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Les dernières heures avant le vote ont alimenté les tensions en tous genres en Grèce. En voici un résumé.
La Grèce prélèvera-t-elle 30% des dépôts au-dessus de 8.000 euros?
Vendredi, le Financial Times a affirmé qu’un plan secret du gouvernement grec prévoyait un « bail-in » des dépôts bancaires au-dessus de 8.000 euros. Autrement dit, 30% des dépôts seraient prélevés par le gouvernement dans le cadre du plan d’aide à la Grèce qui serait négocié cette semaine.
L’association des banques grecques a soutenu que ce plan était sans fondement. Varoufakis a surenchéri en affirmant qu’il s’agissait d’une rumeur malveillante. Pourtant, le même Varoufakis assure dans un entretien au Frankfurter AllgemeineSonntagszeitung qu’il y aurait, quoiqu’il arrive, un accord lundi avec les créanciers:
Ich erwarte, dass wir am Montag eine Einigung haben werden“, sagte er, „und zwar unabhängig davon, ob bei dem Referendum mehrheitlich mit ,Ja‘ oder mit ,Nein‘ gestimmt wird.
(Je m’attends à ce qu’il y ait un accord lundi, et c’est vraiment indépendant du fait que le referendum donne une majorité au oui ou au non).
Pour être aussi affirmatif… il faut quand même bien que les Grecs aient déjà négocié quelque chose dans leur besace.
Tsipras joue son va-tout et présente l’addition
Dans un ultime discours en faveur du « non » prononcé vendredi, Tsipras a présenté de nouvelles demandes grecques, qui seront probablement la base de ses revendications si le referendum dégage une majorité en sa faveur: une décote de 30% de la dette et une période de grâce de 20 ans.
Il s’est appuyé, pour nourrir sa revendication, sur le rapport publié la veille par le FMI sur le manque de soutenabilité de la dette grecque, dont voici le texte:
On y lit notamment:
Given the fragile debt dynamics, further concessions are necessary to restore debt sustainability. As an illustration, one option for recovering sustainability would be to extend the grace period to 20 years and the amortization period to 40 years on existing EU loans and to provide new official sector loans to cover financing needs falling due on similar terms at least through 2018.
(Etant donnée la dynamique fragile de la dette, de nouvelles concessions sont nécessaires pour rétablir la soutenabilité de la dette. En illustration, une possibilité pour retrouver de la soutenabilité consisterait à étendre la période de grâce à 20 ans et la phase d’amortissement à 40 ans sur les prêts européens en cours et à conclure les nouveaux prêts de financement dont la Grèce a besoin sur la même base jusqu’en 2018).
Les Grecs parviendront-ils à imposer un traitement conjoint des réformes internes et de la restructuration de leur dette?
Nikos Aliagas en partisan du « oui »
Les Français ignorent trop souvent que Nikos Aliagas est bien connu en Grèce pour avoir présenté, en son temps, le journal de 20 heures local. Cette petite aura lui a valu de se produire vendredi au stade des Panéthénées pour faire la promotion du « oui » au referendum. Le geste n’est pas sans intérêt: il illustre la fracture entre les Grecs de l’émigration sensibles à un arrimage solide de la Grèce à l’euro (et probablement qui perçoivent mieux la difficulté pour la Grèce de se soustraire aux règles communes), et les Grecs de l’intérieur plus décidés à défendre le pré carré national.
Varoufakis jette encore de l’huile sur le feu
Samedi, le ministre Varoufakis se lançait dans une nouvelle pirouette: les Européens sont des terroristes.
Dans une interview au quotidien espagnol El Mundo, Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances a estimé que « ce que les créanciers font à la Grèce a un nom : du terrorisme. » « Pourquoi nous ont-ils forcé à fermer les banques ? Pour insuffler la peur parmi les gens. Et quand il s’agit de répandre la peur, on nomme ce phénomène du terrorisme. Je suis cependant confiant : la peur ne gagne pas », a-t-il poursuivi. Yanis Varoufakis dénonçait ainsi la décision de la BCE de ne pas relever le plafond des liquidités disponibles pour les banques grecques dans le cadre du programme ELA dimanche 28 juin. Cette décision avait contraint le gouvernement à fermer les banques durant toute la semaine qui précède le référendum prévu dimanche 5 juillet sur les propositions des créanciers. Un acte de « guerre » pour Yanis Varoufakis : « c’est difficile de ne pas sentir que cela est une guerre lorsque l’on nous oblige à fermer les banques au moment où l’on demande son avis au peuple grec. »
Guerre… terrorisme… Difficile d’imaginer qu’au lendemain du referendum, le même ministre grec aille tendre la main aux terroristes et aux guerriers pour leur demander de l’argent.
L’Europe germanique se déchaîne
Hier, les déclarations du camp germanique en Europe se sont multipliées pour crédibiliser l’idée d’un »Grexit » en cas de victoire du « non ».
Dans un entretien au journal Bild, le cruel Dr Schaüble, ministre allemand des Finances, en a remis une couche:
l’échec des négociations avec le gouvernement grec était « prévisible » car Athènes « n’accepte aucun programme de réforme ». (…)
« C’est pourquoi j’ai toujours été sceptique sur l’issue des discussions avec le gouvernement d’Athènes, a-t-il dit. Les faits qui ont finalement justifié mon scepticisme ne m’ont pas vraiment surpris. «
De son côté, le ministre des Finances autrichien, Hans Joerg Schelling, a pour sa part déclaré que l’Europe pourrait surmonter les effets du Grexit.
« Pour l’Europe, ce sera facile à surmonter économiquement. Pour la Grèce, ce pourrait être beaucoup plus dramatique. »
Il a toutefois minimisé les effets sociaux du Grexit.
Encore une autre pression germanique
Toutes ces déclarations ne sont rien par rapport à la longue interview donnée par le directeur général du Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF), l’Allemand Klaus Regling, au journal grec de référence Kathimerini. Son intervention est habile car elle explique aux Grecs qu’ils ont déjà fait beaucoup d’efforts, et qu’il serait dommage d’abandonner si près du but.
Greece needs to continue reforms, but the measures required on the fiscal side and on competitiveness are much smaller than in the past. The large reduction from the deficit of 15.3 percent of GDP has mostly been achieved. Compared to what was done in the past five years, the remaining fiscal adjustment is relatively small but necessary.
(La Grèce a besoin de continuer les réformes, mais les mesures requises sur le paquet fiscal et la compétitivité sont plus limitées que par le passé. La large réduction du déficit de 15,3% du PIB est pratiquement réussie. Comparé à la situation d’il y a cinq ans, l’ajustement fiscal qui reste à faire est relativement mince mais nécessaire).
Si les Grecs, après ça, n’ont pas compris ce qu’ils devaient voter…
Quelle crédibilité pour ces scénarios?
A la lecture de ces déclarations, quelques doutes viennent quand même.
D’une part, Tsipras anticipe (on le lui souhaite en tout cas) une victoire du « non » même s’il a annoncé qu’il ne démissionnerait pas en cas de victoire du « oui » (ce qui est le seul moyen intelligent qui lui reste pour ne pas transformer définitivement ce vote en referendum sur son action). Il imagine que les Européens n’oseront pas le sortir de la zone euro et qu’il pourra mieux négocier.
Le pari est audacieux car rien ne prouve que la ligne Schaüble ne triomphera pas. Bien au contraire…
D’autre part, les Prussiens multiplient les déclarations apaisantes en cas de victoire du « oui ». Rien ne prouve qu’il ne s’agit pas d’un enfumage, façon représailles de la Wehrmacht dans les villages de partisan. Le plan d’aide pourrait très bien être durci en cas de victoire du « oui ».
L’effacement de la France en Europe
Reste un phénomène majeur dans cette crise: l’effacement complet de la France, qui ne compte plus que pour du beurre. Bravo, François Hollande!