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Une fois encore, le parti qui arrive largement en tête du scrutin de ce dimanche est celui des sceptiques, des écœurés, des dégoûtés : 58 % d’abstentions.
Dominique Jamet,Journaliste et écrivain


En mars 2014, la défaite du député socialiste Alain Rodet, maire de Limoges depuis 1990, face à un concurrent divers droite jusque-là inconnu au bataillon, avait été une surprise et l’un des événements des municipales. Tantôt au profit des communistes, tantôt à celui des socialistes, la capitale de la porcelaine n’avait jamais échappé à la gauche depuis 1912.

Ce dimanche, à l’occasion d’une élection partielle, Clichy-la Garenne, bastion de la gauche depuis cent sept ans, est tombée dans l’escarcelle des « Républicains » 1. C’était la dernière ville détenue par le PS dans le département des Hauts-de-Seine.

Des circonstances particulières expliquent en partie ce résultat. Gilles Catoire, aux commandes de la ville sans interruption depuis 1985, avait renoncé à se représenter. Une autre figure locale, Didier Schuller, s’était également retirée de la compétition. Didier Schuller, on s’en souvient peut-être encore, avait par deux fois fait parler de lui, d’abord lorsque, bénéficiaire d’un vrai-faux passeport obligeamment délivré par les services de Charles Pasqua, il était allé faire oublier sous le ciel toujours bleu des Bahamas sa rocambolesque tentative de corruption du beau-père du juge Halphen, puis lorsque, plus banalement, il avait été condamné à cinq ans de prison (réduits par la suite à deux) et à l’inéligibilité pour avoir fait financer ses campagnes par des entreprises du bâtiment des Hauts-de-Seine. Bien décidé à faire main basse sur Clichy, cet honnête homme avait au dernier moment jeté l’éponge.

C’est donc Rémi Muzeau qui l’a finalement emporté par le score sans appel de 58 % après avoir, avec 48 % des voix, frôlé l’élection dès le premier tour.

Qui est l’heureux élu des Clichois ? Un vrai « Républicain ». Adhérent de la première heure du RPR puis de l’UMP, conseiller départemental depuis mars dernier, M. Muzeau est également, est d’abord le suppléant à l’Assemblée nationale et l’un des plus proches amis de M. Patrick Balkany, inamovible député-maire de Levallois qui n’a pas manqué de venir féliciter en voisin et en parrain le vainqueur.

Trois leçons sont à tirer de cette partielle. La première est évidemment la confirmation de l’effritement constant et en voie d’accélération du socialisme municipal. Le basculement de Clichy succède aux raclées subies par le PS aux européennes et aux départementales, et présage de ce que seront les régionales de décembre, en attendant la suite.

La deuxième leçon, huit jours après le triomphe de Mme Ceccaldi-Raynaud à Puteaux, est que, si « républicaine » qu’elle soit devenue, l’ex-UMP n’est pas allée jusqu’à purger ses rangs d’un certain nombre de chevaux de retour dont le curriculum vitae et le comportement font honte à la démocratie et que, n’ayant pas d’autre choix et n’y voyant pas plus loin que le bout de leur haine des socialistes, il se trouve encore une majorité de votants pour entériner les candidatures qu’on leur propose et s’enliser dans les ornières d’une détestable alternance.

La troisième est que de plus en plus nombreux sont les électeurs qui n’ont plus envie de jouer le petit jeu des vieux partis et de leurs combines, qui désertent désormais les urnes même lorsqu’il s’agit de leur vie quotidienne, de leur commune et de leur maire. Une fois encore, le parti qui arrive largement en tête du scrutin de ce dimanche est celui des sceptiques, des écœurés, des dégoûtés : 58 % d’abstentions. Les mal élus de Clichy et d’ailleurs ne seraient pas mal avisés d’avoir le triomphe modeste.

  1. « Les Républicains » : tel est le sobriquet sous lequel se présente désormais l’UMP.