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François Fillon ne vend pas du rêve, mais défend un programme de rupture. Photo © AFPDéfense des chrétiens d’Orient, place de la France et de l’Europe dans le monde, échec du quinquennat de François Hollande, solutions puissantes pour relancer la France … mes analyses à lire cette semaine dans valeurs actuelles.
Extraits :
Le 23 juin, vous organisez une soirée en faveur des chrétiens d’Orient. Pourquoi avez-vous fait de leur défense un combat prioritaire et que faut-il faire selon vous pour leur venir en aide ?
A cinq heures d’avions de Paris, on égorge, on vend des femmes sur les marchés, on détruit des églises. La cause des chrétiens d’Orient, c’est celle de la liberté, de la tolérance. Qu’on soit chrétien ou non notre devoir est de défendre leur place au Proche Orient. Leur persécution est un des symptômes de la crise mondiale que nous affrontons et qui constitue une menace majeure pour l’Europe. La destruction des États du Proche Orient et la montée du totalitarisme islamique conduisent à une radicalisation pseudo religieuse qui marque un terrible retour en arrière. Nous allons vers des États sunnites, des États chiites et un État juif. Dans ce contexte il n’y a plus de place pour les chrétiens ni pour la diversité et la tolérance. L’ONU est quasiment muette sur le sujet, les habituels défenseurs des droits de l’homme qui manifestent chaque fois qu’une population est menacée dans le monde, sont aux abonnés absents. La défense des chrétiens d’Orient passe par une large alliance internationale contre l’Etat islamique en Irak et ses complices. Si on veut sauver les chrétiens d’Orient il faut éradiquer l’Etat islamique.
Vous parlez d’éradiquer l’Etat islamique. Or jour après jour, il gagne du terrain en Irak et en Syrie quand la coalition n’enregistre que de maigres succès. Ne faut-il pas revoir notre stratégie ?
La stratégie actuelle de lutte contre l’Etat islamique au Levant et en Irak ne peut pas réussir telle qu’elle est engagée parce qu’elle repose, pour l’essentiel, sur des bombardements, des opérations aériennes, éventuellement sur des interventions de forces spéciales. Cela permet de donner de l’oxygène aux combattants irakiens en particulier sur le terrain, mais cette stratégie est condamnée à piétiner. Elle ne peut pas régler le conflit syrien. Or le conflit Syrien est une sorte de cancer qui métastase dans l’ensemble de la région. Pour éradiquer l’Etat islamique, je préconise un changement de stratégie en Syrie.
Faut-il que Bachar el-Assad soit associé à la coalition ?
Il faut parler à tout le monde, à tous ceux qui sont en mesure de nous aider à aboutir à la destruction de cet adversaire. Bachar el-Assad a tout d’un dictateur et il n’est pas l’avenir de la Syrie, mais la paix passera par un dialogue avec son régime. Nous nous sommes trompés en ne voyant dans la crise syrienne qu’une révolte populaire pour la démocratie. Nous avons voulu calquer nos schémas occidentaux sur cette région. Nous devrions pourtant être instruits par le passé. En misant comme on l’a fait sur une chute de Bachar el-Assad, on a laissé se développer une crise qui est le principal réacteur du fondamentalisme de la région. Nous avons commis une faute. Car au fond, qu’avons-nous apporté au Proche-Orient depuis la fin de la seconde guerre mondiale sinon le désordre. Maintenant le danger est immense et il s’étend géographiquement. Il justifie une coalition qui associe tous les pays du Proche-Orient, l’Europe, les Etats-Unis, mais aussi la Russie et l’Iran. Ne pas associer l’Iran et la Russie, c’est se priver de toutes possibilités de résoudre cette crise.
La Libye est à son tour gagnée par le totalitarisme islamique ? Ne faut-il pas y voir malheureusement l’une des conséquences de l’intervention française que vous aviez décidée ?
En Libye, nous n’avions pas le choix. Il s’agissait d’une urgence humanitaire. Si nous avions laissé mourir les centaines de milliers d’habitants de Benghazi, nous aurions été à juste titre accusés de non-assistance à personne en danger. Mais la situation libyenne, après l’Afghanistan ou l’Irak, montre bien qu’il n’est pas possible de bruler les étapes et de décider de l’avenir d’un peuple à sa place. Nous ne sommes plus au temps de la colonisation où l’occupation était la suite logique de la guerre. En 1991, le président Bush a stoppé l’invasion de l’Irak en cours pour ne pas avoir à occuper ce pays. Il a eu raison et cet exemple aurait dû inspirer son fils et nous inspirer notamment en Libye où je rappelle que l’objectif que nous avait assigné l’ONU était seulement d’empêcher les avions de Kadhafi de voler afin de protéger les populations civiles de Benghazi. Malheureusement, les choses se sont emballées.
La Russie peut-elle être tenue plus longtemps à l’écart de la coalition et des négociations ?
La nouvelle guerre froide dans laquelle nous nous sommes laissé entrainer n’a pas de raison d’être. Elle est dangereuse. Dans la crise Ukrainienne, les responsabilités sont partagées. La Russie viole le droit international en intervenant dans ce conflit et en annexant la Crimée, même si personne ne peut nier qu’elle ait des droits historiques sur ce territoire. L’Europe, quant à elle, aurait dû comprendre que la signature d’un accord d’association exclusif avec l’Ukraine alors même que tous les efforts de coopération économique avec la Russie étaient gelés était une erreur lourde de conséquences. Mais la responsabilité la plus élevée incombe aux Etats-Unis qui n’ont eu de cesse d’étendre leur alliance militaire à tous les pays qui entourent la Russie. C’est contraire aux engagements pris au moment du démantèlement de l’URSS. C’est surtout un terrible contre sens. L’OTAN est née de la guerre froide. L’étendre jusqu’aux portes de la Russie ne pouvait que relancer la guerre froide ! Poutine ne répond pas à tous les critères de la démocratie occidentale, c’est un fait. Les dirigeants chinois non plus ! Je m’étonne toujours des différences de traitement, toujours révérant envers la Chine, intransigeant envers la Russie. Pourquoi les uns seraient fréquentables quand les autres ne le seraient pas ! C’est une erreur grave. Le général de Gaulle, en décembre 1944 avait déclaré que « Pour la France et la Russie être unies, c’est être fortes, se trouver séparées, c’est se trouver en danger ». Cette formule est toujours valable aujourd’hui. Nous avons besoin d’une Russie stable et si possible arrimée à l’Europe. Or notre position conduit exactement au contraire. Elle conduit à une crispation du pouvoir russe, elle le conduit à nouer des relations économiques de plus en plus fortes avec les Chinois alors même que ce sont des pays qui entretiennent des relations difficiles. La France aurait dû prendre des initiatives compte tenu de son histoire, de sa tradition diplomatique, de la qualité de ses relations avec la Russie. François Hollande ne l’a pas fait.
Fallait-il livrer les Mistral à la Russie ?
La non livraison des mistrals est une erreur économique et politique. D’abord parce que c’est le symbole d’une rupture de confiance et ensuite parce qu’elle coutera cher à la France qui n’en a pas besoin. Mais c’est surtout une mesure que nous sommes seuls à prendre. J’aimerai qu’on me cite un sacrifice que les américains ou les autres pays européens font à travers la mise en œuvre des sanctions.
Vous évoquez le rôle des Etats-Unis. Est-ce qu’un rééquilibrage de notre politique étrangère n’est pas nécessaire ?
Il y a une forme d’emprise des Etats-Unis sur l’Europe qui n’est plus acceptable et qui ne correspond ni à l’état des forces, ni à la réalité du monde. Cette domination est d’abord la conséquence d’une impuissance européenne. Les Européens doivent assumer leur indépendance.
Comment se traduit cette domination ?
Le dollar règne en maître sur le monde. C’était parfaitement compréhensible au lendemain de la seconde Guerre Mondiale mais cela ne correspond plus à la réalité du monde. La monnaie Européenne a été créée pour nous donner la possibilité de nous émanciper de la tutelle du dollar. Il faut aller jusqu’au bout de cette ambition. Ce qui n’a pas été fait. Aujourd’hui la quasi-totalité des transactions dans le monde se font en dollars. A travers cette suprématie du dollar les Américains exportent et imposent leur législation. L’Europe devrait se révolter. L’amende qui a été infligée à la BNP est, sur le plan du droit international, incompréhensible. Il s’agit de transactions qui n’ont rien à voir avec les Etats-Unis, qui n’engagent pas ses intérêts directs. Comment peut-on accepter qu’une banque Européenne se fasse imposer une amende de 9 milliards de dollars ? Rien n’interdisait à la BNP de libeller les contrats qu’elle faisait en euros. Elle a tout à fait la possibilité de le faire. Mais si une grande banque internationale essaie de s’émanciper du dollar, elle est immédiatement black listée aux Etats-Unis et fait l’objet de toute une série de procédures pour la mettre à genoux.
Que préconisez-vous ?
Les établissements financiers et les acteurs économiques ne peuvent pas se rebeller contre cette domination du dollar. C’est du ressort des Etats de l’union européenne. C’est pourquoi il convient d’imposer l’euro comme une monnaie de règlement et une monnaie de réserve. L’Europe a d’autant plus intérêt à le faire et à le faire vite que la Chine est en train de revendiquer pour le Yuan la place de monnaie de réserve.
Quel jugement portez-vous sur la politique étrangère que mène François Hollande ?
La politique étrangère de François Hollande est opportuniste et « court-termiste ». Elle n’a pas de vision et contribue à affaiblir l’influence française dans le monde. Aujourd’hui, la France se range dans un camp. S’agissant du proche Orient, elle se range derrière les sunnites, ce qui la prive du rôle d’interlocuteur pour trouver des solutions. Cette politique rompt avec une longue tradition française, équilibrée et indépendante, qui permettait de parler avec tout le monde. Pire, en montrant une forme d’intransigeance dans la signature de l’accord de paix avec l’Iran, la France se met hors-jeu durablement !
N’est-il pas problématique que Bernard Henri Levy apparaisse aujourd’hui, comme sous le précédent quinquennat, comme un ministre des affaires bis ?
C’est la responsabilité du président de la République que de se laisser influencer par des personnes qui ont une vision qui n’est pas forcément l’intérêt de la France.
Restons fidèles aux fondamentaux de la politique étrangère française. Je ne dis pas qu’elle ne doit pas évoluer en fonction de l’évolution du monde, mais elle a été fondée, en particulier par de Gaulle, sur l’idée que la France est un pays indépendant qui, par la qualité de ses relations avec l’ensemble des acteurs mondiaux, est en mesure d’apporter des solutions et de peser dans les conflits. A partir du moment où l’on se range dans le camp du politiquement correct et d’une certaine mouvance américaine, on perd toute espèce de capacité de peser dans le monde. On perd de l’influence. On redevient un pays de 65 millions d’habitants. Alors que, quand on a une politique étrangère indépendante et autonome, on est la France avec son histoire, sa culture, son message et son droit de veto.
Ne trouvez-vous pas choquant que François Hollande qui multiplie les déplacements se conduise comme s’il était déjà en campagne pour sa réélection ?
Je ne suis pas sûr que son tour de France soit très productif. Ce qui est certain, c’est que le quinquennat est fini. François Hollande est dans une situation politique où il est incapable de faire des réformes structurelles. Que retiendra-t-on de ce quinquennat ? Qu’il se termine avec plus de six millions de personnes qui sont demandeurs d’emploi, avec deux millions de jeunes, qui ne sont ni à l’école, ni en formation ni dans un emploi, deux millions de jeunes qui sont nulle part, dans la rue, sacrifiés. Ils sont une bombe à retardement pour notre pays, tout comme ces agriculteurs et ces artisans qui sont de plus en plus nombreux à être incapables de se payer un euro de salaire à la fin du mois compte tenu du poids des charges de la fiscalité.
Le 18 juin, vous serez à Londres. Cameron est-il source d’inspiration pour vous ?
Cameron a été réélu parce qu’il a réussi à redresser l’économie britannique. Le Royaume-Uni connaît un taux de croissance record en Europe. Il est proche du plein emploi. La plupart des commentateurs, notamment en France, considéraient qu’il serait battu parce qu’il manquait de charisme et de vision. La formule habituelle en France est « il faut faire rêver les Français ». Cameron, lui, ne fait pas rêver les Anglais, mais il apporte des réponses concrètes aux questions qu’ils se posent. Cela devrait faire réfléchir les responsables politiques français. Il faut apporter des solutions, de l’efficacité, du pragmatisme plutôt que du rêve, des visions, des postures.
l’entretien intégral : http://www.valeursactuelles.com/fillon-contre-attaque-53705