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par Paul KLOBOUKOFF

Ukraine séculaire ou pays sans histoire Bien que je ne n’aie pas les compétences d’un historien, il m’a semblé utile de revenir sur le passé de l’Ukraine, peu connu, pour mieux comprendre les origines de la situation complexe d’aujourd’hui, les habitudes, les mentalités, les sensibilités et les attitudes des acteurs ukrainiens, ainsi, d’ailleurs que des motifs possibles des interventions de l’extérieur, notamment de la Russie, de l’Union européenne, de l’OTAN, des USA, de la Pologne…   Le présent article remonte à la « Rus’ de Kiev », au IXe siècle, et descend jusqu’à la création de la République Socialiste soviétique d’Ukraine en 1922, puis à l’indépendance de la République d’Ukraine en 1991. Le prochain article portera sur les années suivantes, jusqu’à la guerre « civile » de 2014-2015 et ses développements possibles. Le territoire de l’Ukraine a été pendant les onze derniers siècles le théâtre permanent d’invasions, de guerres, de longues occupations ou dominations lors des périodes d’expansion et de recul des puissances d’Europe et d’Asie qui se sont affrontées autour de lui et en ont pris possession. En fait, ce sont elles qui ont écrit la plus grande partie de « l’histoire » de l’Ukraine. Elles ont provoqué d’incessantes et massives migrations des populations. Aussi, les origines et les « nationalités » des occupants des différentes régions ont eu tendance à se mélanger ou à se perdre dans le temps. Par contre, des influences subies ont laissé des traces visibles.

Au début : Rus’ de Novgorod, puis Rus’ de Kiev

Entre 859 et 862, selon les historiens, les Vikings, ou Varègues, avec à leur tête le prince Rurik et ses frères, se sont installés à Novgorod, au Nord de l’actuelle Russie, à proximité de la mer Baltique. Ils ont colonisé la région et conquis, sans rencontrer de vives résistances, un très vaste territoire, baptisé « Rus’ », s’étendant, à son apogée, de la mer Baltique, au nord, presque jusqu’à la mer Noire, au sud, et allant des pays baltes et de la Prusse, à l’Ouest, au-delà de Rostov, Souzdal et Ryazan, à l’Est. Emprunter le Dniepr (long de 2.200 km) jusqu’à la mer Noire devait leur faciliter le commerce jusqu’à Constantinople. Aussi, les Vikings ont-ils descendu le fleuve et se sont-ils installés à Kiev. En 882, le prince Oleg le Sage, héritier de Rurik, a transféré sa capitale à Kiev. Dès lors, Les principautés de Novgorod et de Kiev ont dominé la Rus’ et la dizaine d’autres principautés qui la formaient. Vladimir Ier, appelé le Grand ou le Saint, a régné brillamment sur la Rus’ et posé les premiers fondements de l’Empire russe. Il s’est converti au christianisme byzantin en 988, à l’origine de la religion orthodoxe en Russie. La puissance et le prestige de la Rus’ de Kiev ont crû jusqu’au début du XIe siècle. Puis, des rivalités au sein des familles princières et des conflits entre les nombreuses principautés qui s’étaient constituées ont beaucoup affaibli la Rus’. En 1237, la Rus’ n’a pas pu résister à l’invasion des Tatars. Comme une dizaine d’autres villes, Kiev a été détruite et ses défenseurs massacrés. Les Princes se sont alors réfugiés à Moscou (1).

Plus de trois siècles sous le joug des Tatars

Au début du XIIIe siècle, Gengis Khan, fondateur du vaste Empire mongol, a entrepris la conquête de la Rus’ ainsi que des pays d’Europe. Après avoir dévasté et pillé les pays du Caucase, puis écrasé une coalition de 18 princes de la Rus’, les redoutables guerriers tatars ont fait une première incursion jusqu’au-delà du Dniepr en 1223.

Ils sont revenus en force en 1237 et envahi la Rus’ depuis Riazan, à l’Est, jusqu’au-delà de Moscou. Ils se sont emparés du territoire de l’Ukraine en 1240, d’une grande partie de la Turquie, et attaqué la Pologne, la Hongrie et la Croatie, sans s’attarder dans ces derniers pays. Par contre, ils se sont implantés durablement dans la basse et moyenne Volga ainsi qu’en Crimée et au bord de la mer Noire, à la périphérie des principautés de la Rus’.   En 1242, le chef des Tatars, Batu, a décidé d’établir à Saraï, sur la basse Volga, la capitale du Khanat de la Horde d’Or, territoire occidental de l’Empire mongol. C’est de là que les Tatars ont exercé leur domination brutale sur la Rus’. Sans l’occuper. Sans chercher à nuire aux activités économiques, à l’organisation politique en principautés, à la religion orthodoxe, ainsi qu’aux us et coutumes des populations… pourvu que leurs vassaux acceptent sans broncher leur autorité et acquittent leur tribut, le « vykhod », règlent les droits de passage des marchandises et accomplissent diverses corvées, de transport et de poste, par exemple. Mais, malheur aux défaillants et aux récalcitrants (2).   Durant toute la domination tatare, « la paix mon- gole » a été marquée par la terreur, les répressions sanglantes et les expéditions punitives. Entre 1240 et 1459, une cinquantaine d’attaques avec destructions de villes, pillages et tueries, captures d’esclaves, ont eu lieu. Certaines villes ont été plusieurs fois « visitées » (3), telles Riazan, Vladimir, Souzdal ou encore Moscou, qui a été entièrement brûlée en 1382. Pourtant, à partir du XIVe siècle, la Moscovie et d’autres principautés étaient montées en puissance. Dimitri « Donskoï », grand héros populaire depuis, avait même remporté une première victoire d’envergure sur les Tatars à Koulikovo, sur le Don en 1380. Une victoire sans lendemain… qui est toutefois restée dans la mémoire russe. Le XVe siècle a vu la Horde d’Or se diviser en trois khanats autonomes, de Crimée, de Kazan-Astrakhan et de Sibérie, en 1430, puis des princes Tatars passer au service du grand-prince de Moscou. En 1480, l’armée russe du prince Ivan III a repoussé sur le fleuve Ougra les troupes tatares du khan Ahmed, libérant la Moscovie. Ensuite, il a fallu attendre la conquête de Kazan en 1652 et d’Astrakhan en 1656 par le tsar Ivan IV, le Terrible, pour que cesse la menace mongole sur la Russie… et « l’Ukraine ». Mais la question tatare n’était pas réglée pour autant.

Encore deux siècles de harcèlements par les Tatars de Crimée et d’affrontements avec les Ottomans

En 1475, le khanat de Crimée est devenu un protectorat de l’Empire Ottoman et s’est soumis à l’Islam sunnite. Peu après, en 1502, le khan de Crimée, allié aux Russes, cette fois, a détruit Saraï, mettant fin à la Horde d’Or, et a pris sa succession. Le khanat de Crimée a alors été l’un des états les plus puissants de l’Europe orientale. Ses armées ont souvent pénétré jusqu’au cœur de la Russie en passant par l’est ou via la future Ukraine. En 1571, elles ont pris et brûlé Moscou, tué ou réduit en esclavage une grande partie de sa population. L’année suivante, les Tatars et les Turcs ont encore envahi la Russie. Mais, cette fois, ils ont été repoussés à l’issue la grande bataille de Molodi.   Les Tatars de Crimée étaient aussi redoutés et haïs pour leur cruauté lors de leurs très fréquentes incursions plus près de la Crimée, en Ukraine, en Russie et en Moldavie. Outre les pillages, leurs expéditions, qui ciblaient volontiers les chrétiens, avaient pour but la capture d’esclaves. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ils ont pratiqué un commerce massif d’esclaves en direction de l’Empire ottoman et du Moyen-Orient (4). Caffa, dans la péninsule de Crimée, a été un très grand marché d’esclaves. Le nombre d’esclaves capturés, vendus et asservis a dépassé un million de personnes, Ukrainiens, Russes, Polonais… Mais cette funeste vérité est enfouie. « Nos » historiens et « nos » médias répugnent, en effet, à parler de l’esclavage en Europe orientale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Pour enrayer ces incursions, protéger les populations et garder les régions proches de la Crimée, la Russie et la Pologne ont armé les troupes « irrégulières » des Cosaques qui « vivaient dans ce que la Russie a appelé « l’Ukraine », mot traduit par « marche frontière ». En Russe, « kraï » signifie bout, extrémité, bord, ainsi que pays, région, territoire, tandis que « okraïna » signifie confins. Il est donc fort possible que l’appellation « Ukraine » soit née ainsi.

Le déclin du khanat de Crimée a suivi celui de l’Empire ottoman. Au début du XVIIIe siècle, aidés par les « Ukrainiens », les Russes ont lancé plusieurs campagnes contre la Crimée. Ils ont réussi à pénétrer sur la péninsule elle-même pendant la guerre russo-turque de 1735-1739.   Une nouvelle guerre russo-turque, de 1768 à 1792, au désavantage des Ottomans, a permis à Catherine II d’annexer la Crimée en avril 1783. Puis en 1792, par le traité d’Iasi (capitale moldave) entre les Empires russe et ottoman, la Russie a été étendue jusqu’au Dniestr, couvrant ainsi tout le territoire de l’actuelle Ukraine, à l’exception de deux régions de l’Ouest limitrophes de la Moldavie et de la Pologne restées en possession de l’Autriche. Tous ces événements, depuis les premières invasions mongoles jusqu’à la fin du khanat de Crimée et à l’expulsion des Turcs par la Russie, ont laissé de profondes et douloureuses empreintes dans le Sud et l’Est de l’Ukraine. L’Ouest, plus éloigné des Empires tatars et turcs a été plus épargné. Il n’a pas vécu la même histoire.

Plus de quatre siècles sous la dépendance de la Lituanie et de la Pologne

Après deux siècles de fragmentation de la Lituanie en de nombreux duchés, Ladislas Ier a réunifié son pays et, en 1320, en est devenu grand-duc. Profitant de l’affaiblissement de la Rus’ par les Mongols, lui et ses successeurs ont étendu le grand-duché vers l’Est et le Sud, annexé la Galicie, la Volhynie et la Podolie, allant alors jusqu’au Dniepr.

En 1385, le grand-duché de Lituanie et le royaume de Pologne se sont unis. Jagellon, le grand-duc, s’est converti au catholicisme et est devenu roi de Pologne. Depuis lors, et jusqu’à la fin du XVIe, le royaume a été en guerres contre la Horde d’Or, la principauté de Moscou, la Bohême, la Hongrie et les Tatars de Crimée. Au siècle suivant, cela a été contre la Suède, la Prusse, la Transylvanie, la Russie, les Cosaques d’Ukraine et le Khanat de Crimée.   En 1569, par le traité de Lublin, le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie ont formé la puissante République des deux nations (RDN). Elle s’étendait alors de la mer Baltique aux confins de la mer Noire, limitée au Sud et au Sud-Est (de l’Ukraine) par l’Empire Ottoman, qui occupait les bords de la mer Noire, à l’est et au Nord de sa partie ukrainienne par la Russie. L’Ouest et le centre de la future Ukraine étaient alors entre les mains de la Pologne.   À partir de 1654, la RDN a repris les hostilités contre la Russie, à propos des territoires des actuelles Biélorussie et Ukraine, notamment. Elle n’a pas réussi à battre les Cosaques zoporogues, alliés avec la Russie. La guerre a duré jusqu’à la trêve (ou traité) d’Androussovo en 1667, favorable à la Russie, qui a « entériné » le partage de l’Ukraine « polonaise ». À la Russie, la partie à l’Est du Dniepr ainsi que Kiev, sur la rive Ouest. La Pologne a conservé la partie occidentale. En fait, « L’Ukraine occidentale (à l’Ouest du Dniepr) était pro-polonaise, mais l’Ukraine orientale se prononçait ouvertement pour son rattachement à la Russie ». Le Sud de l’Ukraine restait ottoman (5). Russification d’un côté et polonisation de l’autre pouvaient ainsi plus librement suivre leurs cours séparateurs (6).   Un siècle plus tard, après plusieurs victoires russes contre l’Empire ottoman, Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie et Marie-Thérèse d’Autriche se sont associés pour imposer en 1772 à une Pologne en grande difficulté un partage la privant du tiers de sa population et de son territoire.   En 1793, ces trois mêmes puissances ont décidé d’un second partage, plus sévère. En janvier 1795, suite à une insurrection en Pologne, la République des deux nations a été rayée de la carte au terme d’un troisième partage. La Prusse a pris l’Ouest de la Pologne, la Russie a reçu l’est, et l’Autriche, le Sud-Ouest (Galicie).

État cosaque, embryon de la nation ukrainienne…?

Dans le vocabulaire slave, « cosaque » signifiait homme libre, sans attache. Les cosaques étaient souvent nomades. Leurs débuts ont été situés à Riazan, en 1443, a proximité de Moscou. À partir de 1490, des cosaques se sont installés entre le Dniepr et le Boug méridional (au cœur de l’Ukraine). Ces cosaques, appelés Zaporogues, se sont répandus dans les steppes méridionales et orientales (7). Ils sont devenus les protecteurs des paysans contre les tatars et les princes lituaniens ou polonais. Ils ont accueilli nombre de ceux qui fuyaient ces derniers. Leur liberté et leur « modèle d’organisation » ont aussi attiré des citadins, des nobles et des aventuriers. C’était une sorte de démocratie directe dans laquelle leurs chefs militaires, jusqu’au rang le plus élevé de Hetman, étaient élus lors de conseils pléniers réunis en « Rada ». Cette assemblée participait aux décisions importantes, et les chefs lui rendaient compte.

D’abord piètres combattants, avec l’expérience, les Cosaques sont devenus de redoutables guerriers. Dès la fin du XVIe, puis au XVIIe siècle, ils ont plusieurs fois affronté les Lituaniens et les Polonais, particulièrement en 1625-1637 et en 1648-1654. Une révolution paysanne a éclaté en 1648. En mai, l’Hetman Bohdan Khmelnitskyi, allié aux Tatars de Crimée et aux Russes de Moscou, a battu les Polonais à Jovti Vody puis à Korsoum, initiant une guerre de libération qui a duré six ans et qui a ébranlé l’Union lituano-polonaise. Ce soulèvement a donné naissance à un territoire Cosaque autonome appelé « Ukraine » dans le bassin du Dniepr entre la Pologne et la Russie.

En 1654, l’Hetmanat s’est placé sous la protection du tsar de Moscou (traité de Pereislav). Peu après, en 1667, est intervenu (nous l’avons vu) le traité partage d’Androussovo, aux termes duquel la Pologne a perdu la rive est du Dniepr et la région de Kiev, mais gardé la rive occidentale. L’Hetmanat cosaque, a alors été scindé en deux.

L’Hetmanat de la rive droite a été supprimé dès 1699 lors du traité de Karlowitz entre Polonais et Ottomans. L’Hetmanat de la rive gauche a vécu presque cent ans de plus. L’Ukraine orientale, gouvernée par un hetman, a peu à peu été assimilée à un état russe. Au début du XVIIIe siècle, « l’Hetmanat était parmi les pays les mieux alphabétisés de toute l’Europe. Il y avait des écoles dans la plupart des villages, les Cosaques ukrainiens étaient connus pour être des personnes très bien éduquées… » (8).   Mais, d’indépendance, pas question ! La Russie s’est servie des forces de ces vassaux contre la Pologne et les Ottomans. Puis, en 1793, Catherine II a mis fin à leur autonomie et a étendu l’Empire russe jusqu’à la mer Noire. Plus tard, les Cosaques sont restés fidèles à la Russie. Ils ont formé des corps d’élite de la cavalerie impériale qui, on s’en souvient, ont harcelé les armées napoléoniennes.

Novorossia

« Novorossia » ou Nouvelle Russie a été le nom donné aux territoires annexés par Catherine II en 1764, entre la mer d’Azov et la mer Noire. La Nouvelle Russie s’étendait de Louhansk et Donetsk, à l’Est, à Dniepropetrovsk et Zaporojie, sur le Dniepr, puis descendait au Sud-Ouest vers le Dniestr, qui borde la Moldavie, et Odessa. D’autres territoires ont ensuite été annexés : la Crimée en 1774, la Méotide (extrême Sud-Est de l’Ukraine) en 1783, la Transnistrie en 1792, et la Moldavie en 1812.

Sous la houlette de Potemkine, ces territoires ont aussitôt été occupés par des colons venant de l’Empire russe, des Bulgares, des Serbes, des Arméniens, des Grecs, des Allemands, des Hollandais… Les steppes ont été mises en culture et de nombreuses villes ont été fondées, Odessa, Kherson et Sébastopol, notamment. Odessa était une ville portuaire cosmopolite. À ses débuts, elle a été administrée de 1803 à 1814 par le duc de Richelieu, qui a été aussi gouverneur de Nouvelle Russie. Son successeur à partir de 1815 a été un autre Français, le comte de Langeron (9).

Le XIXe siècle a vu l’économie de la région décoller et s’épanouir : culture et exportation de blé, production de sucre, autres industries alimentaires, extraction de houille du Donetsk, de minerai de fer du Krivoï-Rog et industrie métallurgique à partir de 1870. Des Français, des Belges, des Écossais, des Allemands… sont venus y investir, accélérant son développement industriel et économique. Le négoce a aussi profité de l’extension du chemin de fer. L’Ukraine russe comptait 13 millions d’habitants en 1860. Elle a prospéré jusqu’en 1914.

L’abolition du servage en 1861 et l’industrialisation avaient provoqué l’exode rural, le peuplement des villes et le brassage des populations urbaines, où le russe était la langue dominante. Tandis que l’ukrainien était parlé dans les campagnes. Kiev a compté environ un demi-million d’habitants en 1892. Malgré des massacres et des pogroms, au recensement de 1897, les communautés juives constituaient 30 % des populations des villes et des bourgs.

La chronologie des fondations des villes, un témoin de l’histoire de l’Ukraine

Les fondations des principales villes, souvent fortifiées, ont été groupées en quatre périodes nettement distinctes, résumant à leur façon l’histoire et le peuplement du territoire ukrainien jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Les quatre grandes villes les plus anciennes, Kiev, Jytomyr, Poltava et Tchernihiv, au Nord et au Nord-ouest ont été fondées sous la Rus’ de Kiev entre 880 et 910. À l’Ouest, Lvov, Rivne, Vinnytsia, Khmelnitskyi et Ternopil ont été fondées du XIIIe au XVe siècle, pendant la première moitié de l’occupation lituanienne et polonaise. Tcherkassy, sur le Dniepr, a été édifiée au XIIIe aussi.

Au Nord-Est, Kharkov et Soumy ont été érigées en forteresses cosaques contre les Tatars de Crimée peu après 1650. Un siècle plus tard, sous la domination russe ont été fondées : Kirovohrad, Zaporojie, Dniepropetrovsk, Kryvyi-Rig, Kherson, Marioupol, Mykolaev, Odessa et Louhansk, structurant ainsi l’Est et le Sud du pays. Donetsk, a vu les premières mines de charbon en 1820… et a été « officiellement » fondée en 1869. A l’Ouest, la domination lituano-polonaise a duré jusqu’à près de six siècles en Galicie et en Volhynie (jusqu’à 1939). À l’Est et au Sud, les dominations tatares, turque, cosaque et russe ont été nettement plus longues qu’à l’Ouest.

Russification et montée d’une conscience nationale ukrainienne

Au XIXe siècle, l’Est et le Sud de l’Ukraine ont subi une vigoureuse politique de russification linguistique. En 1863, l’impression de manuels scolaires et de livres religieux en ukrainien a été prohibée. L’enseignement en ukrainien dans les écoles a été interdit. Seules les œuvres littéraires en ukrainien ont été tolérées. En 1897, seulement 13 % de la population était alphabétisée. Il a fallu attendre 1905 pour que les publications et les associations culturelles ukrainiennes soient à nouveau autorisées, et aident à relever le niveau.

Pour certains historiens (10), la première moitié du XIXe siècle a été décisive pour le développement d’une conscience nationale dans l’Ukraine orientale. L’intelligentsia a entrepris « l’étude » du folklore, du langage populaire et de l’histoire du pays. Des articles sur la vie et l’œuvre de l’icône de la culture de l’Ukraine, Taras Chevtchenko (1814- 1861), en témoignent. L’œuvre de ce grand écrivain et poète est considérée comme le symbole le plus marquant du réveil de l’esprit national ukrainien, à l’influence considérable. Son « Kabzar » est devenu le livre de référence de l’enseignement de la langue ukrainienne à la fin du XIXe siècle. Sa vie tourmentée a été partagée, de gré ou de force, entre l’Ukraine et la Russie. Dans ses poèmes, il a idéalisé les cosaques ukrainiens, fiers et braves, ainsi que les paysans révoltés… face aux ennemis héréditaires. Cette représentation imagée s’est imprégnée dans les esprits, aussi bien en Russie qu’en Ukraine, et n’a sans doute pas complètement disparu.

En 1846, s’est formée la « Confrérie de Cyrille et Méthode », dont Chevtchenko a pris la direction. Elle voulait promouvoir une future fédération des peuples slaves qui laisserait aux nationalités une entière liberté et une complète autonomie. Elle a été impitoyablement réprimée en 1847, et la vie littéraire de Chevtchenko en Ukraine a été interrompue plus de dix ans. De 1876 à 1905, l’impression d’ouvrages en ukrainien a été interdite.

Du côté occidental, en Galicie, l’emploi de l’ukrainien était toléré dans les écoles primaires. Mais, malgré la Constitution de 1860, les Ukrainiens n’avaient pas les mêmes droits que les autres nationalités de l’Empire austro-hongrois. Ils subissaient aussi la domination de riches aristocrates polonais ainsi que de citadins polonais ou juifs.

La guerre de 1914 -1918 : ravages et lourdes conséquences

L’Ukraine a été plongée jusqu’au cou dans la Première guerre mondiale qui a opposé les Empires d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, aidés par la Turquie et la Bulgarie, à la France et à la Russie, puis à d’autres « Alliés », la Belgique, l’Empire britannique, la Russie, le Monténégro, l’Italie, la Roumanie, la Grèce et enfin les États-Unis d’Amérique.

En 1914, les terres occidentales de Galicie, de Transcarpatie et de Bucovine appartenaient à l’Empire austro-hongrois. Le reste de l’Ukraine faisait partie de la Russie. Aussi, dès le début des hostilités, les combats ont enflammé le front Ouest du territoire, avec des alternances de victoires des armées antagonistes russes et austro-hongroises, les conquêtes puis les abandons des villes, reprises ensuite… telle Lviv, capitale de la Galicie.

Sur le front Sud-Ouest de la Russie, la Troisième et la Huitième armées russes étaient en grande partie formées de corps « ukrainiens » composés de divisions d’infanterie (surtout), ainsi que de brigades de fusiliers et de cavalerie : de Kiev, Jytomyr, Kharkov, Odessa, Vinnytsia, Sébastopol, Simferopol, Kuban. 4,5 millions d’Ukrainiens auraient servi dans l’armée russe… tandis que 250.000 à 300.000 Ukrainiens auraient combattu dans les armées austro-hongroises (11).

Avec une tournure défavorable aux armées tsaristes, la guerre s’est poursuivie jusqu’à la révolution russe de 1917, l’arrivée au pouvoir des Bolcheviks, l’armistice de Brest-Litovsk en décembre 1917, puis le traité de Bucarest le 7 mai 1918 entre les alliés germano-austro-hongrois et la Russie avec la Roumanie. Du côté russe, il y a eu 1,8 million de morts chez les militaires et 1,5 million chez les civils, ainsi que 5 millions de blessés et de mutilés.

Les changements sociaux entraînés par la guerre ont été considérables en Ukraine, du fait des nombres élevés des victimes, des invalides ainsi que des déplacés. Des réfugiés, des déportés, « de plus de vingt groupes ethniques » auraient été hébergés dans les régions orientales, hors des combats. Leur nombre aurait fluctué entre 420.000 et 1 million. Et plus de 600 000 prisonniers de guerre austro-hongrois et allemands seraient restés sur le territoire ukrainien (12). Non sans que tout cela provoque des conflits locaux. Pendant une grande partie du XXe siècle, les conséquences de la guerre ont été déterminantes pour l’Ukraine.

« Guerre civile »   et tentatives d’indépendance de 1917 à 1921

La période 1917-1920 a été très confuse. Des tentatives d’accession à l’indépendance, avec des rivalités et des revirements, ont débuté avant la fin de la guerre de 1914-1917, puis ont continué tandis qu’à l’Ouest, la Bucovine du nord était annexée par la Roumanie en novembre 1918, que sévissait la guerre soviéto-polonaise de 1919 à 1921, affectant l’Ukraine occidentale… et que jusqu’en 1920-1921, l’Est et le Sud du territoire étaient des champs de batailles entre les « Russes blancs », aidés par la France et le Royaume-Uni, et les troupes bolchéviques.

Au cours de la révolution russe, en mars 1917, une Rada centrale a été constituée à Kiev. Opposée au gouvernement bolchévique, elle a proclamé la « République populaire d’Ukraine » en novembre, sans la séparer de la Russie. Puis, en janvier 1918, elle l’a déclarée indépendante.

Entretemps, en décembre 1917, les Bolcheviks, qui avaient déjà investi l’Est industriel, le Sud et occupé d’autres villes au centre du pays, ont proclamé la « République soviétique d’Ukraine », avec Kharkov pour capitale. Après le traité de paix de Brest-Litovsk du 3 mars 1918 entre l’Allemagne et la Russie bolchévique, les troupes de cette dernière ont dû se replier; les Allemands ont occupé l’Ukraine et dissous la Rada. Ils ont aussi soutenu l’instauration d’un Hetmanat, qui est resté sous leur protectorat depuis avril jusqu’en décembre 1918. À sa suite, la République indépendante d’Ukraine a pu être rétablie et a duré jusqu’à octobre 1920.   Après d’âpres combats, les Bolchéviks ont vaincu les armées blanches à la fin de l’année 1920.   En mars 1921, à la suite du traité de Riga, la Pologne a obtenu la Galicie et une grande partie de la Volhynie. Des sabotages et des assassinats de fonctionnaires polonais par des nationalistes ukrainiens ont alors commencé. Pour sa part, la Russie soviétique a récupéré tout le reste du territoire ukrainien.   Au fur et à mesure de la reconquête du territoire par les troupes bolchéviques, la République soviétique d’Ukraine s’est étendue et, en 1922, une « République socialiste soviétique d’Ukraine » faisait partie de l’URSS.

Ukraine, province de l’URSS dans les tourments staliniens

Il était inutile de rêver d’indépendance ou d’autonomie sous Lénine, Trotski ou Staline. Dans leur système très centralisé, autoritaire et répressif, les « gouvernants » et les partis communistes des Républiques de l’URSS devaient obéir aux ordres venant d’en haut, et œuvrer à l’édification et à l’unification d’une puissante Union communiste. C’est pourquoi l’histoire de l’Ukraine des années 1920 jusquà1990 se lit en grande partie dans celle de l’URSS. Dès le début des années 1920, le pouvoir central a essayé, tambour battant, de collectiviser l’agriculture et l’élevage et de nationaliser les industries et les commerces. Les paysans, « koulaks » (paysans « riches ») en tête, se sont révoltés. La résistance a aussi fait chuter la production industrielle. La famine est apparue et l’économie s’est effondrée.   Double changement de cap, alors. La NEP (nouvelle politique économique) est venue donner plus d’autonomie aux paysans. C’était vital en Ukraine, où étaient produits les 4/5 des céréales de l’URSS. La décentralisation a été prônée et mise application. « L’ukrainisation » a dopé la culture ukrainienne. Les enfants et les adultes auraient été presque forcés à apprendre et à pratiquer l’ukrainien (13). Cela a soulevé trop d’espoirs chez d’optimistes autonomistes.   La centralisation a donc repris à partir de 1927, mettant sous le contrôle de Moscou l’agriculture en 1929, puis les banques, l’industrie lourde en 1933… et le maintien de l’ordre en Ukraine. La collectivisation des terres a provoqué la terrible famine de 1933, « l’Holodomor », qui a fait des millions de morts en Ukraine et dans d’autres Républiques. Les années 1930 ont aussi vu l’industrialisation forcenée de l’URSS et des réalisations « pharaoniques » dans le cadre des plus qu’ambitieux premiers plans quinquennaux, avec la glorification du « stakhanovisme ». La puissance industrielle et énergétique de l’Est de l’Ukraine en a « bénéficié ». Un gigantesque barrage et la plus importante centrale hydroélectrique d’Europe ont été édifiés sur le Dniepr à Zaporojie, favorisant le développement des industries minières et métallurgiques du bassin du Donbass où des usines géantes ont été construites.

Mais, Staline, voyant la montée de Hitler, savait qu’une nouvelle guerre contre l’Allemagne nazie approchait. Dès 1935, il a décidé de déplacer le cœur de l’industrie soviétique vers l’Est, l’Oural et la Sibérie. Des usines ont été « transplantées »… avec leur personnel qualifié et leurs familles. Il a aussi entrepris le « nettoyage » des futures lignes de front. En Ukraine, plus de 40.000 personnes des districts frontaliers de Kiev et de Vinnitsa ont été déportées.

Dès 1930, et pendant plus de vingt ans, Moscou a lancé de vastes opérations d’épuration dans toute l’URSS, menant la chasse aux « conspirateurs », aux « indépendantistes, aux « déviationnistes », aux « révolutionnaires » civils et militaires, aux « fascisto-trotskistes », aux « éléments socialement nuisibles », aux minorités ethniques jugées dangereuses… Procès « pédagogiques », aveux publics, « suicides », exécutions, déportations des « traîtres » et de leurs proches en Sibérie et dans l’Oural. Entre août 1937 et novembre 1938, pendant la « Grande Terreur » stalinienne, plus de 1,5 million de personnes ont été arrêtées, tuées ou déportées dans les camps du Goulag (14).

La « Grande guerre patriotique » et l’horreur nazie

De 1939 à 1945, le nombre de morts en Union soviétique a été estimé à près de 27 millions (Mi) de personnes, dont plus de 14 Mi de civils, auxquels il faut ajouter des millions de blessés et d’invalides. Pour sa part, sur 41,3 Mi d’habitants, l’Ukraine a eu à déplorer 6,85 Mi de morts (Polonais compris), dont 1,65 Mi de militaires et 5,2 Mi de civils. Et, « solution finale », sur les 1,5 Mi de Juifs que comptait le pays, les persécutions ont fait 900.000 morts (15).

Le nombre de morts en France de 1939 à 1945 a été évalué à 570.000, dont 220.000 militaires et 350.000 civils. La signature du Pacte germano-soviétique en 1939 a permis de différer l’entrée en guerre de l’URSS. L’invasion de la Pologne par les Allemands a aussi permis aux Soviets d’annexer la Volhynie occidentale et une grande partie de la Galicie. En juin 1940, cela a été au tour du Nord de la Bucovine (Roumaine). S’en sont suivies de brutales répressions conduites par le NKVD. En Ukraine, les cibles ont été les Tatars de Crimée, des citoyens d’origines polonaise et allemande, ainsi que de la bourgeoisie locale, en Galicie, mais aussi à Kiev, à Zaporojie, à Odessa… Entre septembre 1939 et juin 1941, 750.000 hommes et femmes de l’Ouest du pays auraient été tués ou déportés en Sibérie.

Lorsque l’Allemagne nazie a envahi par surprise l’URSS, le 22 juin 1941, les soviétiques ont reculé précipitamment et pratiqué la politique de la terre brûlée. Une grande partie de l’Ukraine a été conquise en quelque mois. Environ 2,5 millions de personnes ont été déportées en Allemagne pour travailler (16).

Des Ukrainiens ont accueilli la Wehrmacht en libératrice. Certains se sont engagés dans les forces de la police, d’autres dans les milices, dans les hiwis (auxiliaires volontaires) ou dans la légion ukrainienne, qui a été constituée en février 1941, surtout avec des membres de l’Organisation nationaliste ukrainienne, l’OUN. Ses deux bataillons (Roland et Nachtigal), armés par l’Abwehr, se sont illustrés par leurs exactions contre les populations et les juifs.

En octobre 1942, a été formée en Volhynie « l’Armée insurrectionnelle ukrainienne » (AIU), autre branche militaire de l’OUN. Luttant pour l’indépendance totale de l’Ukraine, elle a affronté la Wehrmacht, des résistants polonais, puis s’est tournée contre l’Armée rouge. Elle a survécu jusqu’en 1954. Populaire dans l’Ouest de l’Ukraine, elle suscite encore une vive controverse concernant les massacres des Polonais et des juifs en Volhynie en 1943.

En 1943, la Wehrmacht, en difficulté, a aussi formé une « Armée de libération de l’Ukraine » avec des hiwis et des prisonniers de guerre d’Ukraine orientale, qui aurait compté jusqu’à 80.000 volontaires.   Toujours en 1943, a été constituée une unité ukrainienne de la Waffen SS, la « division SS Galicie », placée sous commandement allemand. Ses recrues, volontaires, ont compté jusqu’à 27.000 hommes provenant de l’Ouest, de Lviv et Ternopil, en particulier. Elle a été anéantie lors de la bataille de Brody (près de Lviv) en juillet 1944. Au total, de 220.000 à 250.000 Ukrainiens ont combattu avec les Allemands contre les Soviets.

Au contraire, des milliers d’Ukrainiens ont rejoint les mouvements de résistance des partisans soviétiques. Pendant leur invasion du pays, les troupes allemandes se sont heurtées à une vive résistance. En représailles, elles ont brûlé des milliers de maisons de centaines de villages, avec leurs habitants, rasé des villes… et anéanti les Juifs.

D’entrée, la Wehrmacht a foncé vers les centres industriels du Dniepr et du Donbass. Elle a pu s’emparer de Kryvyi-Rih, de Dniepropetrovsk, de Zaporojie, de Donetsk, de Marioupol sur la mer d’Azov… entre août et octobre 1941. Plus à l’Est, Louhansk a été prise en juillet 1942… et n’a été occupée que pendant 6 mois. L’Est et le Centre de l’Ukraine, jusqu’à Kiev, ont été repris par les Soviets avant la fin de l’année 1943.

Les ports sur la mer Noire, Odessa et Kherson, ont rapidement été investis par les troupes germano-roumaines. En Crimée, la forteresse de Sébastopol a résisté à plusieurs assauts avant de tomber en juillet 1942 et d’être rasée.

Ces régions maritimes ont été libérées au printemps et à l’été 1944, comme celles de l’Ouest du pays. Après la victoire de l’URSS, la Pologne a cédé à l’Ukraine la Volhynie et la Galicie, la Tchécoslovaquie lui a cédé la Transcarpatie, et la Roumanie, la Bucovine. Dans nombre de villes que les Allemands et les Roumains ont occupées, les Juifs ont été enfermés ou se sont repliés dans des ghettos et ont été persécutés. En juin 1941, à Lviv, les nationalistes ukrainiens ont commencé les pogroms, les emprisonnements et les déportations. En août 1942, plus de 65.000 juifs avaient été déportés du Ghetto et exterminés. Dans l’Ouest, il a aussi eu des ghettos à Tchernivtsi, à Moguilev-Podolski (camp de transit), à Vinnytsia, où Hitler avait installé un poste de commandement en 1942. Sur la mer Noire, Odessa a été martyrisée de 1941 à 1944 par les Roumains. Des 133.000 juifs recensés en 1926, il n’en restait plus que 703 le 10 avril 1942. 100.000 d’entre- eux auraient été tués par les Roumains et les Allemands… avec des aides de populations locales (17). J’ai un peu insisté ici sur ces événements dramatiques, car en Europe de l’Ouest nous n’avons pas connu une si monstrueuse sauvagerie à grande échelle. C’est aussi parce qu’ils ne sont visiblement pas oubliés en Ukraine.   On peut trouver de nombreuses précisions à la lecture (rapide) des vingt-six articles sur Wikipédia qui contiennent des résumés des histoires des capitales des vingt-six oblasts (districts administratifs) actuels.   À la fin de la guerre, on comptait 10 millions de sansabris, 700 villes et 2800 villages détruits. 20 % des entreprises industrielles et 15 % des équipements agricoles étaient en état de marche. Les infrastructures et les réseaux de transport étaient endommagés. Les pertes matérielles auraient constitué environ 40% du patrimoine national (16).

Du stalinisme à la « perestroïka »   puis à l’indépendance

La reconstruction, la modernisation et la relance de l’économie ainsi que l’unification et la pacification de l’URSS étaient des priorités auxquelles Staline s’est attelé à sa façon autoritaire et brutale presque jusqu’à sa mort en 1953.   Dès 1950, l’industrie lourde a retrouvé son niveau d’avant-guerre. Mais, en raison du rejet de la collectivisation, de la sécheresse ainsi que du refus des Autorités de puiser dans les stocks de sécurité de céréales, une grande famine a sévi en 1946-1947, faisant entre 1 et 1,5 million de victimes et touchant particulièrement les paysans ukrainiens.   Le parti communiste d’Ukraine (PCU) et la police secrète ont repris le contrôle sur les populations. Sous l’influence de Khrouchtchev, les purges dans le parti ont été modérées. Mais les goulags de Sibérie ont encore été « approvisionnés» avec des écrivains, des artistes, des scientifiques qui s’étaient exprimés trop librement. La « soviétisation » de l’Ukraine occidentale a ranimé des oppositions, notamment des combattants de l’AIU et de l’Église catholique. Environ 1 million de « récalcitrants » et de « déviants » auraient été déportés entre 1944 et 1952. Un dégel est intervenu en URSS lorsque Nikita Khrouchtchev a pris les rênes au Kremlin (jusqu’en 1964). et une certaine libéralisation a commencé, toujours dans l’optique d’une unification de l’Ukraine avec la Russie. Signe de cette amélioration, la péninsule de Crimée a été transférée de la RFSS de Russie à celle d’Ukraine en 1954. Des pas ont été faits vers plus de décentralisation dans l’administration et dans l’économie. La terreur de masse a diminué dès 1953, et en 1955-1956 une amnistie a libéré une grande partie des détenus du Goulag. Un tournant décisif a été pris en 1956 lorsque Khrouchtchev a dénoncé devant le XXe Congrès les excès du stalinisme et a entrepris la déstalinisation. L’URSS et ses satellites ont été secoués, les poussées centrifuges se sont démultipliées. On se souvient des soulèvements de Poznań en Pologne et de Budapest, réprimés dans le sang. En Ukraine, des écrivains et des historiens ont été réhabilités, honorés et ont pu reprendre leurs travaux. Cette relative liberté a été de courte durée. La russification a repris dans les écoles et la société. En 1961 Khrouchtchev a même inventé le concept de « deuxième langue maternelle» pour les Ukrainiens non russophones.

Après plusieurs vagues de répression des « dissidents » entre 1965 et 1972, des purges au sein du PC de l’Ukraine et des expulsions ont encore eu lieu en 1973-1975. Même la signature en 1975 par l’Union soviétique des accords d’Helsinki sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a donné lieu qu’à un court répit. L’incarcération dans des « institutions » psychiatriques est venue s’ajouter aux goulags et à l’exil. En fait, il a fallu attendre la « perestroïka » pour que les choses changent profondément et durablement.

Au cours des années 1970 et 1980, les performances des industries minières et sidérurgiques ont faibli. Les progrès ont été décevants aussi dans l’agriculture, peu aidée par le pouvoir, soumise à une gestion centralisée inefficace des fermes collectives et confrontée à des sécheresses répétées. De nombreuses centrales nucléaires ont été implantées, dont une partie sur le même modèle que la centrale de Tchernobyl, connue pour l’effroyable « accident » de 1986. La catastrophe a fait naître un mouvement écologique qui est ensuite devenu une force politique.

Devant l’échec retentissant du système économique soviétique, Mikhaïl Gorbatchev a engagé l’URSS en 1986 dans une réforme capitale: la perestroïka (réorganisation) économique, accompagnée de la « glasnost » (transparence) pour rompre avec les mauvaises pratiques du passé. La porte a été entrouverte au « libéralisme économique ».   En Ukraine, la liberté d’expression a favorisé le renouveau national et une plus large diffusion de la langue ukrainienne, très délaissée au profit du russe. En 1989, une loi a donné à l’ukrainien le statut de langue nationale. Le clergé catholique n’est pas resté inactif et a rompu les liens (forcés) avec l’Église orthodoxe russe.

La perestroïka et la glasnost ont précipité la mobilisation sociale des Ukrainiens et un foisonnement politique nationaliste, qui a contesté le monopole et la domination du Parti communiste d’Ukraine (PCU). Une « Union ukrainienne d’Helsinki » s’est déclarée, prônant l’évolution de l’URSS vers une confédération d’états souverains. Et, en 1989, l’Union des écrivains a fondé le Mouvement national ukrainien, le « Roukh ». Le premier secrétaire du PCU a alors dû composer avec ces mouvements.

De premières élections à un nouveau Parlement ukrainien ont été organisées en mars 1990, consacrant la fin du monopole du PCU et ouvrant la voie à une gouvernance plus démocratique. Sous la pression populaire, l’action du Roukh, et après les échecs de Gorbatchev pour juguler les poussées centrifuges en URSS, le Parlement ukrainien a proclamé l’indépendance le 24 août 1991. Elle a été validée par le référendum du 1er décembre de la même année.

(1) « Les origines de la Russie, jusqu’en 882 » (bessuire-ryazan.fr) + fr.wikipedia.org/wiki/Rus’ de Kiev. (2) « Sous le joug des Tatars…» in « La Russie des Tsars » par Pierre Gonneau, sur le site http://www.histoire.presse.fr. (3) fr.wikipédia.org/wiki/Horde_d’or : « Chronologie des incursions mongoles en Russie.»   (4) fr.wikipedia.org/wiki/Khanat_de_Crim+wiki/Tatars_ de_Crim. (5) « Ukraine, données historiques » : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/ europe/ ukraine-2histoire. (6) Trois autres sources également ici, sur Wikipédia : « Histoire de la Pologne », « Chronologie de la Pologne et Histoire de la Lituanie ». (7) « Histoire de l’Ukraine » (fr.wikipédia.org). (8) Encyclopédie Larousse en ligne, « Ukraine : histoire, Histoire de l’Ukraine » + « Hetmanat cosaque », sur Wikipédia. (9) Mêmes sources + « Nouvelle Russie » – Wikipédia et axl. cefan.ulaval. ca/europe). (10) Encyclopédie « Larousse » en ligne. (11) Encyclopédie Internationale de la Première guerre mondiale. (12) Encyclopédie « Larousse » en ligne + Wikipédia : « République populaire ukrainienne ». (13) « L’Ukraine des origines à Staline », Benoist-Méchin. (14) « Les crimes de masse sous Staline », Nicolas Werth. (15) Erickman 2004 (source peu contestée).   (16) « Ukraine », Encyclopédia Universalis. (17) Musée américain sur l’holocauste.

Autres documents et sources consultés non signalés : « L’Ukraine existe-t-elle ? », L’Histoire. Archive « Atlas Larousse : « Grande Encyclopédie Larousse – Ukraine ». de l’Ukraine », François de Jabrun, http://www.diploweb.com. Sur différents sites de Wikipédia : « Ukraine, Invasions des Tatars de Crimée en Russie » ; « Ottoman Empire », 16-17th century-fr – « Turquie » ; Taras Chevtchenko, « Ucrania 1793 1914 » -« Histoire de l’Ukraine », « Mobilisation russe de 1914, front de l’Est (Première Guerre mondiale) », « République populaire ukrainienne », « République socialiste soviétique d’Ukraine ». « Les crimes de masse sous Staline (1930-1953) », Encyclopédie des violences de masse.

http://www.academie-gaullisme.fr