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CHRONIQUE – L’exécutif assure qu’il n’est pour rien dans la charge de Robert Badinter contre le Code du travail. Mais il veut s’appuyer sur lui pour faire bouger la gauche.
Il y a des sujets sur lesquels il est possible d’avancer, fût-ce au forceps du 49-3 comme sur la loi Macron . Il en est d’autres tellement inflammables pour la gauche qu’ils impliquent de trouver des chemins de traverse. Le livre que publient Robert Badinter et le juriste Antoine Lyon-Caen sur « Le Travail et la Loi » n’en est pas officiellement un, mais il y ressemble furieusement.
A deux ans de l’élection présidentielle, François Hollande est toujours à la recherche de la bonne pédagogie économique à l’adresse des socialistes. A fortiori sur le sujet emblématique du Code du travail. Le coup de force, il y a renoncé. L’interview un peu trop sincère d’Emmanuel Macron (sur le temps de travail notamment), publiée en août à la veille de sa nomination, avait provoqué un tollé à gauche et chez les partenaires sociaux. Tout comme les saillies, voulues cette fois, de Manuel Valls quelques semaines plus tard. Pour autant, leurs ambitions n’ont pas faibli. « La loi ne peut pas tout prévoir » est une phrase qui revient en boucle dans la bouche du ministre de l’Economie. « Nous devons aller au bout de la logique contractuelle » aussi.
Dès lors, comment faire ? Appeler la « conscience de gauche » qu’est Robert Badinter à la rescousse, ou du moins se féliciter de son incursion audacieuse sur le terrain du droit social. Car l’exécutif se défend de toute orchestration en la matière. « Nous ne l’avons pas recherché », martèle-t-on. Mais il a vite vu le bénéfice à tirer de la situation. « La CGT, Mélenchon et une partie du PS vont hurler mais ils auront du mal à s’essuyer les pieds sur Badinter comme ils l’ont fait sur Macron », relève un proche de François Hollande.
Ce faisant, l’exécutif fait le pari que la charge des auteurs contre « l’obésité du Code du travail », qui pèse sur le chômage, fera réfléchir cette gauche encline à sortir les chiffons rouges dès que Manuel Valls et Emmanuel Macron ouvrent la bouche. « Les positions de Badinter peuvent avoir un effet catharsis et faire réfléchir », poursuit le conseiller. A quelques mois du rapport Combrexelle sur les « rigidités du Code du travail », « on va mettre tout ça sous cloche et regarder ce qui se passe », ajoute-t-il. En clair, laisser prospérer le débat et tenter d’évaluer jusqu’où il est possible d’aller. L’effet « conscience de gauche » ? Gauche et syndicats sont restés totalement cois, ce lundi, à la publication des bonnes feuilles du livre par « Le Monde »