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couts de production, la filière laitière française, L’embargo russe, quotas laitiers, un sursaut patriotique

ENTRETIEN Rien ne va plus dans la filière laitière française : excédents de production, cours en baisse, hausse des importations, chômage technique dans certaines usines, démission du président de l’interprofession (Cniel) Thierry Roquefeuil le 9 juillet, suite à des désaccords avec les transformateurs… Giampaolo Schiratti, le président du Syndilait et directeur général de Candia, explique les raisons de cette nouvelle crise laitière.
L’Usine nouvelle – La situation semble empirer depuis le début de l’année dans la filière laitière. Il y a quelques mois pourtant, le secteur espérait être dopé par l’accroissement de la demande mondiale, particulièrement de Chine. Que se passe-t-il ?
Giampaolo Schiratti – Nous alertons sur la situation du secteur depuis un an. Nous savions qu’avec la fin des quotas laitiers ce printemps, il y a aurait davantage de lait sur le marché européen. L’embargo russe l’été dernier est venu perturber l’équilibre européen. Il y avait 2 milliards de litres de lait qui partaient en Russie chaque année, principalement issus d’Allemagne et d’Europe de l’ouest. Ces volumes sont aujourd’hui en surplus. A cela s’est ajoute une consommation moins favorable en Chine. Le pays avait fait beaucoup de stocks. Tous ces éléments ont contribué à générer un manque de débouchés et faire chuter les cours du lait en Europe. Dans ce contexte, les Allemands ont répercuté les baisses de prix immédiatement et proposent des prix du lait moins élevés aux distributeurs. Avec comme conséquences de faire bondir les importations de lait étranger en France.
Quelles sont les conséquences pour la filière en France ?
Les importations de lait étranger en France ont bondi de 63% entre mars et avril 2015 par rapport à la même période de 2014, sous l’effet d’une hausse des commandes de la grande distribution française pour ses produits à marques de distributeurs. C’est l’augmentation la plus forte de ces 4 dernières années. Depuis le début de l’année, ce sont 30 millions de litres de lait supplémentaires par rapport à la même période de l’année dernière qui sont arrivés sur le marché français, soit une augmentation de 49%.
Conséquence de ce phénomène : la filière française se retrouve avec un surplus de lait que nous n’arrivons pas à vendre. Nos exportations ont chuté de 6,9% depuis le début de l’année. Si cette situation perdure, de nouvelles usines risquent de fermer, privant les éleveurs de débouchés. Certains industriels, comme Terra Lacta, ont déjà commencé à mettre en place du chômage technique dans certains sites.
Comment les Allemands arrivent-ils à proposer des prix plus bas que nous ? Ont-ils des systèmes de production plus compétitifs ?
Ils ont une capacité de résistance supérieure à la nôtre. Leurs élevages, souvent plus grands grâce à l’Allemagne de l’est, ont des couts de production moins élevés. Les industriels peuvent plus facilement casser les prix pour gagner des parts de marché auprès des distributeurs étrangers, dans l’espoir de les conserver une fois que la crise sera passée.
Quelles solutions proposez-vous pour sortir de cette impasse ?
Il faut un sursaut patriotique de la part des consommateurs et des distributeurs. Une prise de conscience nationale est nécessaire pour préserver la filière et ses emplois. Le Syndilait a lancé il y a quelques mois le label « Lait collecté et conditionné en France » à l’attention des consommateurs. Il sera présent sur plus de 50% des briques et bouteilles de lait d’ici à la fin de l’année. Il permet d’identifier clairement le lait français et de favoriser son achat. Les pouvoirs publics doivent aussi jouer le jeu et arrêter leur double discours. On retrouve trop souvent du lait importé dans les cantines des établissements scolaires et des administrations.
Propos recueillis par Adrien Cahuzac