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Éric Verhaeghe, chefs de réseau clientéliste, L’université francaise, Le naufrage, Les présidents d’université

L’université française est en crise, tout le monde le sait. Son niveau de recrutement est faible, faute d’une sélection intelligente à l’entrée, et ses performances saluées par des rangs cataclysmiques au classement de Shangaï. Longtemps, la pédocstructure française a disqualifié ce constat en expliquant que « le classement de Shangaï, on n’a rien à foutre » (propos qui me furent tenus en 2007 par un président de jury d’agrégation, universitaire connu dans sa discipline). Désormais, le leit-motiv consiste plutôt à répéter que l’ »université n’a pas assez de moyens » et qu’il faut augmenter les budgets.
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L’histoire racontée par Mediapart sur le « vice-ministre de l’enseignement supérieur » permet d’entrer dans le coeur du réacteur nucléaire de l’université française.
Les présidents d’université, chefs de réseau clientéliste
Dans le cas de Jean-Loup Salzmann, le scénario qui est dénoncé est celui d’un universitaire qui a multiplié les promesses et les cadeaux pour être élu président. Il s’agit d’un grand classique du genre, qui s’explique d’abord par l’absence d’évaluation des universitaires sur leurs performances.
Rappelons que l’élection des présidents d’université par leurs pairs est une tradition française dont tout le monde connaît les défauts: elle pousse à faire des promesses et à monter des clans pour être élu. Pour contre-carrer ces défauts, la France a longtemps fait un choix conforme à sa tradition: celui de ne donner aucun véritable pouvoir aux présidents. En particulier, l’ensemble des moyens était directement piloté depuis les services centraux du ministère. Ainsi, les universitaires se battaient pour pouvoir inaugurer les chrysanthèmes et foutre une paix royale à la communauté universitaire qu’ils présidaient. C’était la meilleure façon (à la française) de satisfaire tous les égos tout en conservant une relative concorde.
L’arrivée du classement de Shangaï et l’explosion des déficits publics a commencé à donner un premier coup de pied dans la fourmilière: il est devenu de plus en plus difficile d’expliquer que tout allait bien dans nos universités et il est même devenu incontournable de restructurer l’offre de formation pour dégager des économies. La loi Pécresse de 2009, en préparant l’autonomie des universités, allait dans ce sens.
Le problème est peut-être là: la loi Pécresse a donné du pouvoir aux présidents sans les soumettre à une logique de performance tournée vers l’intérêt général. Elle a, dans la pratique, donné un « coup de fouet » aux vieilles traditions. Les présidents sont restés clientélistes, mais ils ont tout à coup disposé de moyens importants et nouveaux dans leur vieux terrain de jeu.
L’université selon Salzmann
Le président Salzmann constitue probablement un paragon de président clientéliste d’université.
Son parcours en est la preuve: fils de Charles Salzmann, conseiller en stratégie de François Mitterrand, il apparaît vite comme une tête de réseau à l’avenir politique prometteur. Il fréquente Benjamin Stora, Jean-Marie Le Guen, Julien Dray, Jean-Christophe Cambadélis, Harlem Désir,… Il participe à la création de SOS-Racisme, de l’Unef-ID, à la prise en main de la MNEF, qui deviendra la pouponnière de beaucoup de bébés socialistes.
Ce pouvoir d’influence lui permet d’atterrir au cabinet d’Hubert Curien, ministre de la Recherche en 1988. Il reste cinq ans, puis, sans aucune expérience universitaire avérée, il est propulsé en décembre 1991, par décret de François Mitterrand, professeur d’université praticien hospitalier (PU-PH). Cette promotion politique lui ouvre la voie d’une longue carrière d’emplois fictifs. Comme le rapporte Mediapart, un poste est créé pour lui en histologie à l’hôpital Avicenne, où il ne mettra jamais les pieds.
Dans le même temps, l’objectif de Jean-Loup Salzmann est de développer son influence pour ne pas rester au bord de la route. Après tout, ses amis Le Guen, Cambadélis, Désir, finissent par occuper des fonctions en vue, proches du pouvoir. Pourquoi pas lui?
Il entreprend de devenir président d’université à Paris-XIII, puis président de la conférence des présidents d’université. Son enjeu, c’est le pouvoir, bien entendu, et certainement pas le savoir, univers dans lequel les coups de piston dont il bénéficie ne contribuent pas à son immense renommée.
Le naufrage de l’université clientélisée
L’inconvénient de ce système, ce sont les conséquences pratiques qu’il emporte pour les étudiants et pour l’université dans son entier. Dans le cas de Paris XIII, l’affaire est volontiers montée en épingle parce qu’un certain nombre de membres de la pédostructure n’ont pas envie d’écoper de Salzmann comme ministre de l’enseignement supérieur. Cette occurrence permet de lever le voile sur certaines réalités qui sont malheureusement légion ailleurs. Je produis ici le rapport de l’IGAENR sur le sujet:
Dans la pratique, il est surtout reproché à la présidence de l’université son absence et son indifférence pour les problèmes de la structure, qui sont ceux de toutes les universités de France, même s’ils sont exacerbés à Saint-Denis. Entre les recrutements ou les promotions de complaisance, les rémunérations illégales pour récompenser les copains, le laissez-aller généralisé, l’abandon des locaux à des associations communautaristes ou des syndicats étudiants sur qui l’on compte pour éviter les grèves, la description de la réalité est non seulement cauchemardesque mais digne d’un pays africain.
Ce n’est pas avec des pratiques de ce type que l’université française retrouvera une crédibilité internationale. Un coup de balai est indispensable, dont la clé de voûte doit être l’évaluation des enseignants par les étudiants, comme dans les pays anglo-saxons.