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Le commandant Suleimani (à gauche) sur le front irakien dans la province de Salahuddin. (Reuters)

Le sort du chef de la Garde révolutionnaire était inclus dans l’accord signé à Vienne. Qassem Suleimani se voit effacé de la liste des personnes frappées par les sanctions internationales. Embarras du secrétaire d’Etat, John Kerry
Son nom est enfoui parmi les centaines d’autres que contient «l’annexe numéro deux» d’un «plan d’action commun» qui, lui-même, comprend plus d’une centaine de pages. Le sort de Qassem Suleimani, le chef de l’unité d’élite de la Garde révolutionnaire iranienne (Al-Quds), a été inclus dans l’accord conclu cette semaine par l’Iran et les grandes puissances sur le nucléaire iranien. L’homme, qui a le grade de major général, le plus haut de l’armée iranienne, est jusqu’ici sur la liste des personnes soumises à des sanctions, aussi bien de la part des Etats-Unis que des Nations unies. Aux côtés de ses subordonnés de la Garde révolutionnaire, et de dizaines d’entreprises que contrôle l’unité Al-Quds, Suleimani peut désormais être un peu plus tranquille. Si l’accord de Vienne est effectivement appliqué, son nom disparaîtra des listes internationales. Il devrait pouvoir à l’avenir voyager sans encombre, au moins hors des Etats-Unis.
Embarras à Washington cette semaine: soumis à des questions de journalistes sur la présence du nom de Qassem Suleimani, le secrétaire d’Etat, John Kerry, bafouille, et prétend dans un premier temps qu’il s’agit d’un homonyme, sans aucun lien avec ce chef de guerre qui est accusé d’avoir planifié des tentatives d’assassinat aux Etats-Unis. Le Département d’Etat se voit obligé de rectifier le lendemain: il s’agit bien du chef de la Garde révolutionnaire iranienne, l’un des hommes les plus puissants du pays, qui gère lui-même les combats en Syrie du côté de l’armée loyale à Bachar el-Assad, et qui dirige les milices chiites qui combattent en Irak avec les forces de Bagdad. Après l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, c’était ce même homme qui avait mené la vie dure aux troupes américaines. Il est en réalité considéré comme le maître d’œuvre de la technique dite des improvised explosive devices (IED), ces charges explosives qui attendaient les envahisseurs le long des routes, et qui ont coûté la vie à des centaines de soldats américains.
Alors que l’accord de Vienne s’étend dans le détail sur l’avenir des installations nucléaires iraniennes, qu’il évoque le mécanisme de la levée progressive des sanctions, qu’il aborde la question de l’armement conventionnel iranien, il s’avère que les responsables américains ont accepté les noms contenus dans «l’annexe numéro deux» sans même y jeter un coup d’œil.
A Washington, le sang des opposants à l’accord avec l’Iran n’a fait qu’un tour. «C’est purement incroyable», assénait le parlementaire républicain John McCain.
Ce début de polémique montre bien les écueils qui se profilent derrière une possible «normalisation» de l’Iran découlant de l’accord de cette semaine. «Normaliser», également, le rôle de la Garde révolutionnaire iranienne, cet Etat dans l’Etat, qui contrôle aujourd’hui un nombre ahurissant d’entreprises du pays, qui sont autant de pourvoyeurs de fonds à «l’effort de guerre» iranien, et qui contribueraient à financer des organisations telles le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien.
Un élément manque dans le raisonnement des opposants à la «normalisation». «La Garde révolutionnaire a été l’une des principales bénéficiaires du régime des sanctions contre l’Iran, écrit Ali Vaez, responsable de la question au sein de l’International Crisis Group. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Iran a été capable d’étendre son influence dans la région. Cette organisation a remplacé les entreprises étrangères qui ont quitté l’Iran à cause des sanctions. Elle a pris le contrôle du commerce, a bénéficié du manque de compétition, s’est engagée dans des activités illicites…»
L’accord conclu avec Téhéran signifiera-t-il une acceptation du rôle majeur que joue l’Iran dans les guerres qui dévastent le Moyen-Orient? Conduira-t-il, comme le laissait par exemple entendre le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, à une plus grande coordination avec Téhéran, afin de venir à bout de l’organisation de l’Etat islamique, l’ennemi commun? La clé est notamment entre les mains de Qassem Suleimani. Jusqu’à présent, la guerre aérienne menée en Irak par les Etats-Unis et ses alliés fait mine d’ignorer sur le terrain ses milices chiites, qui assurent seules les combats au sol. Or, sur le terrain, ces milices se révèlent pratiquement aussi brutales que les djihadistes de l’Etat islamique. Leur passé anti-américain en prime.