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PARIS (Reuters) – Les chauffeurs de taxi français ont mené jeudi un mouvement de protestation massif contre les véhicules clandestins utilisant l’application UberPOP, perturbé la circulation dans nombre de villes et bloqué l’accès à des aéroports et des gares.
Face à une tension croissante, notamment en région parisienne, où des utilisateurs d’UberPOP ont été pris à partie, le ministre de l’Intérieur a lancé un appel au calme, assorti d’un geste à l’adresse des taxis en colère, dont une délégation devait être reçue par des conseillers du Premier ministre.
Bernard Cazeneuve a ainsi annoncé un renforcement de la répression de l’activité d’UberPOP, en principe interdite par le loi Thévenoud de 2014, sans attendre la réponse du Conseil constitutionnel à un recours de la société mère américaine Uber.
« J’ai donné instruction, compte tenu des troubles graves à l’ordre public et du développement de cette activité illégale, au préfet de police de Paris de prendre ce jour un arrêté interdisant l’activité d’UberPOP », a-t-il dit.
Plusieurs préfets, dont celui de Lyon, ont déjà pris de tels arrêtés, qui ont pour objectif de renforcer l’effet dissuasif de la loi, précise-t-on au ministère de l’Intérieur.
Bernard Cazeneuve a aussi demandé aux préfets de saisir les procureurs de la République pour qu’ils répriment avec la « plus grande fermeté » les infractions commises par Uber et UberPOP.
Selon le ministère, 2.800 taxis en colère étaient mobilisés à la mi-journée en France, sur 55.000 chauffeurs recensés.
Ils réclament la désactivation de l’application UberPOP, seule manière selon eux de bloquer ses activités. Mais une telle mesure n’est possible que sur décision de justice.
INCIDENTS
Les manifestants s’en prennent aussi aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) légalement enregistrées mais qu’ils accusent également de concurrence déloyale. Deux voitures ont ainsi été retournées à Paris, Porte Maillot.
Ils ont perturbé les accès aux gares parisiennes et la circulation sur le boulevard périphérique, parfois au prix de tensions avec les forces de l’ordre déployées massivement.
A l’aéroport d’Orly, dont l’accès était encombré par une dizaine de voitures endommagées, ils ont été rejoints par des collègues belges et espagnols. Les voyageurs voulant accéder à l’aéroport Charles de Gaulle par la route ont dû marcher après avoir abandonné leurs véhicules à des barrages.
La voiture dans laquelle avait pris place la rock star américaine Courtney Love après son atterrissage à Paris a été attaquée et la chanteuse a posté sur Twitter un appel à François Hollande pour qu’il « bouge son cul ».
« Je suis plus en sécurité à Bagdad », a-t-elle écrit.
Les taxis ont coupé totalement ou partiellement les accès à des aéroports de province, comme à Toulouse, Marseille, Nice ou Nantes, où ils ont brûlé des pneus. Certains ont empêché des chauffeurs UberPOP ou VTC de prendre des clients.
« C’est une grève illimitée. Nous resterons là tant que le gouvernement n’aura pas décidé de neutraliser cette application », a déclaré Didier Gouzot, président du syndicat des artisans taxis de Toulouse et de la Haute-Garonne.
UNE LOI DIFFICILE À APPLIQUER
A Lyon, quelque 250 taxis ont convergé vers le quartier de la Part-Dieu, où se situe le siège régional d’Uber, provoquant en milieu de matinée environ 22 kilomètres de bouchons.
Les taxis lyonnais ont promis une nouvelle démonstration de force le 3 juillet, jour des grands départs en vacances, si l’application UberPOP n’est pas retirée du marché.
La classe politique soutient globalement les revendications des chauffeurs de taxi.
« On ne peut pas dire à des gens qui mettent 200.000 euros sur la table (pour) une plaque de taxi : ‘vous êtes concurrencés par quelqu’un qui ne paye rien et dont les profits passent par un paradis fiscal' », a ainsi déclaré le président socialiste de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, à BFM TV.
La loi Thévenoud interdit la mise en relation de clients avec des chauffeurs non enregistrés pour des prestations de transport payantes, sous peine de deux ans de prison et 300.000 euros d’amende. Mais sa mise en oeuvre se heurte à un manque de moyens et Uber, qui juge cette interdiction contraire à la liberté d’entreprendre, a obtenu de la Cour de cassation que la question soit soumise au Conseil constitutionnel.
Un porte-parole de la société américaine, qui juge « incroyables » les propos de Bernard Cazeneuve dans l’attente du verdict du Conseil constitutionnel, a estimé que les taxis menaient une bataille d’arrière-garde.
« Il y a un besoin de transport qui n’est pas rempli par les taxis. C’est juste le progrès », a-t-il dit à Reuters.
(Emmanuel Jarry, avec service France et James Regan, édité par Yves Clarisse)