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Interview à L’Opinion

Faut-il à tout prix que la Grèce reste dans la zone euro?

Il faut négocier jusqu’à la dernière minute un accord qui soit équilibré et réaliste. Mais en même temps, nul n’est tenu à l’impossible. Un mauvais accord discréditerait la zone euro. On ne peut pas accepter que le maintien à tout prix de la Grèce dans l’euro se fasse au prix de l’affaiblissement de la monnaie européenne. Mieux vaut donc encore un Grexit collectivement assumé et sérieusement organisé pour éviter le pire à la Grèce et à l’Europe. J’espère que la Commission européenne a travaillé sur un plan B. 

 Le référendum grec est-il un revolver sur la tempe des Européens ?

Ce n’est pas le principe du référendum qui est critiquable, c’est son improvisation politicienne et son caractère d’ultimatum vis-à-vis de l’Union européenne. Le peuple grec est l’otage d’un gouvernement sans colonne vertébrale qui joue à la roulette russe avec le barillet à moitié chargé. Voilà où mènent le populisme et la démagogie, qui avaient été salués il y a quelques mois par François Hollande et le Front national d’un même élan.

Les conséquences d’un Grexit sont-elles prévisibles?

Non. On ne sait pas jusqu’où peut nous mener cette crise. Sur le papier, de façon objective, une sortie de la zone euro semble gérable: la Grèce représente moins de 2% de la zone euro, nous avons créé ces dernières années des instruments de stabilité et de défense de la monnaie et dénoué les liens qui existaient entre nos établissements bancaires et la Grèce… Mais en même temps, nous savons que les marchés financiers sont irrationnels, que les doutes des investisseurs par rapport à la zone euro peuvent susciter une crise plus globale qui minerait la reprise de la croissance européenne. C’est la raison pour laquelle je préconise, si le Grexit se confirme, que la France et l’Allemagne prennent immédiatement une initiative commune et puissante pour muscler la zone euro et enclencher une harmonisation fiscale des pays membres capables de la mener à bien. Cela permettrait de montrer que la monnaie européenne n’est pas affaiblie par le départ de la Grèce et que les Européens savent se saisir d’une crise pour se renforcer.

Après l’attentat en Isère, diriez-vous que nous vivons une guerre de civilisation?

Il n’y a pas pour moi le début du commencement d’une civilisation dans le combat de l’Etat islamique. Je préfère donc dire que nous vivons une nouvelle forme de guerre mondiale avec les totalitarismes islamiques pour ennemis. Ceux-ci ont déclaré la guerre à tous ceux qui ne pensent pas comme eux et veulent établir le califat, c’est-à-dire la domination d’un Islam radicalisé partout sur la planète. Cette guerre mondiale appelle une coalition mondiale.

Justement, la riposte internationale contre Daech est pour l’instant un échec. Pourquoi?

Nous refusons de prendre conscience de la dimension internationale de cette guerre, et même peut-être de sa dimension de guerre tout court. La France et les Occidentaux se refusent ainsi à une coalition mondiale qui les obligeraient à parler avec des interlocuteurs que certains n’aiment pas. Nous sommes prisonniers d’une forme de pensée typiquement occidentale qui consiste à considérer que tous les pays devraient adopter notre modèle politique. Ce raisonnement nous a conduits lors des printemps arabes, à croire que partout des États démocratiques allaient fleurir. Si c’était possible en Tunisie, cela n’avait aucun sens en Egypte et encore moins en Syrie. Aujourd’hui, sans cette coalition mondiale, la guerre contre les totalitarismes islamiques va durer des années, faire des centaines de milliers de victimes, éradiquer les Chrétiens d’Orient et pousser les communautés à l’affrontement y compris sur notre propre sol – c’est ce que j’appelle le retour des tribus. Depuis un an, je réclame à corps et à cri une initiative française pour coaliser tous les pays du Proche-Orient, la Russie, l’Iran. Mais nos gouvernants préfèrent nous mettre sur le dos une mauvaise guerre froide aussi inutile que dangereuse, faire preuve d’intransigeance dans les négociations avec l’Iran et fournir des armes à des mouvements qui combattent certes courageusement le régime d’Assad, mais avec pour conséquence d’ouvrir la route aux totalitarismes islamiques.

Interview à L'Opinion : «La crise grecque démontre que la faillite d’un Etat est possible»