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Aujourd’hui, les Grecs se prononcent sur l’indigne plan proposé par ses créanciers il y a dix jours. Mais outre le fait de soutenir le « non », il n’est pas inutile de se demander pourquoi les créanciers persistent à prescrire un nouveau plan voué à l’échec et pourquoi tant de Grecs semblent prêts à voter « oui ».

Visuel de Bettina David-Fauchier
Pourquoi les créanciers se comportent en tyrans inhumains
Après tout, les pays membres de la zone euro ne sont pas inhumains. Ils devraient pouvoir être sensibles à la dégradation effarante de la situation en Grèce, résumée par un journaliste Grec par « les 16 chiffres qui montrent qui paye la crise grecque », comme le rapporte le site Les Crises : plus d’un tiers de la population qui vit dans la pauvreté ou susceptible d’y glisser, un autre tiers qui a des arriérés avec l’Etat, un revenu des ménages en baisse de 30%, 30 000 coupures d’électricité par mois, 160% de chômeurs en plus, dont 15% reçoivent des prestations, 800 000 personnes sans accès aux soins, envolée des dépressions, des suicides, du SIDA et de la mortalité infantile : voici le bilan des plans de la troïka.
Devant un tel désastre humanitaire, dont on peut penser qu’il est une forme de crime contre l’humanité, on se demande pourquoi les pays créanciers persistent dans l’erreur, d’autant plus que ce massacre social ne mène à rien puisqu’à chaque fois, il est nécessaire de restructurer la dette Grecque, le défaut du 30 juin n’étant après tout que le 3ème depuis un peu plus de 5 ans. On peut y voir une double logique. De manière plus froide, on y lit les rapports de force continentaux. L’UE organise le règne du ou des plus forts. Ensuite, il faut bien reconnaître tout de même qu’il n’est pas incompréhensible que Berlin ou Helsinki ne veuillent pas payer pour Athènes car cela pourrait entrainer d’autres demandes.
Aussi dur cela soit-il, il faut quand même reconnaître qu’il n’est pas totalement illégitime que certains pays n’aient pas envie d’avoir l’impression que les autres ont un droit à tirer sur eux qu’ils ne maîtriseraient pas. Comme cela n’est pas prévu par les traités, ils bloquent tout projet qui serait un dangereux précédent à leurs yeux. Les eurobéats peuvent y voir une forme d’égoïsme (encore qu’ils soient souvent très critiques vis-à-vis de la Grèce), mais je crois qu’il s’agit d’un profond vice de forme de l’UE. Il ne faut pas oublier que l’euro a retiré les capacités d’ajustement traditionnelles des pays : la dévaluation et le rachat de dettes publiques par la banque centrale, utilisé par Washington, Londres, ou Tokyo.
Pourquoi tant de Grecs vont voter « oui »
C’est forcément étonnant pour quiconque dénonce depuis plus de cinq ans les plans de la troïka, en a vu et prévu l’échec, tout en soulignant qu’il existe une alternative largement documenté : la sortie de la zone euro. On peut y voir, comme le souligne Télérama, l’effet de la propagande caricaturale des chaines privées pour le « oui », qui rappelle celle des média français en 2005. On peut aussi y voir l’utilisation par les créanciers du bank run pour déstabiliser et affaiblir la position d’Alexis Tsipras, comme le souligne Romaric Godin dans la Tribune : n’aurait-il pas été plus juste de garantir une situation plus sereine d’ici au référendum ? Mais ceci montre encore une fois le faible respect de l’UE pour la démocratie.
Quand on ajoute à cela, le traitement humiliant de la Grèce mais surtout, l’échec patent des solutions appliquées depuis plus de cinq ans, dénoncé par Krugman et Stiglitz, qui appellent même à voter « non », on se demande comment une telle proportion de Grecs semblent prêts à voter « oui », ce qui reviendrait à obéir une fois de plus à des créanciers qui n’ont pourtant pas proposé de plan soutenable et dont le nouveau plan est du même tonneau. Deux raisons viennent à l’esprit : la peur de la Grèce de la Turquie, qui la pousse à vouloir rester avec cette famille européenne, qui, si elle la torture depuis plus de cinq ans, l’a tellement aidée pendant trois décennies. Et cela était prévisible.
Mais, comme le soutient Coralie Delaume dans un entretien passionnant « Quoi qu’il arrive, rien ne sera plus jamais comme avant », par le simple fait d’avoir montré qu’il existe une issue à cette impasse, même en cas de défaite du « non », le débat aura été utile. Mais espérons que le non gagne ! OXI !