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Donald Tusk face à la presse après le succès du sommet qui a évité le Grexit. (Keystone)
Donald Tusk face à la presse après le succès du sommet qui a évité le Grexit. (Keystone)

Le président du Conseil s’est distingué lors du dernier sommet qui a permis d’éviter une sortie de la Grèce de la zone euro. En fonction depuis huit mois, il n’hésite plus à contredire le président de la Commission, Jean-Claude Juncker

Aussitôt la crise grecque désamorcée, Donald Tusk est parti en tournée en Europe orientale, notamment en Arménie, en Géorgie et en Azerbaïdjan, trois pays que Bruxelles souhaite vivement ramener dans son orbite. «Je vous remercie pour le service rendu à l’Europe et votre engagement est apprécié par l’Union européenne», a dit le président du Conseil européen mardi aux soldats géorgiens revenus d’une mission européenne de maintien de la paix en Centrafrique. «Je suis personnellement très fier de vous.»

De toute évidence, l’ancien premier ministre polonais a fini par endosser l’habit de la première personnalité de l’UE. En poste depuis décembre dernier, Donald Tusk n’a pas eu les premiers mois faciles. «Pour une question de langue», justifiaient ses proches. Il n’avait en effet pas de facilité en anglais, la langue la plus courante à Bruxelles. «Il a eu besoin d’un peu de temps pour entrer pleinement dans ses fonctions, explique Elmar Brok, eurodéputé allemand et président de la Commission parlementaire des affaires étrangères. Il l’a utilisé à bon escient et est désormais prêt pour assumer son rôle de rassembleur et de médiateur au sein de l’UE.»

Retour au petit matin du lundi 13 juillet dernier. Un sommet spécial qui, entamé la veille à 16 heures, avait désespérément tenté d’éviter l’implosion de la zone euro. Face aux blocages, Donald Tusk avait pris l’initiative et convoqué la chancelière Angela Merkel, le président français François Hollande et le premier ministre grec Alexis Tsipras dans son salon. Objectif: trouver coûte que coûte une solution pour maintenir la Grèce dans la zone euro. Après une heure d’infructueuses discussions, la chancelière allemande avait décidé d’abandonner la partie. Tel un capitaine qui refuse qu’on quitte le navire en feu, le président du Conseil avait interdit à quiconque de quitter les lieux. La stratégie a payé.

«Nous nous félicitons du rôle de facilitateur joué par Donald Tusk», a déclaré un diplomate français qui souligne tout de même que François Hollande s’était activement employé pour éviter le Grexit. Selon un diplomate allemand, Donald Tusk et Angela Merkel se connaissent de longue date et ce facteur a compté en ce fameux 13 juillet.

Désormais, Donald Tusk est considéré comme un «leader» capable de patience et de tact pour atteindre son objectif. Ces dernières semaines, il a démontré en pas moins de trois occasions son indépendance d’esprit en se distanciant ouvertement de Jean-Claude Juncker, son alter ego de la Commission.

C’est lui qui a affirmé que l’idée d’imposer des quotas de migrants aux Vingt-Huit était fausse. Ensuite, alors que le Luxembourgeois avait décidé de faire de la surenchère lors du référendum grec, Donald Tusk l’avait contredit en affirmant que l’objet du vote n’était pas l’avenir de la Grèce au sein de la zone euro comme voulait le faire croire Jean-Claude Juncker. Enfin, le Polonais l’a pris à contre-pied une nouvelle fois sur la dette grecque. Il a demandé que la question soit immédiatement mise sur la table en réponse aux sacrifices que devaient consentir les Grecs. Il a eu gain de cause.

Donald Tusk est-il en conflit avec le président de la Commission? La question n’est pas si farfelue. Elle s’est posée notamment au moment où il n’a pas invité Jean-Claude Juncker à la réunion restreinte sur la Grèce le matin du 13 juillet. Ce dernier s’était pourtant pleinement engagé à trouver une solution à la crise.

De nombreux observateurs ont noté non seulement les propos contradictoires, mais aussi la différence de style entre les deux dirigeants. «Donald Tusk est strict, austère et ne dit jamais un mot de trop. Le Luxembourgeois, lui, est détendu, même dans les pires moments», fait remarquer un diplomate. Du côté de la Commission, on balaie toute idée de conflit: «Les rôles de chacun sont bien définis et les deux hommes sont complémentaires pour le bon fonctionnement de l’UE.»

Basé à Varsovie, Michal Baranowski, politologue auprès du German Marshall Fund, un centre international d’études et d’analyses politiques, estime que son compatriote est resté fidèle à lui-même. «C’est un homme qui recherche activement des compromis, dit-il. Comme en Pologne lorsqu’il était premier ministre, Donald Tusk est avide de résultats.» Par ailleurs, selon lui, la percée dans les négociations sur la Grèce montre que le président du Conseil s’intéresse aux Vingt-Huit et non seulement aux pays de l’Est comme on l’a accusé à plusieurs reprises. Sur ce point, l’eurodéputé Elmar Brok trouve normal que Donald Tusk s’investisse beaucoup dans la crise entre la Russie et l’Ukraine. «L’UE doit pouvoir profiter de ses connaissances.»

Justement. Tout le monde n’apprécie pas le président du Conseil. «Il est 100% polonais et défend des positions polonaises, déplore un diplomate qui connaît le fonctionnement du Conseil. Son parti pris était flagrant lorsqu’il était question de sanctionner la Russie et de livrer des armes à l’Ukraine.» Toujours selon lui, il a les mêmes positions conservatrices sur l’immigration ou sur le changement climatique qu’au temps où il était premier ministre.

http://www.letemps.ch