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Une semaine après sa grosse bourde berlinoise et au surlendemain de sa petite bourde réunionnaise, Manuel Valls était à la fois soucieux de redorer sa propre image, de rappeler qu’il est un homme, un vrai, déterminé, musclé, viril.
Dominique Jamet


Le Premier ministre a donc dégainé pour la deuxième fois cette année le fameux article 49-3. Une semaine après sa grosse bourde berlinoise et au surlendemain de sa petite bourde réunionnaise, Manuel Valls était à la fois soucieux de redorer sa propre image, de rappeler qu’il est un homme, un vrai, déterminé, musclé, viril, d’en finir avec une discussion qui s’éternisait et de faire adopter l’ensemble de mesurettes pour la plupart d’inspiration libérale qui ont la faveur du MEDEF et hérissent ceux des socialistes qui ont encore le cœur à gauche.

À l’aune des violences qui ensanglantent deux continents, du déferlement des migrants sur les rivages de la vieille Europe, de l’imminence du « Grexit » et de la poursuite de la politique imbécile qui asphyxie la France, on mesure l’immensité de l’enjeu soumis au Parlement : nous allons enfin savoir s’il est permis ici et là d’ouvrir sept ou douze dimanches par an ou s’il est possible de choisir entre l’autocar et le train pour aller de Saint-Flour à La Ferté-Saint-Aubin.

L’opposition, dans son rôle, hurlera à la mort et rappellera que ni sous Sarkozy, ni sous Chirac, ni sous Jospin le gouvernement n’avait eu recours à cette procédure exceptionnelle. Mais pourquoi y recourrait-on en effet lorsque l’on a à sa botte une majorité de godillots qui marchent au pas ? Michel Rocard, que l’Histoire n’inscrira pas sur la liste noire des dictateurs, l’avait au contraire abondamment utilisée, faute de disposer d’une telle majorité. Les autoproclamés « Républicains » et les frondeurs dénonceront le stratagème qui fait passer à la trappe les quelque mille amendements que les uns et les autres avaient l’intention de soutenir et coupe court à tout débat.

Soyons sérieux. Un passage en force n’est pas un coup de force et moins encore un coup d’État. Qu’est-ce que le 49-3 ? Une facilité, une commodité ouverte à l’exécutif par la Constitution. Rien de plus, rien de moins. Il n’est ni inscrit dans la loi fondamentale, ni exigé par la raison, ni constitutif d’un système démocratique qu’un gouvernement ait l’obligation de corriger, d’amender ou de retirer un texte, quel qu’il soit, qui ne recueille pas l’unanimité. Et il n’y a rien à redire là-dessus, dès lors que le législateur détient de son côté l’arme absolue de dissuasion qu’est la possibilité de renverser ledit gouvernement.

Dès lors que celui-ci engage sa responsabilité sur un texte – ce qui est le cas -, les députés qui ne veulent pas de ce texte ont le choix entre deux hypothèses – et deux solutions. Ou bien ils considèrent que, tout compte fait, le jeu ne vaut pas la chandelle et ils s’inclinent, ou bien ils estiment que des valeurs, des principes, des orientations essentiels sont en cause et ils en tirent les conséquences. La motion de censure est l’arme absolue que la Constitution de 1958 a mise à la disposition de l’Assemblée nationale. Si celle-ci ne l’a utilisée qu’une fois, en 1962, il y a plus d’un demi-siècle et si, de ce fait, sa capacité de dissuasion a progressivement perdu sa crédibilité, les parlementaires n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Rien n’empêche les farouches détracteurs de la droitisation du gouvernement Valls de déposer et de voter une motion de censure à laquelle, dans le contexte actuel, la droite se ferait une joie d’adhérer, ce qui aboutirait quasi automatiquement à une dissolution et à l’arbitrage du pays. Rien ne les en empêche, si ce n’est une appréciation réaliste du risque encouru, apparemment trop grand pour eux, et la crainte des conséquences d’un vote négatif. Les postures avantageuses ne sont que des poses pour la galerie, les grandes envolées lyriques sur le dessaisissement du Parlement ne sont que des cris d’orfraie. Ce n’est jamais en vain que les gouvernements de la Ve ont spéculé sur la lâcheté des élus du peuple.

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas