Étiquettes
Avec les révélations d’Edward Snowden, l’homme par lequel le scandale WikiLeaks n’en finit plus de faire des remous dans les chancelleries du vaste monde, nous voilà arrivés à une nouvelle étape : les Américains, qui avaient pourtant promis de mettre la sourdine sur leurs grandes oreilles, n’en feraient finalement qu’à leur tête.
À ce degré de naïveté, il devient légitime de s’étonner qu’on puisse encore s’étonner. Et ce, pour plusieurs raisons.
La première relève du simple constat : l’espionnage, métier donné, paraît-il, pour être de « seigneurs », est une histoire à peu près aussi vieille que celle de l’humanité. La seconde relève d’une double naïveté, généralement partagée en France, par les milieux libéraux d’obédience atlantiste. Explications.
Les premiers, qui ont oublié que l’histoire, par nature, est tragique, sont persuadés – ou s’autopersuadent – qu’à force de dérégulation, le marché, par on ne sait quelle force surnaturelle, finira par s’autoréguler. C’est la fameuse « main invisible du marché »… Dans la culotte de Jeanne d’Arc ou dans celle du zouave du pont de l’Alma ? Ces gens, perdus dans leur pensée magique – telle celle du vent de l’histoire chère aux marxistes -, participent donc de la dématérialisation du monde. C’est le syndrome Margaret Thatcher : « La société n’existe pas. Seuls existent les individus… » En attendant la finalisation du grand marché transatlantique, ça chauffe dans les oreillettes.
Les seconds, manifestement influencés par ce grand penseur de droite qu’est Michel Sardou – « Si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie… » -, devraient commencer à en rabattre. Persuadés qu’ils sont que « l’Occident chrétien » forme un bloc civilisationnel homogène contre « l’Orient musulman » barbare, forcément barbare. Si ce type de configuration géostratégique était plaisant dans les aventures de Blake et Mortimer, façon Secret de l’Espadon, il n’est pas tout à fait plausible dans la vraie vie. Hubert Védrine, Jean-Pierre Chevènement, Roland Dumas, Régis Debray et aussi Jean-Marie Le Pen ne disent finalement pas autre chose.
En cette affaire, François Hollande est à la peine, ayant déjà accompli l’exploit de battre son prédécesseur en matière d’atlantisme béat. Mais, comme il lui faut bien jouer du biceps et se bomber le bréchet, il assure ce mercredi, après une réunion exceptionnelle tenue à l’Élysée, qu’une délégation française se rendra tôt à Washington pour s’assurer que « les engagements pris par les autorités américaines sont vérifiés, respectés et appliqués ». Il est un fait que les USA, une fois de plus pris la main dans le pot à confiture, auraient promis de ne plus recommencer.
Il en est un autre que ces mêmes autorités ne dédaignent pas déléguer les vilaines besognes, laissant la sous-traitance à l’Allemagne, dont les services secrets espionneraient donc la France pour le compte de la puissante Amérique, information récemment révélée par le Spiegel…
En attendant, lui, président de la République, a promis d’en parler au téléphone avec Barack Obama. En espérant que, pour une fois, le turlu soit sécurisé et que les grandes oreilles de Mickey ne se soient pas invitées au rendez-vous…
De toute façon, ce qu’il y aurait éventuellement à apprendre, nous le savons depuis belle lurette.