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Adrià Budry Carbó et Mathilde Farine

Entre la Grèce et l’UE, un bras de fer omniprésent dans la presse. Aujourd’hui, une sortie de la zone euro n’est plus taboue. (Louisa Gouliamaki/AFP Photo)

Entre la Grèce et l’UE, un bras de fer omniprésent dans la presse. Aujourd’hui, une sortie de la zone euro n’est plus taboue. (Louisa Gouliamaki/AFP Photo)

Officiellement, personne ne veut parler d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Mais les négociations sont dans l’impasse et les économistes relativisent le coût d’un retrait

Alors que les négociations entre la Grèce et ses créanciers restent dans l’impasse, la possibilité d’un défaut ou d’un «Grexit» n’est plus tout à fait tabou. Officiellement, tout le monde l’exclut, l’Allemagne en tête. Mais certaines petites phrases, comme celle du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, incitant la Grèce à envisager le retour à son ancienne monnaie, indiquent que les volontés de maintenir la zone euro quoi qu’il arrive faiblissent. Pour les économistes, l’hypothèse doit être envisagée sérieusement. Il y a même une probabilité de 30 à 40% que le risque d’une sortie de la Grèce de la zone euro se matérialise, explique UBS dans une étude publiée mardi.

Pour certains, c’est même le «meilleur scénario pour l’économie européenne»: «Depuis deux ans, on ne fait que repousser l’échéance. Tout le monde perd de l’argent. Qu’un aussi petit pays ait autant d’impact sur le cours d’une monnaie qui compte 19 membres n’a pas de sens», explique l’analyste d’IG Bank Laurent Bakhtiari. Samy Chaar, chef économiste de Lombard Odier, ne partage pas cet avis. Mais il relativise: «D’un point de vue financier et économique, la Grèce ne représente plus une menace systémique pour la zone euro.» Il prend pour argument la part de plus en plus faible des investisseurs privés dans la dette grecque. «De 270 milliards d’euros au plus fort de la crise, avant la première restructuration, les créanciers privés, notamment les banques, n’en détiennent plus que 35 milliards», explique-t-il. Plus de quoi ébranler le secteur financier donc.

Car ce sont les Etats, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international qui détiennent aujourd’hui l’essentiel de la dette. C’est donc indirectement le contribuable qui souffrirait d’une banqueroute totale d’Athènes. En particulier s’il est Français ou Allemand puisque ces deux pays détiennent à eux seuls 99 milliards sur un total de 184 prêtés par les pays de la zone euro. La banque ING, qui a fait les calculs pour la Belgique, estime qu’un défaut total – qu’elle juge cependant «hautement improbable» – coûterait l’équivalent de 609 euros par contribuable.

Ces calculs ne tiennent cependant pas compte des effets éventuels de contagion dans d’autres pays de la zone euro. Les taux d’intérêt des obligations italiennes et espagnoles montrent d’ailleurs une hausse ces derniers jours, signe que les investisseurs s’inquiètent de l’impasse des négociations. Pour Samy Chaar, une sortie de la Grèce représenterait «une atteinte à la notion de convergence économique et financière qui est fondatrice de la zone euro». Il note cependant que «les initiatives mises en place ces dernières années en Europe, comme le Mécanisme européen de stabilité, ou les interventions de la BCE pourront limiter les risques de contagion». De même, l’effet sur le commerce européen serait limité, le pays étant une économie relativement fermée dont seulement 25% du PIB est lié à l’exportation ou à l’importation. «Pour l’Allemagne, les exportations vers la Grèce ne représentent que 0,2% de son total», poursuit l’expert.

Si le danger est limité pour l’Europe, la situation ne serait pas facile pour autant pour Athènes. «La conséquence la plus probable d’un retour à la drachme serait une dévaluation. Le Grèce ne pourrait pas rembourser ses dettes et on pourrait vivre une hyperinflation du type de celle qu’a vécue l’Argentine en 2001 avec une banque centrale qui n’arrive plus à imprimer assez vite», prévient Laurent Bakhtiari.

Des mesures sont toutefois envisagées pour éviter ce «scénario du pire». Faute d’accord sur la dette souveraine, un contrôle des mouvements de capitaux pourrait être mis en place dès la semaine prochaine pour éviter une fuite des capitaux. C’est du moins ce qu’avance la Süddeutsche Zeitung qui s’attend à des restrictions identiques à celles imposées à Chypre en 2013.

L’hypothèse d’un «Grexit» est dans l’air depuis plus de trois ans. Une équipe d’officiels européens de très haut niveau et du FMI avait même été sélectionnée pour mettre au point un plan de secours au cas où la Grèce décidait de quitter la zone euro. Selon le Financial Times, qui raconte les dessous de ce «plan Z», tenu tellement secret qu’il n’a été mentionné dans aucun document ou e-mail pour éviter toute fuite, les actions d’urgence – couper l’accès aux distributeurs de billets et instaurer des contrôles de capitaux – et la reconstruction de tout le système financier grec de zéro sont planifiées.

http://www.letemps.ch