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Nicolas Barré 

La zone euro vit aujourd’hui la crise la plus profonde de sa courte histoire. Elle en sortira soit renforcée – mais cela supposera un leadership exceptionnel de la part de dirigeants européens qui n’en ont manifesté aucun jusqu’ici -, soit très profondément affaiblie. On dira alors, refaisant un jour l’histoire, que l’Europe n’était pas mûre pour cette « expérience » de monnaie unique. Et c’est le projet politique d’une génération qui sera anéanti, juste au moment où d’autres grandes zones de la planète étendent leur influence. C’est bien pourquoi le moment est historique. Le malheur est que cette histoire s’écrit dans la rue, dans les tensions, dans le chantage et souvent même dans la détestation des autres, comme l’a montré la campagne électorale en Grèce, avec Angela Merkel et Wolfgang Schaüble faisant figure de boucs-émissaires odieux.

En répondant massivement « non » à la question biaisée qui leur avait été posée par un gouvernement manipulateur, les Grecs ont ostensiblement tourné le dos à ce que leur proposait l’Europe : de nouvelles aides contre des réformes. L’histoire retiendra qu’ils l’ont fait avec un coup de pouce sidérant du Fonds monétaire international, lequel, à quelques jours du scrutin, a subitement donné du crédit aux thèses d’Aléxis Tsípras réclamant une restructuration massive de la dette grecque – en plus des allégements déjà consentis qui représentent, rappelons-le, une année de PIB !

Le résultat est désastreux. Désormais, c’est la Banque centrale européenne qui se retrouve en première ligne, devant jouer les pompiers d’un Etat qui juge fondamentalement illégitimes les dettes qu’il a contractées auprès de ses voisins européens, mais qui se précipite chaque jour, comme il l’a fait encore dimanche soir, pour demander quelques milliards de plus à la BCE pour sauver ses banques… Ce cirque n’est plus tenable. Si un référendum avait lieu en Europe, combien de pays accepteraient encore de soutenir la Grèce ?

Les électeurs grecs ont choisi de sauter dans l’inconnu. Toutes les options sont désormais sur la table, y compris celle d’une sortie de la Grèce de la zone euro, dans laquelle elle n’aurait jamais dû entrer. Cette sortie peut survenir plus vite qu’on ne le croit, à l’occasion d’un défaut du système bancaire qui peut se produire à tout moment, tant sa situation tient à un fil, celui de la BCE, qui est déjà allée très loin dans l’exégèse de ses règles. Tsípras continue de faire le pari que l’Europe a plus à perdre dans la sortie de la Grèce de l’euro que dans son maintien à ses conditions. Mais, à force de pousser ses partenaires à bout, il a ruiné les chances de trouver un compromis. Aujourd’hui, il se trouve face à une Europe qui, à son tour, est tentée de lui dire « non ». L’histoire est tragique.

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