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Mehdi Atmani et Richard Werly

Les documents classés «Top Secret» selon la classification du FBI se constituent de cinq rapports de l’Agence de renseignement américain (NSA) rédigés sur la base des «interceptions des communications». (Reuters)

Les documents classés «Top Secret» selon la classification du FBI se constituent de cinq rapports de l’Agence de renseignement américain (NSA) rédigés sur la base des «interceptions des communications». (Reuters)

Des documents confidentiels diffusés par le site de Julian Assange révèlent que Washington a espionné – entre 2006 et 2012 – les conversations des trois derniers présidents français. En réaction, un conseil de défense se réunit ce mercredi matin à l’Elysée à partir de 9 heures. Hasard du calendrier, c’est aujourd’hui que les députés français votent la version définitive du projet de loi sur le renseignement

WikiLeaks fait trembler la République. Des documents confidentiels diffusés par le site de Julian Assange et dévoilés par les médias français Libération et Mediapart révèlent que Washington a espionné les conversations de trois présidents français entre 2006 et 2012. Soit Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Les documents classés «Top Secret» selon la classification du FBI se constituent de cinq rapports de l’Agence de renseignement américain (NSA) rédigés sur la base des «interceptions des communications». Selon Libération, ces rapports étaient destinés à la «communauté du renseignement».

Labellisés «Espionnage Elysée», les documents proviennent d’un bureau identifié comme étant celui des «Summary Services», le «service des synthèses». Sans révélation fracassante, ils éclairent le fonctionnement ou la prise de décision de François Hollande et de ses deux prédécesseurs. En réaction, un conseil de défense se réunit ce mercredi matin à l’Elysée à partir de 9 heures.

Que révèlent les documents?

D’abord l’ampleur du dispositif de surveillance mis en place par la NSA. Outre l’espionnage des conversations de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, les documents citent également plusieurs ministres, parlementaires, et membres des cabinets présidentiels. Tous étaient donc sur écoute, comme le prouve la transcription, entre autres, de leurs numéros de téléphones portables. Ainsi, Jacques Chirac se serait battu pour placer un diplomate français au sein de la direction de l’ONU. En 2008, Nicolas Sarkozy se voyait comme «le seul leader capable de faire face à la crise financière». Quant à François Hollande, il a tenu, dès son élection en mai 2012, des réunions secrètes consacrées à une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro.

Les Etats-Unis ont-ils pris connaissance de secrets d’Etat français?

On est tenté de répondre non sur la base des informations publiées par Libération et Mediapart. Mais rien ne prouve que d’autres rapports, encore plus sensibles, n’ont pas été rédigés par la NSA jusqu’à l’interdiction officielle décrétée par le président Barack Obama, en janvier 2014, d’espionner les dirigeants de pays alliés.

La France va-t-elle prendre des mesures de rétorsion?

Il y aura, à coup sûr, une demande d’explication adressée solennellement aux Etats-Unis. L’objectif du conseil de défense restreint organisé dès 9 heures à l’Elysée est justement de coordonner et de soupeser cette riposte qui devrait néanmoins demeurer très diplomatique. Le mot d’ordre, mardi soir, était le silence radio, y compris dans l’entourage de Nicolas Sarkozy.

La mesure la plus forte serait l’expulsion de diplomates américains, mais l’on voit mal François Hollande, après les attentats de janvier, en pleine crise grecque, face aux menaces de l’Etat islamique et alors que les troupes françaises déployées en Afrique ont besoin du soutien logistique américain, prendre le risque d’une brouille avec Washington. Difficile aussi, pour Paris, de dénoncer l’espionnage tous azimuts des Américains alors que le très controversé projet de loi sur le renseignement présenté par le gouvernement doit être voté ce 24 juin, et soumis au Conseil Constitutionnel.

Les interceptions de la NSA sont-elles problématiques?

On savait que la NSA, entre 2006 et 2012, a espionné abondamment les alliés européens des Etats-Unis et aussi les institutions communautaires, partageant certaines informations recueillies au sein de la communauté des «Five Eyes» (Etats-Unis, Canada, Australie, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande).

Plusieurs anciens ministres ou collaborateurs présidentiels, comme l’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, ou l’ancienne ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot Marie, ont d’ailleurs répliqué dès mardi soir pour dire qu’ils n’étaient pas étonnés et qu’ils évitaient, à l’époque, leurs téléphones portables pour les messages sensibles. Ces méthodes constituent-elles, comme l’écrit Mediapart, un espionnage «obsessionnel» de la France? A voir. Le fait d’espionner les responsables français n’ont en tout cas pas empêché les Américains d’appuyer, à partir du 19 mars 2011, l’intervention aérienne franco-britannique en Libye.

L’on peut aussi comprendre, rétrospectivement, que Washington ait souhaité connaître les projets de Jacques Chirac, qui s’était opposé à la guerre en Irak, et en savoir plus sur François Hollande, qui avait promis comme candidat à la présidence le retrait des troupes françaises engagées en Afghanistan dans le cadre de l’Otan. Avant de le mettre en œuvre dès son élection.

http://www.letemps.ch