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Maintenant que les Grecs ont fermement dit « non » au plan de la troïka, l’UE se trouve face à un dilemme potentiellement insoluble entre un membre qui refuse ses directives et d’autres qui refusent qu’Athènes les refusent, quitte à prendre le risque de la rupture. Et si le perdant de dimanche était l’UE ?

Une construction totalement dysfonctionnelle
Difficile de ne pas arriver à la conclusion que le machin européen ne marche pas. Que cet ensemble d’un demi-milliard de personnes consacre une telle énergie et un tel temps depuis plus de cinq ans à essayer de régler la crise d’un de ces 28 membres, qui pèse 2% du total, sans y arriver, au point d’arriver à un troisième défaut, ne peut qu’indiquer qu’il y a un vice de forme profond dans cette construction. L’UE est la partie du monde qui a la croissance la plus faible depuis la crise financière, Cette construction originale et artificielle ne produit pas un cadre favorable au développement et le contraste avec la santé des membres de l’UE hors zone euro démontre le rôle néfaste de la monnaie unique.
L’UE repose sur deux principes clés : une intégration continue, et une croyance religieuse dans les vertus du laisser-passer et du laisser-faire. Mais ces principes expliquent la crise que traverse notre continent. La logique d’intégration a poussé au choix politique, et non économique, de construire une monnaie unique, alors que bien des économistes, dont de nombreux « prix Nobel », avaient prévenu qu’elle ne fonctionnerait pas. En retirant aux pays la possibilité d’avoir une monnaie adaptée à leur économie, les germes de la crise de la zone euro étaient semés. Il n’était quand même pas difficile de comprendre qu’Athènes et Berlin étaient trop différents pour partager une même monnaie.
L’addition d’une monnaie unique avec le laisser-passer pousse aujourd’hui à une course suicidaire à la compétitivité, totalement dérisoire sachant qu’il existe des pays, au sein même de l’UE, dont le salaire minimum tourne autour de 100 euros. L’Allemagne est parvenue à s’en sortir, en cumulant spécialisation réussie, protection du marché intérieure, et utilisation de sous-traitants orientaux, mais son exemple n’est pas réplicable et tient à son asymétrie. En outre, alors qu’une des clés du développement des pays d’Asie est la protection de leurs marchés, l’UE est la grande zone économique qui a le paradoxe de cumuler les prix du travail les plus élevés et la protection la plus faible.
Une construction désunie, autoritaire et inhumaine
La désunion de l’Union Européenne n’est pas une nouveauté, mais ici, elle a atteint un nouveau sommet avec les menaces d’expulsion de la Grèce de la zone euro, dont on a déjà eu un aperçu avec l’expulsion d’Athènes de l’Eurogroup fin juin après l’annonce par Alexis Tsipras du référendum. Mais la désunion règne également parmi les créditeurs avec Paris, qui ne parvient pas à faire son deuil de l’euro, quand beaucoup de pays penche franchement vers la ligne austéritaire de Berlin, qui semble prêt à expulser un pays. On disait que l’UE, c’était la paix et l’union. Les crises des cinq dernières années ont abouti à un esclavagisme des pays mis en difficulté par l’euro par ceux qui en ont profité.
Ensuite, et c’est moins une surprise, tant les évènements des dernières années le démontrent depuis assez longtemps : l’Union Européenne est une organisation qui a un problème avec la démocratie, et au caractère très antisocial. Les réactions des eurocrates à l’annonce d’un référendum font honte à tout démocrate qui se respecte, aussi europhile soit-il, comme l’ont indiqué Hervé Nathan ou Romaric Godin. Une organisation qui se veut démocratique ne devrait pas craindre le suffrage populaire, mais le souhaiter. De plus, les sondages indiquaient sur les Grecs préfèreraient rester dans la zone euro. Quelques concessions minimes semblaient pouvoir pousser la population à voter pour le plan…
Mais ce qui ressort aussi de ces cinq mois, c’est le caractère profondément inhumain d’une construction, qui demande des excédents budgétaires primaires de près de 4% du PIB, le moyen de renvoyer le pays dans la dépression. Et alors que la population a perdu environ 30% de son pouvoir d’achat depuis le début de la crise, quelle inhumanité de demander une augmentation de la TVA sur les produits alimentaires de 6 à 13% quand on demande en plus de limiter le plus possible les efforts des entreprises bénéficiaires ! Et on peut penser que le caractère humiliant du traitement de la Grèce par ses créanciers a également un caractère inhumain en renvoyant les Grecs au statut de serfs…
La crise Grecque agit comme un révélateur pour ceux qui doutaient encore des logiques du projet européen. Fondamentalement autoritaire, antisocial, dysfonctionnel et ne suscitant en aucun cas l’unité, mais bien la discorde, l’UE finira tôt ou tard dans les poubelles de l’histoire, pour le bien de l’Europe.