjeux financiers de la lutte contre les dérèglements climatiques? Il importe avant tout de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Le financement nécessaire à cet effet recouvre en grande partie les besoins de capitaux relatifs à la transition énergétique. Capitaux d’origine privée et publique.
Les capitaux publics ont en principe vocation à n’être que subsidiaires pour financer la partie qui n’est pas rentable dans les conditions de marché. On notera que près des trois quarts des financements consacrés au climat restent dans leur pays d’origine et que cette proportion monte à 90% pour les flux privés. Comment encourager le secteur financier à s’approprier le sujet du dérèglement climatique qui n’est pas perçu comme étant particulièrement rentable? Une forme de sensibilisation émerge grâce aux mesures de transparence de la responsabilité sociale et environnementale qui permettent ou imposent aux entreprises de rendre publiques des mesures internes en faveur de l’environnement. Certains gestionnaires d’actifs développent actuellement des stratégies d’investissement bas carbone. Les green bonds ou climate bonds connaissent un développement rapide. L’agence de notation Standard & Poors vient de décider d’intégrer le risque climatique dans la notation des entreprises et, le cas échéant, dans celle des Etats. Mais en dépit de ces avancées, il reste encore beaucoup à faire. On ne pourra sans doute pas se passer de l’action des régulateurs. Quelques-uns ont déjà pris des initiatives intéressantes.
En 2009, à Copenhague, les pays riches ont promis de mettre à disposition des pays en développement 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 de financements publics et privés. La Banque d’Angleterre a annoncé en 2012 le lancement d’une simulation des risques pour la stabilité financière des expositions à des actifs industriels produisant des gaz à effet de serre. En 2014, le Brésil a imposé à ses banques une publication des expositions individuelles au risque carbone dans le cadre de Bâle III. La Commission de régulation bancaire chinoise promeut l’investissement bas carbone par le biais des lignes directrices sur les crédits verts. En amont de la future loi sur la transition énergétique, des investissements bas carbone ont déjà été mis en œuvre en France. Le débat sur les dérèglements climatiques, leurs causes et leurs conséquences, se prolongera tout au long de la décennie et au-delà, quelle que soit l’issue de la conférence de Paris. Il est clair d’ores et déjà que des sociétés sobres en carbone impliquent l’action d’une finance durable. L’enjeu est global, mais avant tout européen.
* Université de Genève