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Tout le monde en parle, mais rien n’est prévu par les traités. Si les événements poussent la Grèce à ne plus pouvoir utiliser l’euro, l’UE devra… improviser.

Région de Mycènes en Grèce - flickr / peuplier
Région de Mycènes en Grèce – flickr / peuplier All rights reserved

Les bâtisseurs de l’euro n’y ont pas pensé. Lorsque, dans les années 1990, ils ont élaboré l’architecture de la monnaie unique, aucune porte de sortie n’a été imaginée. À l’époque, l’unification du continent semblait irréversible et un scénario à la grecque apparaissait ubuesque.

Or, les crises des années 2010-2012 ont balayé les certitudes européennes. Depuis lors, des voix s’élèvent pour une sortie de la Grèce de la zone euro. Certaines par pragmatisme, d’autre part idéologie.

Mais entre les mots et les actes, il y a un monde.

L’UE imbriquée à l’euro

Sur le plan juridique, une sortie d’un pays de l’euro a toutes les chances de s’accompagner d’une sortie de l’UE. Déjà, en 2009, un rapport de la Banque centrale européenne établissait qu’une sortie de l’union monétaire ne pouvait être concevable qu’accompagnée d’une sortie de l’UE.

En effet, la monnaie unique est celle de tous ses membres, et seuls ceux qui possèdent un “opt-out” peuvent continuer à utiliser leur propre devise. Le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède disposent de telles dérogations.

Même chose, pour les pays de l’Est, sauf que l’exception est temporaire, il s’agit juste d’attendre que leur économie soit à niveau.

La Grèce ne figure pas dans ces catégories puisqu’elle utilise déjà l’euro. Renoncer à la monnaie unique placerait donc le pays dans une situation qui n’est pas prévue.

C’est l’article 50 du traité qui définit la procédure de sortie d’un pays de l’UE. Or, tout départ doit être volontaire. Aucun levier n’existe pour expulser un pays.

Seule exception : un gouvernement ne respecte plus l’État de droit ou les droits de l’Homme. Il peut alors se voir retirer ses droits de vote dans les instances européennes. Le premier point devrait être interprété de façon très large pour que la Grèce soit mise de côté.

Bricolage des traités

Mais si les Européens souhaitent s’assurer que la Grèce reste dans l’UE, ils peuvent tout à fait décider de modifier les traités. Et ce, même dans la précipitation, pour permettre à la République hellénique de rester dans l’UE tout en revenant à la drachme. Car qui dit sortie complète, dit aussi fin des fonds régionaux et agricoles pour la Grèce, qui est censée toucher, d’ici 2020, 35 milliards d’euros.

Une modification au pas de course des textes fondamentaux de l’UE ne serait pas une première. En 2011, pour venir en aide à Athènes, les Européens ont dû égratigner l’article 136 qui interdisait les renflouements.

La procédure rapide, qui évite de consulter longuement le Parlement européen, a été utilisée. Une nuit de négociation bruxelloise, suivie d’une ratification par les parlements nationaux des Vingt-Huit pays de l’UE aura suffi.

Reste que l’unanimité des États est nécessaire, ce qui est toujours difficile à obtenir. Surtout dans une situation où les tensions entre la Grèce et ses partenaires sont plus fortes que jamais.

Zone grise

Sur un plan monétaire, c’est également le brouillard complet. Comment empêcher la Grèce d’utiliser l’euro ?

Dans la situation actuelle, si la Banque centrale européenne décide de couper le mécanisme qui fournit des liquidités d’urgence aux établissements financiers grecs, le système bancaire s’écroule.

L’argent se tarit rapidement, et force le pays à imprimer sa propre monnaie. La drachme serait de retour pour les échanges domestiques.

Deux devises cohabitent alors et la Grèce conserve ses actifs dans la BCE. Pour retrouver pleinement sa souveraineté monétaire, elle doit sortir de l’eurosystème.

Un scénario qui nécessite une collaboration entre Athènes et ses partenaires puisque le premier aura besoin de récupérer les capitaux placés à Francfort.

Mais, là encore, aucune procédure n’existe. La manœuvre pourrait être pilotée par la Commission européenne : responsable du bon fonctionnement de l’union économique et monétaire, c’est elle qui gère l’adhésion à la monnaie unique.

Dans le même temps, Athènes pourrait aussi décider de continuer à utiliser l’euro sans être intégré aux mécanismes de la BCE, ni aux prises de décisions (choix du directoire, etc. ). C’est déjà le cas pour le Monténégro et le Kosovo.

Pour s’assurer une stabilité financière et limiter l’inflation, les deux pays des Balkans ont recours à la monnaie européenne. Auparavant, ils utilisaient le Deutsche Mark.

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